DIRIGER une clinique privée n’est déjà pas une mince affaire. Il faut équilibrer les comptes, fidéliser le personnel. Pour une femme, les choses se corsent encore. Il faut dépasser la discrimination à l’embauche, puis s’imposer auprès des médecins.
Une centaine de femmes managers ont répondu à l’invitation du syndicat de cliniques FHP-MCO, qui a organisé une série de tables rondes sur le sujet lundi, journée internationale de la femme. Au plan des effectifs, même constat que partout ailleurs : les femmes patronnes de clinique sont largement sous-représentées (moins d’une sur sept). Les 32 CHU ne font pas mieux, avec seulement deux femmes directrices générales. Jean du Boucher, PDG d’un cabinet de recrutement, assure que les temps changent. « Il y a près de 20 ans, on a commencé à prendre en compte les dossiers des chômeurs. Maintenant, on fait de même avec les femmes. Le mouvement est lancé. Il est très rare qu’on me demande : " Surtout, pas une femme ". »
Pas si simple, nuance Claire Le Guellaff, DG d’une clinique en Haute-Savoie : « J’entends encore dire ici ou là : les femmes font ch… avec leurs gosses ». Carré blond et tailleur rouge, son look dénote. « C’est toujours l’image archaïque du manager qui reste, avec les bretelles et les plis au front », remarque-t-elle.
Les relations avec les médecins libéraux sont parfois délicates. C’est en tout cas ce qu’observe Christian Le Dorze, PDG du groupe Vitalia (46 cliniques), parfois directement contacté par des médecins souhaitant court-circuiter leur direction locale. « C’est plus fréquent quand le directeur est une directrice », dit-il.
En manque de légitimité, « la » chef d’établissement ? Christine Dermer dirige une clinique en Seine-Saint-Denis. Elle n’est pas d’accord. « Notre image maternante est plutôt facilitante. On nous voit comme la mère de famille qui ne plaisante pas. Avec les femmes médecins, la solidarité féminine joue. Avec les hommes médecins, c’est un travail quotidien de conviction, qui n’exclue pas le charme ». Christine Dermer a été pédiatre par le passé. Un atout, indéniablement. « J’ose dire non à un médecin s’il m’assure devoir faire 45 % de césariennes pour des raisons médicales. »
Faire ses preuves.
Jeanne Loyher gère trois cliniques, 450 lits et 800 personnes, à la Réunion. Sans être médecin, elle cumule les casquettes, en étant expert visiteur pour la HAS (Haute Autorité de Santé). « Il faut toujours qu’on prouve trois fois plus ce qu’on sait faire », dit-elle. Pour convaincre « ses » médecins libéraux, à 95 % des hommes, de se lancer dans l’accréditation, elle a dû « tout déployer ». « Ils me disaient : on n’a pas besoin de ça, on a déjà tout compris. J’ai dû passer par la technique pour les fédérer. Un directeur lambda n’aurait peut-être pas été aussi fin pour trouver des astuces. » Son regard de femme, elle s’en sert dans sa gestion quotidienne. « L’homme gestionnaire se cantonne à la haute stratégie. Depuis six ans et la mise en place de la tarification à l’activité, il cherche la production, l’équilibre entre dépenses et recettes. Mais le patient et le soignant ne sont pas des machines. La femme est plus sensible à la dimension humaine, elle est à l’écoute. C’est un atout pour la qualité des soins. »
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