Entre le début de la crise sanitaire et l’été 2021, 68 % des personnes mobilisées dans des services Covid ont connu des « périodes inhabituelles de surcharge de travail », contre 28 % pour l’ensemble des personnes en emploi en France. Cette proportion s’élève à 70 % à l’hôpital public et à 58 % dans les cliniques privées. Toutes les familles de soignants sont touchées : 56 % des médecins, et jusqu’à 77 % des infirmières et des sages-femmes. De surcroît, les changements de service pour faire face à la crise sanitaire ont été nombreux, touchant 22 % des personnels (33 % des infirmières). Tels sont les principaux résultats d’une étude de la Drees (service des statistiques du ministère) consacrée aux conditions de travail du personnel hospitalier durant la crise sanitaire. C'est le troisième volet de l’enquête Épidémiologie et conditions de vie (EpiCov).
La prise en charge du Covid a également eu des effets sur les personnes travaillant dans les autres services, puisque cette surcharge a frappé 39 % d’entre eux, en raison sans doute « des réaffectations d’effectifs en direction des services Covid ».
Vie privée affectée
La pandémie a également eu un impact sur la vie privée des blouses blanches qui ont plus de difficultés qu’avant à concilier vie personnelle et vie professionnelle (26 %) . Là encore, ces tensions étaient plus élevées dans les hôpitaux publics que dans les cliniques privées (28 % vs 21 %).
L’instauration des plans blancs a permis aux employeurs de reporter les congés de leurs personnels ou de rappeler ceux qui étaient en congés. Au total, 26 % des salariés du secteur déclarent avoir été « incités » à repousser leurs vacances en raison de la charge de travail, et même 36 % des personnes ayant travaillé dans des services Covid.
À noter aussi que 19 % des hospitaliers ont été encouragés à se rendre sur leur lieu de travail, alors même qu’ils étaient cas contact ou avaient des symptômes du Covid (et même 25 % de ceux ayant travaillé dans des services Covid). Enfin, 7 % d’entre eux ont été incités à ne pas prendre – ou à ne pas prolonger – un arrêt maladie pour travailler (9 % dans les services Covid).
Crainte des hospitaliers pour leur propre santé
La crise sanitaire a intensifié toutes les exigences et contraintes pesant sur les personnels. Pour pallier l’absence des proches, 44 % des hospitaliers rapportent avoir dû « toujours ou souvent » accompagner les patients davantage qu’à l’ordinaire. 35 % des salariés se sont retrouvés « toujours ou souvent en situation d’assurer le rôle de soutien » habituellement tenu par les proches dans des situations critiques. Surtout, 42 % des personnels hospitaliers ont craint que leur propre santé ait été mise en danger par leurs conditions de travail (la moitié dans les services Covid).
Autre point saillant : 27 % des salariés du secteur ont travaillé avec davantage d’autonomie, phénomène lié à « l’auto-organisation des équipes » mais aussi à « une adaptation contrainte face au manque de moyens ». Dans ce contexte inédit, la pandémie a engendré des tensions accrues dans les rapports avec les collègues et les supérieurs hiérarchiques (pour 20 % des agents, et plus encore – 28% – dans les services Covid).
En panne de reconnaissance
Alors que l’on aurait pu imaginer le contraire, les « trois quarts du personnel du secteur hospitalier » n'ont pas ressenti de différence quant à la reconnaissance de leur travail par rapport à l’avant-crise. Seuls 18 % des salariés ont trouvé que leur travail était plus reconnu qu’avant la pandémie (14 % des médecins), tandis que 6 % pensent qu’il est même moins reconnu qu’avant…
À l’avenir, seul un salarié hospitalier sur deux se sent capable de faire le même travail qu’aujourd'hui. Un tiers des personnels ne se sent pas capable de tenir dans ses conditions jusqu’à la retraite et/ou « ne le souhaitent pas », en particulier les personnels mobilisés dans des services Covid.
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