Prise en compte de la pénibilité au sein de l'hôpital public, résolution de « l’épineuse question du partage de la permanence des soins (PDS) entre les établissements de santé publics et privés » : lors de ses vœux, le ministre de la Santé François Braun avait évoqué plusieurs chantiers hospitaliers jugés prioritaires à ses yeux. Un mois plus tard, le secteur reste dans l’expectative. « C’est le silence radio au niveau du ministère », confie au « Quotidien » la Dr Rachel Bocher, présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH). « Rien n’a été fait sur le chantier de la pénibilité », assène la psychiatre nantaise qui a le sentiment que l’on « fait du sur-place ».
Le dernier exemple en date ? Une réunion organisée par la DGOS mi-février, en présence des organisations de PH. Objectif : définir une feuille de route pour prioriser les sujets à traiter… L’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) avait beaucoup d'idées : revalorisation de la PDS, évolution des grilles de salaire, décompte précis et reconnaissance du temps de travail des PH, valorisation de la pénibilité, etc. Las, la réunion, pilotée par la DGOS, « n’a pas évoqué les sujets proposés par les organisations syndicales, en dehors d’un vague échange sur la PDS », enrage APH. Le ministère aurait imposé son ordre du jour avec la protection complémentaire santé, l’encadrement des tarifs de l’intérim ou la PDS, « mais uniquement sous les angles "rémunération" et "répartition public/privé" ».
Partage équitable de la PDS
Pourtant, le chantier de la permanence des soins en établissement de santé (PDS-ES) a été ouvert avant même le Ségur de juillet 2020. Mais, « rien n’a bougé », affirme le Dr Jean-François Cibien, président d’APH, soulignant que les médecins hospitaliers ont « davantage de travail la nuit et le week-end ».
Ces contraintes sont « de plus en plus réservées à l’hôpital public, les médecins libéraux se désinvestissent de la PDS », abonde le Dr Marc Noizet, président de Samu-Urgences de France (SUdF). On ne peut pas demander à un collectif en nombre déjà insuffisant de faire éternellement plus sans essorer les gens ». D’autant que ces sujétions sont moins acceptées par les nouvelles générations de PH. D’où l’importance de lancer des « signaux forts », insiste l’urgentiste de Mulhouse qui attend les recommandations de l'Igas sur l'organisation et la reconnaissance de la PDS-ES, prévues pour fin avril.
Plusieurs enquêtes d’APH auprès du terrain – « Nuits blanches » et « Flash-back » – ont révélé que la pénibilité de la PDS et sa « nette sous-rémunération » étaient principalement à l’origine du manque d’attractivité de l'hôpital, entraînant des difficultés de fidélisation. Trois quarts des PH seraient prêts à partir à cause des gardes et astreintes, considérées comme une « corvée » pour 40 % d'entre eux…
Engrenage de mesures ponctuelles
Aux yeux des syndicats de PH, l'attractivité suppose de changer de braquet. Pour quitter l'engrenage des mesures incitatives provisoires depuis l'été 2022 (et partiellement reconduites), le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (Snphare) réclame depuis des mois une valorisation « pérenne » de la PDS. Ses revendications : le « doublement de l’indemnité de sujétion » (gardes et astreintes) pour les PH, l’inclusion du samedi matin dans la PDS et le doublement du tarif du temps de travail additionnel (TTA). Le syndicat milite également pour un décompte précis du temps de travail (qui ne concerne pas seulement les internes mais aussi les PH en poste). Les choses pourraient bouger : en février, le CHU de Strasbourg a été condamné pour ne pas avoir mis en place de décompte « fiable, objectif et accessible ». Lors du Ségur, le Snphare avait également demandé que le temps de travail de la PDS soit correctement décompté et reconnu (24 heures = 5 demi-journées). Mais, à l’époque, « Olivier Véran avait refusé, car ce calcul coûtait trop cher à l'État, 180 millions d’euros par an, soit 500 000 euros par jour… », se souvient la Dr Anne Geffroy-Wernet, sa présidente.
Un an et demi plus tard, la problématique budgétaire reste d’actualité. Le ministre « ne sous-estime pas la pénibilité de nos métiers », mais il sait que c’est « un sujet complexe qui nécessite de l’argent », croit savoir le Dr Noizet (SUdF). François Braun n’a « aucune marge de manœuvre, c’est Bercy qui tient les cordons de la bourse », assène le Dr Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf).
La réforme des retraites aurait pu être l’occasion de reconnaître les contraintes de l'exercice de PH. « Notre métier est source d’une pénibilité importante mais il ne rentre pas dans les catégories actives », rappelle la Dr Geffroy-Wernet (Snphare). Quant au compte pénibilité, « on ne rentre jamais dedans car on ne tient pas compte de notre exercice hyperspécifique, souligne l’anesthésiste-réanimatrice. Or, travailler 24 heures d’affilée de manière pénible, cela n’existe nulle part ailleurs ! »
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