Rationnement des protections et des repas, maltraitances, personnels sous pression, familles mécontentes…: dans son livre enquête « Les Fossoyeurs », paru ce mercredi 26 janvier chez Fayard – et dont les bonnes feuilles ont été publiées dans « Le Monde » – le journaliste Victor Castanet fait état de très graves dysfonctionnements et défaillances au sein du groupe d'Ehpad privés Orpéa, un mastodonte qui emploie 65 000 collaborateurs dans 1 100 établissements dans le monde (220 Ehpad en France). Les faits dénoncés ont été jugés suffisamment graves pour que le gouvernement convoque la direction du groupe pour des explications.
Pour que lumière soit faite sur les faits graves évoqués dans le livre de @VictorCastanet, je convoque le Directeur Général d’Orpéa dans les plus brefs délais, sur demande d’@olivierveran.
— Brigitte Bourguignon (@BrigBourguignon) January 25, 2022
J’ai une pensée émue pour les résidents d’#EHPAD, leurs familles et les professionnels.
Dérives lucratives
Dans son ouvrage, l'auteur décrit un système où les soins d'hygiène, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents, sont rationnés pour améliorer la rentabilité de l'entreprise. Et ce, alors que les séjours sont facturés au prix fort (en moyenne 6 500 euros par mois pour une chambre d'entrée de gamme dans une résidence de Neuilly-sur-Seine). Une auxiliaire de vie, dont le journaliste a recueilli le témoignage, raconte qu'elle devait « se battre pour obtenir des protections d'hygiène » pour les résidents.
L'ouvrage revient par ailleurs sur les conditions de la mort de l'écrivaine Françoise Dorin en 2018, des suites d'une escarre mal soignée moins de trois mois après son entrée dans un établissement Orpéa. Il évoque aussi les liens qu'aurait entretenus le groupe avec Xavier Bertrand dans les années 2000, alors qu'il était ministre de la Santé et du Travail.
Enquête flash lancée
À la suite de ces révélations, la ministre déléguée à l'Autonomie Brigitte Bourguignon a donc indiqué ce mercredi qu'elle convoquait la direction d’Orpéa dans les plus brefs délais. Elle a aussi annoncé le lancement « d'une enquête flash », qui pourrait déboucher sur une enquête de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas). « Je veux m’assurer que les faits dénoncés dans "Les Fossoyeurs" ne relèvent pas d’un système organisé par Orpéa », a précisé la ministre.
Je veux m’assurer que les faits dénoncés dans Les Fossoyeurs ne relèvent pas d’un système organisé par Orpéa. Rogner sur la qualité par souci de rentabilité serait très préjudiciable.
— Brigitte Bourguignon (@BrigBourguignon) January 26, 2022
C’est pourquoi je travaillerai en toute transparence avec l’ensemble des parties prenantes. pic.twitter.com/2srSnZIADl
Les révélations sont « absolument révoltantes » et appellent à des sanctions de « la plus grande sévérité (...) si les faits sont avérés », a abondé ce mercredi le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.
Orpea, dont l'action a dévissé – depuis le début de la semaine le titre perdait 38 % – a déploré des attaques « extrêmement violentes » dans un contexte où ses équipes sont « mobilisées depuis deux ans par la crise sanitaire ». Le groupe a saisi ses avocats pour donner « toutes les suites, y compris sur le plan judiciaire » à la publication du livre et « rétablir la vérité des faits ». « Nous avons toujours placé la qualité avant le financier », s’est défendue la direction, qui pointe des témoignages « à charge » d’une minorité d’anciens collaborateurs. « Nous n’avons jamais demandé le moindre rationnement. Il n’a jamais été question de sacrifier la moindre prise en charge. Ça ne correspond ni à nos directives, ni à nos valeurs », a-t-elle plaidé.
Droit de visite parlementaire
Ces révélations ont fait réagir l'association des directeurs d'établissements au service des personnes âgées (AD-PA). « Si les faits dénoncés sont avérés, certains d’entre eux sont inacceptables et susceptibles d’être condamnés. Ce sera à la police et la justice d’enquêter sur ce sujet, estime l'AD-PA. Au-delà, s’agissant notamment du manque de professionnels soignants, cette situation révèle les carences des pouvoirs publics qui entretiennent la maltraitance sociétale des personnes âgées à domicile et en établissement, en raison de l’insuffisance de financements (...). »
Selon l’Union fédérale de la santé privée CGT, « les élus mandatés et syndiqués CGT du groupe Orpéa dénoncent depuis des années les conditions de travail et de prise en charge des résidents dans ces établissements. Au fil des années, de nombreuses alertes et plaintes ont été faites auprès des tutelles, sans que rien ne change », indique la centrale syndicale, qui « se réserve le droit de poursuivre le groupe en justice ».
Les députés socialistes demandent de leur côté que les parlementaires puissent disposer d'un droit de visite dans les Ehpad, sur le modèle de ce qui se pratique pour les lieux de privation de liberté.
Les élus de l'opposition ont dénoncé au passage les « promesses non-tenues » d'Emmanuel Macron sur le sujet de la dépendance. En 2018, l'exécutif avait promis une grande loi sur l'autonomie, avant que cette réforme se transforme en une série de mesures inscrites dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale.
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