« Avec la réserve prudentielle, on va encore demander des efforts aux libéraux ! » : cette crainte d'un cadre du SML, exprimée le week-end dernier lors du 9e congrès du syndicat, illustre les inquiétudes du secteur libéral depuis l'annonce par Agnès Buzyn de la création d'une réserve prudentielle pour les soins de ville, inspirée du mécanisme hospitalier (chaque année, des crédits sont mis en réserve puis dégelés ou annulés).
Lors de son audition devant la commission sénatoriale des affaires sociales, la ministre de la Santé a en effet déclaré que « la construction de l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) 2 019 inclut déjà une réserve prudentielle, une provision de 120 millions d’euros sur les soins de ville ». Sous quelle forme ? S'agit-il de conditionner certaines revalorisations (tarifs, forfaits, dotations) au respect de l'objectif des soins de ville, comme vient le préconise la Cour des comptes ? Faut-il y voir un premier pas vers une maîtrise comptable des dépenses (honoraires, prescriptions, IJ) ?
Quand l'hôpital paye pour le libéral
Interpellé par les cadres du SML, le directeur de la DREES (service des études et des statistiques du ministère de la Santé), Jean-Marc Aubert, a expliqué la problématique qui conduit aux réflexions actuelles.
Certes, « historiquement, le budget de la ville a été mieux respecté que celui des hôpitaux », a rappelé l'expert. Mais cela fait plusieurs années que les dépenses de ville, très dynamiques, dépassent systématiquement les objectifs fixés en loi de financement (le dérapage atteindrait 560 millions d'euros pour la seule année 2018). Avec des effets collatéraux sur les établissements… « Le secteur hospitalier a vu l'année dernière une réduction a posteriori de ses tarifs pour tenir l’ONDAM de ville, du coup les hôpitaux ont beaucoup râlé », a expliqué Jean-Marc Aubert, également responsable de la « task force » chargée de la réforme du financement du système de santé et de sa régulation.
Cerise sur le gâteau : dans son avis publié lundi dernier, le comité d'alerte indépendant sur le suivi des dépenses maladie n'y va pas par quatre chemins. « Pour éviter une ponction systématique sur les autres sous-objectifs, notamment les dépenses hospitalières », cette instance réclame des mesures garantissant le respect de l'enveloppe de ville « ou à tout le moins des mécanismes de régulation infra-annuelle permettant d'en limiter fortement le dépassement ».
Éviter les lettres clés flottantes
La réserve prudentielle de 120 millions d'euros appliquée dès 2019 au secteur libéral serait donc une soupape de sécurité. « On doit mieux tenir l'ONDAM de ville, assume Jean-Marc Aubert. Pour éviter des amendements de régulation du type "lettres clés flottantes" [décotes de tarifs, NDLR] ou "reversement d'honoraires", on a prévu une marge de 120 millions pour compenser les choses dans l'hypothèse où l'évolution [des dépenses] serait plus rapide que prévu. Les professionnels de santé n'auront pas à payer ces 120 millions d’euros ».
Pas sûr du tout que ces explications suffisent… Les libéraux font valoir de leur côté qu'ils subissent depuis des années le surcoût (sur leur budget) des transferts de prescriptions rédigées à l'hôpital, notamment via les mécanismes de rétrocession.
Dans ce contexte, le SML redoute déjà la « mise en coupe réglée » de la médecine de ville et le retour à une « maîtrise comptable dure comme on n’en avait plus vu depuis les plans Juppé/Aubry, de sinistre mémoire ». Dès la semaine dernière, la CSMF avait sonné l'alarme. « Pas de réserve pour les soins de ville ! », clamait le syndicat, soulignant que le secteur est déjà « largement mis à contribution » dans le cadre du plan d'économies.
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