« À mes débuts à l’hôpital, il y avait peut-être un tire-au-flanc pour dix agents. Aujourd’hui, il y en a quatre ou cinq ». Interviewé par « Le Figaro » le 1er juillet, les propos du Pr Michaël Peyromaure, chef du service d’urologie de l’hôpital Cochin, ont provoqué une bronca dans la communauté médicale. Dans les colonnes du quotidien, le PU-PH tire à boulets rouges sur les paramédicaux, les internes mais aussi les jeunes générations de libéraux, et même les patients, « des gratte-vacances ».
« Que font-ils le reste du temps ? »
Interrogé sur le supposé désinvestissement du personnel hospitalier, le mandarin parisien fustige « l’ère des loisirs » à l’hôpital, où il dépeint des paramédicaux obsédés par leurs vacances. Manifestement hermétique à la législation sur le temps de travail, l’urologue regrette que certaines infirmières fassent décaler des opérations « parce qu’elles estiment que l’horaire est dépassé ». Et les brancardiers ? « J’ai appris que certains ne brancardaient qu’un patient par jour. Que font-ils le reste du temps ? », persifle-t-il encore.
Les malades en prennent pour leur grade. « Beaucoup de patients devant se faire opérer, y compris pour un cancer, choisissent leur date opératoire en fonction de leurs vacances et non pas des contraintes de l’hôpital », assure l’urologue, qui persiste et signe : les malades « veulent bénéficier d’un arrêt de travail pour leur convalescence, puis partir en vacances une fois rétablis. »
« L’internat était un sacrifice »
Le professeur d'urologie ne semble pas davantage ému par les conditions de travail des internes, épuisés par des journées de travail à rallonge. « Au risque de choquer, je crois que le nouveau cadre réglementaire qui est censé les protéger contre le surtravail est une mauvaise idée », avance Michaël Peyromaure, qui encadre pourtant des juniors. Le chef de service juge la législation sur les 48 heures de travail hebdomadaire comme « une hérésie », qui conduira les internes à devenir « des gratte-papiers ».
« Les internes sont des apprentis, pas des étudiants. Jusqu’à récemment, ils travaillaient jusqu’à cent heures par semaine. Ils étaient épuisés mais remarquablement formés », imagine le PU-PH. S’il ne nie pas les abus dont sont victimes les carabins, pour Michaël Peyromaure « ça (forge) aussi le caractère »… « L’internat était un sacrifice. Aujourd’hui, c’est devenu un travail comme un autre », assène-t-il alors que la dernière enquête santé mentale montre que les deux tiers des carabins ont déjà souffert d’épuisement professionnel, 39 % de symptômes dépressifs.
Pas de jaloux, l’urologue flingue aussi ses confrères libéraux. Dans sa verve, il oppose les médecins de famille d’antan « respectés, parfois vénérés », aux nouvelles générations, qui refuseraient de prendre de nouveaux patients. « C’est incompréhensible, ça devrait être interdit ! », pense le Pr Peyromaure.
Intervention injuste
Face au tollé, la Conférence des doyens de médecine a réagi le 4 juillet, dénonçant une intervention « malhabile, injuste et contreproductive ». Les doyens réitèrent leur soutien aux jeunes médecins qui s’engagent « avec un grand sens du devoir » et « subissent en retour un stress reconnu et des phénomènes de lassitudes ».
Ils appellent le chef de service, responsable de formation, à respecter le temps de travail des étudiants et des paramédicaux. « Nous ne devons pas, dans cette période de crise, tenir ce type de propos blessants et injustes », insiste la conférence des doyens.
« Abject »
Virale sur les réseaux sociaux, l’interview du Pr Peyromaure a provoqué une vague d’émotion et des railleries. « J’ai beaucoup lu des propos répugnants et orduriers mais jamais à ce niveau ! Hallucinant ! », tweete le Pr Mahmoud Zureik, PU-PH et directeur d’Epiphare. « On souhaite au Pr Peyromaure d'être irréprochable dans le respect de la loi, la gestion de son service et son activité privée. Il ne faudrait pas qu'il tombe dans la catégorie qu'il dénonce », a également mis en garde l’Intersyndicale nationale des internes (Isni).
Le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) dénonce des propos « abjects », rappelant que les soignants ont effectué 2,5 millions d’heures supplémentaires en 2021 à l’AP-HP. « C’était mieux avant, a résumé ironiquement le Dr Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre (UFML). Au temps où l’on s’asseyait sur le respect dû aux internes. Où les mandarins en faisaient de la chair à service, où les médecins étaient corvéables à merci, bousillaient leur couple et faisaient un bel infarctus à 50 ans ».
On souhaite au Pr Peyromaure d'être irréprochable dans le respect de la loi, la gestion de son service et son activité privée. Il ne faudrait pas qu'il tombe dans la catégorie qu'il dénonce. https://t.co/H3BVectATK
— ISNI - InterSyndicale Nationale des Internes (@ISNItwit) July 1, 2022
C’était mieux avant
— DrMartyUFML-S (@Drmartyufml) July 2, 2022
Au temps ou l’on s’asseyait sur le respect du aux internes.
Ou les mandarins en faisait de la chair à service
Ou les médecins etaient corveables à merci, bousillaient leur couple et faisaient un bel infarctus à 50ans
Ecoute les orgues elles jouent pour toi pic.twitter.com/3Q6BAYlQAl
« Il arrive qu’un interne se permette d’aller aux toilettes sur son temps de travail, incapable de se retenir pendant sa garde de 48 heures. Voilà où en en l’hôpital » assène Miguel Pyromane, chef de service d’urologie à l’APHP.
— Ubu (@ubu___ubu) July 2, 2022
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