Armés de stylos et croulant sous les dossiers papier, ils sont « très fatigués ». Depuis le 21 août, date de la cyberattaque contre le centre hospitalier de Corbeil-Essonnes, qui a paralysé une partie de son réseau informatique, le personnel est à la peine. « Tout est à l'arrêt. On arrive tous les matins, plus de logiciels, les écrans sont noirs. » Nassima Hamonoux, représentante du personnel, travaille au pôle Femme Mère Enfant du mastodonte qu'est le CHSF, assurant la couverture sanitaire de près de 700 000 habitants de la grande couronne parisienne.
Elle démarre une sixième semaine « à l'ancienne », selon la formulation d'une de ses collègues à l'accueil, qui a requis l'anonymat. « On ne travaille plus qu'avec le stylo Bic », rit jaune cette dernière.
Ce pôle accueille pourtant « 350 passages par jour et plus de 5 000 accouchements par an », chiffre une de ses collègues, adjointe administrative qui a aussi requis l'anonymat. Ces agentes expliquent être dans l'impossibilité de retrouver les dossiers administratifs : la version numérique n'est plus disponible et celle en papier introuvable. Enregistrés sous un numéro et non sous le nom de la patiente, ils sont non identifiables sans informatique, selon elles.
Montagnes de papiers
Elles remplissent donc à la main une nouvelle fiche, y agrafent les documents nécessaires, la classent parmi « les montagnes de papiers » qui peuplent désormais leur « petit bureau ». « À ce jour, 100 % des données des patients (...) ont été récupérées », assure à l'AFP la cellule de crise du CHSF. Autre problématique : la transmission d'information s'est grippée en raison de l'absence des dossiers partagés en réseau.
« On court partout, on monte dans les étages, on demande "La maman, elle est partie, elle est entrée" » , dit Mme Hamonoux. L'une de ses collègues parle même de « travail d'enquête et de recoupement d'informations », une autre a peur « de faire des erreurs ». « On est tous très fatigués », avouent les trois femmes interrogées par téléphone, la direction ne permettant pas « pour le moment » aux journalistes de pénétrer dans l'hôpital.
La cellule de crise du CHSF éclaircit toutefois l'horizon : « le système d’archivage et de partage d’imagerie médicale (PACS) a été réactivé », ce qui permettra de soulager le personnel, extrêmement « résilient », notamment après deux années de Covid. « On a restauré une partie de l'accès internet la semaine dernière », a ajouté un expert en cybersécurité sous couvert d'anonymat à l'AFP.
Beaucoup de burn-out
Auparavant, un médecin devait par exemple descendre au centre d'imagerie consulter les résultats des scanners directement sur l'écran et rédiger ordonnances et observations médicales à la main, avait détaillé il y a quelques semaines à l'AFP Franck Banizette, représentant syndical de Sud Santé.
Des conditions de travail dégradées menant à « beaucoup de burn-out », souffle l'adjointe administrative. « Le service santé au travail a été mobilisé dès le début », indique la cellule de crise qui rappelle que cette équipe s'appuie « notamment sur un psychologue du travail réactif ».
Le personnel a été particulièrement ébranlé par la violence de la cyberattaque. « Quand (je l'ai) appris, j'en ai chialé. Je ne comprends pas qu'on puisse mettre la vie des patients en danger », tempête Mme Hamonoux. Les foudres de Christian Del Pozo, ex-secrétaire FO du CHSF, elles, s'abattent sur les dirigeants politiques. « Je trouve inadmissible qu'on en arrive là par manque d'argent. Les budgets alloués à la protection des services hospitaliers sont insuffisants », s'agace le syndicaliste désormais à la retraite, contacté par l'AFP.
« Le risque », selon lui, « ce sont les suppressions de postes », l'activité de l'hôpital ayant mécaniquement baissé. Or les budgets alloués aux établissements sont calibrés en fonction de leur activité. Des suppressions « pas du tout d’actualité », rétorque l'hôpital, « notre établissement recrute ».
Près de 600 patients sont actuellement hospitalisés et les consultations ainsi que les prises de rendez-vous sont assurées, indique la direction. Les personnes se présentant aux urgences « sont examinées et orientées » et « la majorité des interventions chirurgicales programmées ». Les hackers avaient fixé un ultimatum au 23 septembre à l'hôpital pour payer la rançon. Le délai expiré, ils ont diffusé vendredi une série de données.
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