Comment redonner de l’attractivité aux métiers de la fonction publique, dont ceux de l’hôpital ? Dans un rapport touffu, France Stratégie* donne des clés d’analyse de la situation, qui est loin d’être simple pour les blouses blanches, dans un contexte de tensions RH et de perte de sens.
La fonction publique se divise en trois versants : l’État rassemble 45 % des effectifs globaux, les collectivités territoriales 34 % et la fonction publique hospitalière (FPH) 21 %. La FPH compte ainsi 1,22 million d’agents : 67 % sont des fonctionnaires, 22 % des contractuels (dont 54 % en CDI) et 11 % sont classés en tant qu’autres catégories et statuts. Figurent dans cette catégorie les praticiens hospitaliers. Au global, les femmes sont surreprésentées par rapport aux autres versants : elles pèsent pour 78 % de l’ensemble des agents de la FPH.
Effet des 35 heures
Se fondant principalement sur des données de la Fédération hospitalière de France (FHF), les experts rappellent que 98 % des hôpitaux connaissent des tensions sur le recrutement dans au moins une spécialité médicale. Ces crispations sont notamment visibles à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui comptait 21 % de lits fermés en 2022, dont 70 % par manque de personnel.
L’hôpital se différencie des deux autres branches par la plus forte croissance de sa masse salariale (hors médecins) portée par un taux de recours aux contractuels significatif sur les deux dernières décennies. Entre 1996 et 2021, les effectifs au sein de la FPH « ont augmenté continuellement (+37 %), du fait des recrutements qui ont accompagné la réduction du temps de travail dans les établissements de santé et grâce à l’augmentation de la part des contractuels », lit-on. Plus précisément, 80 % de la croissance des effectifs entre 2005 et 2021 a été portée par le recrutement de contractuels. Or, analyse France Stratégie, ce phénomène peut « avoir un effet sur l’attractivité des recrutements, en particulier chez les titulaires ».
Recours accru à l’intérim
Cette problématique de l’attractivité est particulièrement saillante pour les médecins, les aides-soignantes et les infirmiers, la fonction publique hospitalière connaissant les mêmes difficultés que le secteur privé. Ces tensions récurrentes ont un impact significatif sur la politique RH des établissements de santé publics, ces difficultés à recruter pouvant s’accompagner d’un recours accru à l’intérim – même s’il reste faible comparé aux autres types d’embauches.
Le rapport s’attarde également sur les postes vacants, « qui se multiplient dans la fonction publique hospitalière ». Si l’on sait qu’un poste sur trois environ n’est pas pourvu chez les praticiens hospitaliers (données du CNG) – et parfois beaucoup plus dans certaines spécialités – l’étude des effectifs d’aides-soignants et d’infirmiers montre aussi que la hausse du nombre de fonctionnaires en équivalent temps plein (ETP) pour la période 2019-2022 (+3 %) n’a pas permis pas de réduire la proportion de postes vacants dans ces métiers. En cause : l’augmentation nécessaire dans le même temps par les hôpitaux de « leurs objectifs de recrutement pour répondre à la demande de soins (dégradation de l’état de santé de patients plus lourds) et à la réorganisation des prises en charge ». En avril 2022, 2,5 % des postes d’aides-soignants et 5,7 % des postes d’infirmiers sont toujours vacants.
Le rapport s’intéresse également aux absences pour raison de santé, qui « semblent être revenues, dans les CHU, à un niveau plus proche de celui de la période antérieure à la crise sanitaire ».

La retraite, la panacée ?
France Stratégie interroge ensuite les conditions de travail et le ressenti des personnels hospitaliers, en se fondant sur une étude de janvier 2023. À la question « Vu tous mes efforts, je reçois le respect et l’estime que mérite mon travail », 43 % des personnels de la fonction publique hospitalière ne sont pas d’accord ou pas du tout d’accord. Parmi les médecins, 66 % seulement se déclarent « reconnus » dans le public contre 77 % dans le privé.
Enfin, France Stratégie insiste sur la nécessité de « fidéliser jusqu’à la retraite » les fonctionnaires des trois branches. Pour les métiers mixtes (que l’on retrouve dans le public et dans le privé), les résultats sont généralement légèrement en faveur du public « sauf pour les métiers de soignants pour lesquels les salariés du privé déclarent être bien plus en capacité de rester jusqu’à la retraite », lit-on. C’est le cas à 45 % chez les infirmiers (contre 38 % dans le public) et à 77 % pour les médecins (contre 65 % dans le public).
* service rattaché au Premier ministre chargé de l’évaluation des politiques publiques
Les aides-soignants, précaires mais mieux payés dans le public
Les aides-soignants sont plus nombreux et mieux payés dans le public (385 000 agents) que dans le privé (352 000 agents). À l’hôpital, ils perçoivent un revenu annuel net moyen de 19 900 euros contre 12 605 euros dans le privé. Dans les deux secteurs, le recours aux CDD est fort, mais il est bien plus prononcé dans le public. Les aides-soignants du secteur public (66 %) sont plus sujets aux contraintes physiques que ceux du privé (56 %) et surtout que l’ensemble des salariés (36 %). Comme ceux du privé, les aides-soignants du public se sentent moins capables de conserver leur travail jusqu’à la retraite (48 %) que le reste de la population (57 %).
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