Seuls 36 % des infirmiers sont satisfaits de leur situation professionnelle actuelle, contre 74 % des Français, selon une enquête Ifop réalisée pour Charlotte K, un collectif d’infirmières qui accompagne les IDE dans leur reconversion professionnelle, avec le soutien de l'association Soins aux professionnels de santé (SPS) et infirmiers.com. « Aujourd’hui, les infirmiers ne cherchent même plus à se battre pour leur métier et pour réussir à travailler malgré les difficultés ! Ils veulent surtout fuir cette activité, en raison de sa perte d’attractivité et de sa perte de sens », estime Charlotte Kerbrat, la fondatrice de Charlotte K.
Si l’on rentre dans les détails, on se rend compte que les infirmiers ont, en grande majorité, le sentiment d’être utiles (77 % d’entre eux). Ils apprécient aussi leur niveau d’autonomie (75 %) et la reconnaissance que leur témoignent les patients (76 %). Mais à peine la moitié d’entre eux (52 %) sont satisfaits de leurs horaires de travail.
Si l’on regarde d’autres aspects de leur vie professionnelle, les infirmiers affichent clairement leur insatisfaction. Qu’il s’agisse de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle (41 % de satisfaits), des formations reçues (35 % de satisfaits), des possibilités d’évolution professionnelle (31 % de satisfaits) ou de la rémunération (22 % de satisfaits). Enfin, 85 % des infirmiers estiment que leur travail n’est pas reconnu à sa juste valeur « au regard de la technicité des soins et des compétences médicales nécessaires ».
Surcharge de travail et déshumanisation du soin
Le niveau d’insatisfaction est tel que 60 % des infirmiers ne choisiraient plus le métier d’infirmier s’ils avaient la possibilité de revenir un arrière. Pire : 25 % d’entre eux affirment qu’ils ne le referaient « pas du tout ». Parmi eux, les infirmiers libéraux sont légèrement surreprésentés (63 %). C’est également le cas des infirmiers travaillant dans le secteur privé (64 %) et hors structure hospitalière (67 %).
Interrogés sur les principales difficultés rencontrées dans le cadre de leur métier, les infirmiers citent tout d’abord la surcharge de travail (58 %), la déshumanisation du soin et de la prise en charge des patients (47 %) et la dégradation de leur état de santé psychologique - stress, anxiété, burn-out, dépression, manque de sommeil - (46 %). D’autre part, 33 % des personnes interrogées évoquent le « manque de respect de la part des patients, des institutions et des pairs » et le manque de personnel dans leur unité.
Plus surprenant encore, parmi les personnes évoquant des difficultés physiques et psychologiques en lien avec l’exercice de leur métier, les 18-24 ans sont pour la première fois sur-représentés (80 %, +11 points par rapport à la moyenne des infirmiers). Pour les auteurs de l’enquête, cela témoigne du « manque de préparation à la réalité du métier au sein des Instituts de formations en soins infirmiers (Ifsi) ».
Absentéisme important
Quant à Charlotte Kerbrat, elle considère que le gouvernement qui vient d’annoncer 2 000 places supplémentaires en Ifsi à la rentrée prochaine, « ne se penche pas assez sur l’accompagnement psychologique et bien-être des étudiants ».
Si les difficultés rencontrées sont nombreuses, certaines se veulent plus alarmantes : un tiers des infirmiers (33 %) déclarent rencontrer des difficultés dans leurs relations avec leur hiérarchie (difficultés managériales, harcèlement, maltraitance, pression hiérarchique). Ils sont également 28 % à mentionner la peur de faire des erreurs, ce qui est le signe « d’une situation de travail et d’un état d’esprit au travail dégradés », analysent les auteurs de l’enquête.
Sans surprise, cette accumulation de difficultés engendre un absentéisme important. En moyenne, les infirmiers sont arrêtés 17 jours par an, contre 9,7 jours pour les salariés français. L’absentéisme « moyennement long » - entre 5 et 49 jours par an - est également plus important chez les infirmiers que pour le reste de la population française (35 % contre 27 %), tout comme l’absentéisme long - 50 jours et plus - (14 % contre 7 %).
Priorité à l'augmentation des effectifs
Interrogés sur l’efficacité des mesures proposées par Emmanuel Macron pour remédier aux difficultés du secteur de la santé, la majorité des infirmiers expriment leur insatisfaction. 49 % jugent « efficace » la formation de nouveaux médecins, 45 % la suppression du numerus clausus, 44 % la création du métier d’infirmier en pratique avancée (IPA). Une grande majorité des infirmiers pensent même que la sortie des 35 heures hebdomadaires et l’octroi de davantage de responsabilités aux infirmiers commençant leur carrière sont deux mesures inefficaces.
Or, pour la plupart des répondants, d’autres solutions devraient être mises en place en priorité au sein des structures médicales : augmenter les effectifs (prioritaire pour 95 % d’entre eux), augmenter les rémunérations (89 %), réduire la charge administrative (72 %), augmenter les moyens matériels (69 %) ou changer les méthodes de management et le fonctionnement des relations hiérarchiques (75 %).
Des résultats qui montrent que les solutions mises en place par le gouvernement doivent « tenir compte des demandes de terrain », sous peine de « pédaler dans le vide », estime Charlotte Kerbrat.
L’enquête a été adressée à la communauté d’infirmiers en ligne de Charlotte K. 4 183 infirmiers ont répondu à un questionnaire auto-administré en ligne du 6 au 30 mars 2023.
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