La police accompagnée de plusieurs huissiers a définitivement condamné lundi matin l’accès à la clinique Montmartre (nord parisien), dans le cadre d’une procédure d’expulsion pour loyers impayés. Une soixantaine de médecins libéraux exerçaient dans cet établissement spécialisé en chirurgie (viscérale, orthopédique, cardiaque, ophtalmologique), dont les portes sont désormais murées. 75 salariés y étaient employés. Plusieurs de ces professionnels ont confié au « Quotidien » avoir été choqués par la façon dont s’est déroulée la fermeture de la clinique, sous les yeux de plusieurs patients et personnels. Le déploiement de camions de CRS bloquant l’accès à la rue a également frappé les praticiens.
Des patients traités « comme des paquets de pâtes »
Le Dr Alexandra Panajotopoulos, ORL en exercice depuis six ans dans la clinique, devait opérer un jeune patient ce matin-là. « L’huissier m’a téléphoné à 7 heures du matin pour me dire que c’était inutile de me déplacer », témoigne-t-elle. « Outrée » par cette affaire, le médecin, qui assurait une vacation dans l’établissement un lundi sur deux, envisage une action en justice. « Des patients ont été mis dehors, d’autres ont été transférés, on les a traités comme des paquets de pâtes », s’agace-t-elle.
Son confrère, le Dr Georges Perez, partage son indignation. L’obstétricien se dit « le plus ancien des médecins de la clinique ». Son premier stage date de 1973. « J’y ai opéré pendant trente ans dans des conditions favorables, même si, côté financier, j’ai l’impression que les margoulins se succédaient. »
La clinique a connu trois changements de propriétaires ces deux dernières années. Ancienne acquisition du groupe Kapa santé, l’établissement a été revendu en 2014 puis en janvier 2015 à Pierre Fabreguettes.
Joint ce mercredi par « le Quotidien », ce dernier exprime son incompréhension totale. « 85 % des loyers étaient payés, personne ne comprend la décision du préfet, je n’ai aucune explication, dit-il. Nous sommes désormais en liquidation, les personnels seront licenciés, c’est une situation épouvantable. »
L’agence régionale de santé (ARS) francilienne était au courant de la procédure d’expulsion mais pas de la date, a précisé l’AFP.
Expulsion brutale
Le niveau d’information sur la procédure d’expulsion pour cause de loyers impayés semble très variable entre les professionnels. Deux praticiens contactés par « le Quotidien », une gastro-entérologue et un radiologue, avaient conscience de la procédure d’expulsion en cours, que la justice avait ordonnée au début de l’automne.
Le médecin radiologue louait (avec des confrères) environ 300 m2 à la clinique. « Quand je suis arrivé, lundi matin, les CRS bloquaient la rue de part et d’autre de la clinique. Ils m’ont laissé entrer pour régler quelques urgences et prévenir les patients qui avaient rendez-vous le jour-même. Heureusement, ils n’ont pas saisi le matériel. » Probablement parce que le loyer a été payé directement aux huissiers et ce jusqu’au 31 mars. Comme beaucoup de confrères, le radiologue dénonce une expulsion « extrêmement brutale ». Les huit employés du service de radiologie ont été transférés dans deux autres cabinets de ville des environs.
A contrario, le Dr Ngoc-Thanh Pham-Thi n’a appris que... mardi midi par un coup de fil de l’anesthésiste que sa séance d’endoscopie du jour n’aurait pas lieu. « Très embêtée » et « surprise », la gastro-entérologue n’a eu d’autre choix que d’appeler son patient dans l’urgence afin de s’organiser autrement. Elle effectuait des vacations dans la clinique depuis une dizaine d’années.
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