Le constat est connu mais il est de mieux en mieux documenté. Au cours de l’été 2021, le personnel hospitalier souffrait nettement plus de dépression et d’anxiété que les autres personnes salariées en emploi, révèle ce jeudi le troisième volet de l’enquête nationale épidémiologie et conditions de vie (EpiCov)* de la Drees (service des statistiques du ministère). Une « prévalence accrue » qui est « liée aux conditions de travail », précisent surtout les auteurs de l'étude. Ces résultats rejoignent ceux de l'étude Amadeus : à l’issue de la 3e vague de Covid, plus de la moitié des médecins hospitaliers présentaient des signes de burn-out et un tiers de dépression.
Selon la Drees, si les cas « sévères » ne sont pas plus nombreux (que les autres personnes en emploi), en revanche les troubles « légers à modérés » sont « nettement plus fréquents » : 38 % pour la dépression (fatigue, perte d'appétit, difficultés de concentration...) et 28 % pour l'anxiété (nervosité, inquiétude, irritabilité...), contre respectivement 30 % et 22 % pour l'ensemble des personnes en emploi, résume l'étude.
Lors de cette période de l'été 2021, le personnel hospitalier avait également davantage besoin d’aide pour des difficultés psychologiques (26 % contre 19 %). Ceux-ci consommaient à l'époque davantage de médicaments en lien avec des problèmes d’anxiété, de sommeil ou de dépression (10 % à l’hôpital contre 8 % dans l’ensemble de la population en emploi). En revanche, la consommation d’alcool à risque chronique était moins importante à l’hôpital que dans les autres secteurs (3 % contre 6 %).
Niveau élevé de risques psychosociaux
L’étude explique surtout que ce sont les conditions de travail difficiles à l’hôpital qui contribuent à un score de dépression plus élevé. Au cours de l’été 2021, le score moyen de dépression des personnels hospitaliers s’élevait à 16,8 points sur une échelle de 0 à 100, contre 14,4 pour celui des personnes en emploi.
Le personnel hospitalier est ainsi exposé à un niveau élevé de risques psychosociaux car les situations de tension au travail « comportant une demande psychologique forte et une latitude décisionnelle faible, identifiées comme accroissant ces risques » sont plus fréquentes à l’hôpital qu'en population générale (35 % contre 27 %), précise l’étude. Un phénomène qui s’est amplifié durant la crise sanitaire car le travail à l’hôpital s’est intensifié et la crainte d’être contaminé y a été plus élevée que dans d’autres secteurs.
Surcharge de travail, report des congés
Les agents hospitaliers ont plus de difficultés que les autres à concilier vie personnelle et vie professionnelle, ce qui a un impact sur le score de dépression (+6 points). Quant aux « surcharges inhabituelles de travail », qui ont aussi un effet sur le score de dépression (+3 points), elles ont concerné deux fois plus les personnels hospitaliers que les autres salariés (54 % contre 28 %).
Les incitations à ne pas prendre ou à repousser un congé maladie pour travailler ont également une incidence directe sur le score de dépression (+5 points). Selon l’étude, cela reflète à la fois « l’intensité du travail et l’insécurité, incitant les personnes à travailler alors qu’elles sont malades et sont susceptibles de contaminer leurs collègues ou le public ».
Par ailleurs, dans le secteur hospitalier, les tensions avec les collègues – notamment avec les supérieurs hiérarchiques –, lorsqu’elles existent, ont également un effet important sur le risque de symptômes de dépression et d’anxiété.
L’enquête souligne enfin que la forte féminisation de l’emploi hospitalier (78 % des effectifs toutes catégories confondues) explique aussi en partie ces résultats – les femmes étant plus souvent sujettes aux troubles anxieux et dépressifs. « Être une femme a un fort effet sur le score de dépression (+4 points) », précise l’étude.
*La période de collecte des données s’est étendue du 24 juin au 6 août 2021, entre la troisième et la quatrième vague de l’épidémie. Au total, 85 000 personnes ont répondu aux questionnaires (dont 2 900 personnes salariées du secteur hospitalier).
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