Quatorze ans après la loi Bachelot qui avait réformé la gouvernance interne de l'hôpital autour d'un directeur tout-puissant et d'une réorganisation affirmée en « pôles hospitaliers », le service revient plus que jamais au centre de toutes les attentions.
C'est d'abord le rapport du Pr Olivier Claris, chef de service de néonatologie et de réanimation néonatale aux Hospices civils de Lyon (HCL), qui avait signé ce retour en grâce en juin 2020. Puis, dans son plan d'action pour l'AP-HP présenté en novembre dernier, le directeur général du CHU francilien Nicolas Revel a placé le service qualifié de « cellule vivante d'un hôpital » au cœur de son projet, quitte à reléguer quelque peu les départements médico-universitaires (DMU) créés par son prédécesseur.
Redonner du sens
Dans les faits, la plupart des hôpitaux n'ont jamais cessé de fonctionner par service mais la question de la bonne échelle d'autonomie décisionnelle et de management reste posée. La loi Rist de mars 2021 est venue consacrer le service comme « l'échelon de référence en matière d'organisation, de pertinence, de qualité et de sécurité des soins ». Et plus récemment, le ministre de la santé, François Braun, a annoncé qu'il s'apprêtait à le redynamiser au travers de mesures annoncées prochainement, en même temps que la tenue de concertations locales sur le sujet. « J’attache une importance centrale à la nécessité de revitaliser les services et à la cohésion des équipes autour d’un projet médico-soignant partagé, a expliqué l'ancien chef des urgences de Metz à l'occasion de Santexpo, le salon annuel de la FHF fin mai. C’est pour moi un point fondamental, la condition déterminante pour redonner du sens au travail des professionnels. On sait tous ce qui s’y joue, dans les moments positifs, comme dans les épreuves».
Pour le ministre de la Santé, comme pour le président de la République qui a annoncé la couleur lors de ses vœux aux soignants en janvier, le service doit bel et bien redevenir « l'unité organique et humaine de fonctionnement de l'hôpital ». Une façon de rapprocher les décisions des premiers concernés. Un débat doit avoir lieu dans chaque hôpital, associant le plus grand nombre de professionnels pour « faire émerger cette meilleure organisation interne et repenser le rôle respectif de chaque échelon de la gouvernance ».
Innovations managériales
Parmi les pistes envisagées dans la ligne du second rapport du Pr Claris sur la gouvernance hospitalière, remis au ministre en avril mais non rendu public, figurent le renforcement du binôme entre le chef de service et le cadre de soins, une vraie délégation de gestion – probablement inspirée du CH de Valenciennes qui a retenu l'attention du chef de l'État – ou encore la promesse « d'innovations managériales ».
Autant de sujets d'importance, en particulier pour la jeune génération de PH, attachée autant que ses aînés à l'autonomie du service. « En tant que jeune praticien à l'hôpital, on se retrouve aujourd'hui face à une grosse machine, a témoigné, lors d'un débat à Santexpo, la Dr Céline Occelli, PH urgentiste au CHU de Nice. Le service a véritablement une identité alors que l'échelle polaire est lointaine ».
Ce point de vue est partagé par le Pr Thierry Thomas, président de la commission médicale d'établissement (CME) du CHU de Saint-Étienne. « La médecine est organisée en spécialités et c'est pourquoi, logiquement, le service est une organisation qui permet de répondre aux trois missions des CHU, analyse ce rhumatologue, chef de service depuis une vingtaine d'années. C'est là aussi qu'on peut mettre en place des collaborations avec les autres établissements du GHT». Ainsi, le nouveau projet d'établissement du CHU pour 2023-2027 vise à la « mise en avant du service », comme « niveau institutionnel au sein duquel les projets émergent et se traduisent».
Pas une juxtaposition de villages gaulois
Une telle insistance sur la place du service hospitalier peut surprendre. « Si la question a été remise sur le devant de la scène dernièrement, c'est bien qu'il y a quelque chose in concreto qui ne va pas dans les esprits, expose Stéphane Pardoux, directeur général de l'Agence nationale de la performance sanitaire (Anap). Soit c'est un malentendu collectif, soit un vrai sujet ! »
Sur le terrain, alors que la loi Rist a déjà facilité l'autonomie des services, par exemple en leur donnant la possibilité d'imaginer des protocoles locaux de coopération, ce levier n'est encore guère utilisé. « Les choses n'ont pas bougé suffisamment », a admis le Pr Claris, en référence à une enquête des conférences des présidents de CME. Pour les deux tiers des PH répondants, rien n'a changé à ce jour malgré la promesse de réhabilitation de l'échelon du service et 22 % trouvent même que la situation s'est dégradée. Attention cependant à ne pas retomber dans l'écueil inverse : « l'hôpital ne doit pas être une juxtaposition de villages gaulois », met en garde le pédiatre lyonnais.
Tout semble affaire de dosage et de management. Pour qu'un service tourne bien, encore faut-il que la chefferie soit à la hauteur. Ce qui impose impérativement de former les praticiens concernés au management, une des recommandations du précédent rapport Claris. « Il faut absolument éviter de tout apprendre tout seul et par l'erreur », insiste la Pr Isabelle Richard, directrice de l'École des hautes études en santé publique (EHESP) de Rennes, qui a déjà assuré la formation continue de 150 praticiens par le diplôme d'établissement de médecin manager. « Pour diriger un service hospitalier, des qualités de management ne suffisent pas, prévient-elle. Il faut aussi avoir des compétences reconnues dans son métier. Par ailleurs, quand on forme des personnes de plus de 40 ans, la formation à elle seule ne peut pas faire de miracles ». Autrement dit, pour être un bon manager, il faut être un bon médecin. Mais tout bon médecin, ne deviendra pas forcément un bon chef.
Un management plus féminin
À Saint-Étienne, le projet d'établissement prévoit que les binômes chef de service-cadre aillent davantage vers des formes de « management collaboratif », une méthode promue par l'Anap. Attention aussi à ne pas plaquer sur l'hôpital des principes du management privé en entreprise, glisse la Pr Richard. Celles-ci doivent être adaptés au contexte particulier du soin.
Une autre nouvelle donne pourrait faire bouger les lignes des responsabilités dans les services. Une proposition de loi prévoit que, dans le secteur hospitalier, les nouvelles nominations des chefs de service et de pôle devront être strictement paritaires à partir de 2026. Aujourd'hui, 51,4 % des PH sont des femmes mais elles deviennent minoritaires dans tous les postes managériaux. C'est donc un renouvellement massif qui se profile.
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