C’est assez rare pour le souligner. Un très grand nombre d’organisations ont rejoint l’appel de l’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) à la grève des soins urgents et non urgents à l'hôpital public ce lundi 3 juillet. Représenté par l’ensemble de ses composantes (Snphare, SPHP, urgentistes de SUdF, obstétriciens du Syngof, biologistes du SNBH, pédiatres du SNPEH, etc) lors d'une conférence, APH a également bénéficié du soutien d’autres syndicats (Amuf, CGT, Jeunes Médecins, etc.) et estimait déjà ce matin le mouvement bien suivi.
Selon la Dr Anne Geffroy-Wernet, présidente du SNphare, « on n'a jamais vu cela » citant par exemple des taux de grévistes de 80 % à La Rochelle, 65 % à Annecy ou encore 63 % à Aix-en-Provence. Des chiffres qui seront affinés dans les prochains jours, mais qui devraient dépasser les 50 % dans beaucoup d'établissements, selon le Dr Jean-François Cibien, président d'APH.
Ces organisations ont aussi, une nouvelle fois, fait part de leurs deux revendications principales : la revalorisation pérenne immédiate de la permanence des soins – gardes et astreintes incluses – mais aussi la réévaluation de grille salariale statutaire des PH (avec le rattrapage des échelons pour les PH nommés avant 2020). En effet, tous les PH nommés avant octobre 2020 « ne pourront jamais atteindre le dernier échelon », estime le Dr Jean-François Cibien, qui exige une « égalité entre tous les praticiens ».
Décrochage de la rémunération de la PDS
Quant au chantier de la permanence des soins (PDS), qui avait été exclu du champ du Ségur, il n’a toujours pas avancé, déplore également l’urgentiste d'Agen-Nérac qui réclame une revalorisation « eu égard à l’augmentation du coût de la vie et à la prise en compte de cette pénibilité qui s’est exacerbée depuis vingt ans ».
D’autant plus que, si l’on tient compte des effets de l’inflation, on a assisté « au décrochage de la rémunération de la PDS » depuis vingt ans, juge de son côté le Dr Yves Rebufat, président exécutif d'Avenir Hospitalier, membre d’APH. Par exemple, l’indemnité de sujétion est passée de 250 à 281,35 euros brut, entre 2003 et 2023. « Si l’on corrige ces chiffres avec les effets de l’inflation, on devrait aujourd’hui être à 327,50 euros », ce qui représente une perte de revenus de 46,15 euros, précise l’anesthésiste-réanimateur nantais.
Si ce « décrochage » a été en partie compensé par la majoration des indemnités de garde , celle-ci demeure temporaire. « Nous n’avons donc aucune certitude sur une reconduction éventuelle de cette mesure », s’inquiète le Dr Yves Rebufat qui dénonce une perte de pouvoir d’achat similaire quand on regarde l’évolution des tarifs des astreintes, du temps de travail additionnel (TTA) ou des émoluments.
Surmortalité importante
Ainsi, pour un PH au 13e échelon, les émoluments ont perdu 17 465 euros en vingt ans, en tenant compte de l’inflation, a calculé le président exécutif d'Avenir Hospitalier. Une perte de revenus compensée en partie par la mise en place de l'indemnité d'engagement de service public exclusif (IESPE), ce qui fait néanmoins une baisse de revenus de 5 345 euros, soit « un mois de salaire », déplore le Dr Rebufat. De son côté, le Dr Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), estime que les PH « ont perdu 15 % de rémunération depuis 10 ans ».
Tout cela contribue à la perte d’attractivité du métier de PH, ce qui a des conséquences sur l’état santé de la population, poursuit l’urgentiste parisien qui rappelle que l’été dernier a été marqué par une surmortalité importante. Selon lui, « on a mis la poussière sous le tapis, mais, quand on travaille dans les hôpitaux, on voit de près la dégradation du système de santé ». Par exemple, « on banalise complètement le fait qu’il n’y a plus de place en orthopédie pour une fracture ouverte », observe le Dr Pelloux.
La situation est sensiblement la même dans tous les services d'urgences, selon la Dr Agnès Ricard-Hibon. « Les données scientifiques prouvent la surmortalité évitable de nos patients quand ils passent des heures sur un brancard », déplore la cheffe du Samu du Val d'Oise. Selon l’étude récente « No Bed Night » du Pr Yonathan Freund, le risque de mourir aux urgences est 46 % plus élevé pour les patients de plus de 75 ans qui passent une nuit sur un brancard.
À l’aune de ces données scientifiques, l’urgentiste estime qu’il n’est « plus possible de faire comme si cette mortalité inévitable n’existait pas ». Raison pour laquelle la porte-parole de la Société française de médecine d'urgences (SFMU) « ne fera plus rentrer un patient aux urgences, s’il n’y a pas un box où on peut prendre en charge correctement le patient ». Tout simplement parce qu’on « ne peut plus accepter de cautionner une organisation qui met en danger la vie des patients ».
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