Ex-directeur du CH de Valenciennes, Rodolphe Bourret a été nommé le 30 décembre dernier à la direction générale du CHU de Nice. Six mois plus tard, il a décidé de mettre en place à Nice le modèle valenciennois de « gestion médicale décentralisée ». Pour « Le Quotidien », il revient sur les étapes de ce projet d'hôpital magnétique mais aussi sur les mesures mises en place pour passer l’été.
LE QUOTIDIEN : Comment fonctionne le modèle de gouvernance partagée à Valenciennes ?
RODOLPHE BOURRET : Il s’agit d’un modèle de délégation polaire médicalisée, qui permet aux chefs de pôle d’avoir une délégation de signature pour engager des dépenses sur les volets ressources humaines, biomédical/médicaments ou encore logistique. À Valenciennes, 90 % des prérogatives du directeur général ont été déléguées aux chefs de pôle et aux chefs de service !
Les chefs de pôle peuvent recruter du personnel médical ou paramédical, acheter des équipements logistiques ou biomédicaux. Ils fonctionnent en pleine autonomie, sous réserve de respecter le cadre de contractualisation qui a été signé au préalable entre le DG, le président de la CME et le chef de pôle.
Vous exportez ce modèle au CHU de Nice, à plus grande échelle ?
L’idée, c’est de décliner à Nice ce modèle de délégation polaire médicalisée. Le maire de la ville, Christian Estrosi, souhaite également médicaliser la gouvernance. Ce changement disruptif va permettre de se focaliser sur les équipes soignantes et médicales qui vont devenir les véritables donneurs d’ordre.
On retrouvera la philosophie "valenciennoise" : rapprocher tout ce qui est décisionnaire au niveau du terrain pour gagner en autonomie, en agilité, en efficience, en qualité et en sécurité des soins. Mais il s’agira d’un modèle unique car c’est la première fois que l’on met en place cette gestion décentralisée dans un environnement hospitalo-universitaire en France.
Quelles sont les problématiques du CHU de Nice ?
La difficulté, c’est que l’on bascule d’un centre hospitalier à un CHU, une structure très hiérarchique. La conduite du changement va forcément prendre du temps car, jusqu’à présent, les process de décision étaient centralisés. L’objectif, encore une fois, est de basculer vers un modèle de décentralisation pour permettre un pilotage de proximité au niveau de chaque pôle.
La gestion des ressources humaines sera également décentralisée. La plupart du temps, c’est le coordonnateur général des soins qui gère les effectifs. Ce seront désormais les pôles – chefs de pôle et responsables supérieurs de projets. Nous allons donner de l’autonomie aux acteurs de terrain, simplifier les procédures administratives, fluidifier les circuits décisionnels. Tout cela devrait contribuer à améliorer les conditions de travail et l’attractivité de l’établissement.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Toutes les instances ont validé ce concept d’hôpital « magnétique » [qui satisfait à un ensemble de critères appréciant les pratiques RH, organisationnelles et managériales identifiées pour rendre optimales l’exercice professionnel des soignants, NDLR].
Le 1er janvier 2024, l’établissement basculera dans la délégation polaire décentralisée. Nous allons mettre en place des groupes de travail pour définir le périmètre de délégation des chefs de pôle. Nous travaillerons de manière expérimentale en commençant par des process simples comme la délégation des effectifs pour le recrutement du personnel médical ou la gestion des absences. Mais aussi, par exemple, l’achat d’équipements avec un coût inférieur à 100 000 euros.
Un groupe de travail sera dédié à la formation des acteurs de terrain qui devront assumer de nouvelles responsabilités. Un autre groupe travaillera à l’adaptation du système d’information à la décentralisation mais aussi sur l’administration générale, puisque des tâches administratives vont être confiées au niveau des pôles.
Êtes-vous inquiet à l’approche de l’été ?
Le CHU de Nice est préparé, nous serons en capacité de faire face à l’afflux estival, ce qui n’est pas le cas de tous services d’urgences en France. Depuis plusieurs mois, nous travaillons avec l’agence régionale de santé (ARS) au développement d’une coordination territoriale (urgences/ville) et pour anticiper la période estivale en termes d’effectifs médicaux et paramédicaux. Notre système d’information nous permet déjà de connaître la fréquentation des services d’urgence de notre territoire, ce qui permet de réorienter les patients vers d’autres services quand certains secteurs commencent à être débordés.
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