Sous-effectif chronique, manque de remplacements, locaux vétustes, patients qui restent 48 heures sur des brancards… Les urgences du CH Bastia sont au bord de l’implosion. Dernier fait en date : le service est fortement paralysé par une vague d'arrêts maladie depuis ce mardi, rapporte « Corse Matin ». Une vingtaine de soignants (infirmiers, aides-soignants, médecins) seraient arrêtés, dans un service qui compte une trentaine de personnes. Des arrêts massifs de soignants qui rappellent ceux des urgences de Thionville (Moselle) et de Pontoise, en janvier dernier.
Contacté par « Le Quotidien », Laurent*, médecin remplaçant dans un service du CH Bastia, confirme qu’un certain nombre de professionnels « se sont mis d’accord pour se mettre en arrêt de travail en même temps ». Selon lui, ceux-ci sont « arrivés à un stade où ils ne reviendront pas s’il n’y a pas de changement ». Il estime même qu’il s’agit de « leur dernier recours face à la direction qui met des œillères pour ne pas regarder en face les problèmes du CH. Elle n’écoute pas le personnel ».
Plus d'intérimaires depuis la loi Rist
La mise en application de la loi Rist qui encadre strictement les tarifs de l'intérim médical aurait exacerbé la situation. Depuis début avril, « les intérimaires médicaux refusent de venir aux urgences de Bastia car les salaires ne sont plus aussi intéressants qu’avant », croit savoir Laurent. Conséquence : la direction « comble les trous en réquisitionnant les titulaires d’autres services. Mais cela ne fonctionne pas car ce n’est pas leur spécialité », poursuit le médecin remplaçant, persuadé que les titulaires des urgences « ne tiendront pas ».
Celles-ci seraient à l’heure actuelle à « bout de souffle ». Quand le médecin descend les voir pour discuter de patients, « ils s’énervent pour un rien », observe Laurent qui pense que la plupart sont « à la limite du burn-out ».
Le chef de service démissionne
Quant au chef de service des urgences, le Dr Lionel Petit, il aurait remis sa démission à la direction il y a quelques jours en demandant à changer de service. « Cela devait être trop compliqué à gérer pour lui. Il y a trop de revendications, de dysfonctionnements, de désaccords avec la direction », analyse Laurent.
Pire encore, selon le médecin remplaçant : en raison du manque de personnels médicaux, « on demande aux externes de prendre en charge des patients qui viennent pour des pathologies très graves ». Les externes se retrouvent donc « en difficulté, dans un état de stress important », déplore Laurent qui considère que « ce n’est pas de leur responsabilité de gérer ce genre de situations ».
Quant aux infirmiers du service, il les aurait récemment retrouvés « en pleurs » tellement ils sont « dépités », affirme Laurent qui estime que « c’est devenu Bagdad aux urgences de Bastia ». À tel point qu’il imagine que « certaines personnes décèdent sur des brancards sans qu’on ne le sache ».
* Prénom modifié
Droit de réponse du Centre hospitalier de Bastia, le 13 septembre 2023
Le Centre Hospitalier de Bastia entend répondre à cet article et apporter les précisions suivantes :
L’article fait état de dysfonctionnements et manquements imputables au Centre Hospitalier de Bastia, dont notamment des « patients qui restent 48 heures sur des brancards… ». Ceci est faux : Les patients admis aux Urgences et qui nécessitent une prise en charge au-delà de 24h sont transférés vers un service dédié : l’UHCD – l’Unité d’Hospitalisation de Courte Durée.
Il est également fait état de « réquisitions » de médecins opérées par le Centre Hospitalier pour « combler les trous ». C’est à nouveau faux : En 2023, aucune réquisition administrative n’a été effectuée. Le pouvoir de réquisition appartient au Préfet et la direction du Centre Hospitalier n’a aucun pouvoir de réquisition. Une concertation entre la direction, les chefs de pôles et les chefs de service a permis de dégager des solutions sur la base du volontariat de médecins généralistes de l’établissement qui sont venus ponctuellement renforcer l’équipe médicale du circuit court des Urgences. Ces médecins sont parfaitement habilités à prendre en charge des patients relevant de ce circuit de consultations non-programmés.
S’agissant ensuite de l’annonce de la démission du chef du service des urgences du fait de prétendus « dysfonctionnements, désaccords avec la direction », il convient de préciser que le Docteur Lionel Petit n’a pas démissionné et qu’il exerce bien au sein du Centre Hospitalier de Bastia.
Le Centre Hospitalier de Bastia conteste également l’affirmation parfaitement fausse selon laquelle « on demande aux externes de prendre en charge des patients qui viennent pour des pathologies très graves ». Bien évidemment, aucun externe ne prend en charge de patient en urgence vitale. Les externes sont des étudiants en médecine. Les patients présentant les pathologies les plus graves sont pris en charge par le médecin sénior en lien avec les réanimateurs ou les médecins spécialistes d’organes. Le Centre Hospitalier bénéficie d’une multitude de médecins spécialistes d’organes dont les compétences sont hétérogènes. Ce panel de spécialistes est sécurisant pour le patient et les urgentistes.
Enfin, le Centre Hospitalier s’indigne de la comparaison qui est faite avec la ville de Bagad et l’imputation qui lui est faite que « certaines personnes décèdent sur des brancards sans qu’on ne le sache ». Cette affirmation est un affront pour l’ensemble des professionnels du Centre Hospitalier de Bastia. Aux urgences, aucun patient n’est décédé dans le couloir des Urgences sans que personne ne le sache.
Les médecins exercent dans un cadre sécurisé et professionnel et les patients des Urgences sont pris en charge par des équipes médicales et paramédicales qualifiées.
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