LE QUOTIDIEN - Le leadership humanitaire américain est-il préférable, selon vous, au cafouillage et à la désorganisation des secours ?
BERNARD KOUCHNER - Haïti est encore dans une situation d’urgence absolue. Les besoins les plus fondamentaux – eau, nourriture, soins médicaux de base, et sécurité – ne sont pas toujours pas garantis.
Les États-Unis sont les voisins immédiats d’Haïti. Ils ont des moyens sans commune mesure avec ceux des autres pays. Leur effort de secours en Haïti est juste, légitime, nécessaire et accepté. Depuis que les Haïtiens ont confié le contrôle de l’aéroport aux Américains, les vols qui apportent de l’aide humanitaire et qui procèdent à des évacuations se succèdent à un rythme accéléré et qui va croissant. La logistique américaine en personnel et en matériel aux côtés des forces et de la coordination des Nations Unies, va permettre de sortir dans les jours qui viennent d’une situation dramatique.
L’effort de reconstruction qui suivra, proposé par la France, le Brésil, le Canada et les États-Unis et l’Union européenne, se fera sous la conduite des Nations unies.
La surcatastrophe liée à l’absence de cohérence des secours n’est pas nouvelle. On l’avait observée en particulier lors du tsunami, en décembre 2004. Qu’attend-on pour mettre en place un système international ? Certains, comme le Pr Marc Gentilini (ancien président de la Croix-Rouge française) réclament la création d’une ONU humanitaire ; qu’en pensez-vous ?
Sur l’île d’Haïti, c’est le contraire de la surabondance des secours : les ports sont détruits et l’aéroport vient d’être remis en service. Il y a énormément de demande et encore trop peu à donner. Les équipes de l’ONU présentes sur place sont aussi victimes du séisme, avec 34 morts et près de 650 disparus. Ce sont donc les États eux-mêmes qui se sont mobilisés pour la phase de première urgence. L’ONU reste mobilisée et réactive en participant à l’effort de reconstruction.
Il existe déjà des structures de coordination de l’ONU fortes comme le BCAH (Bureau de la Coordination de l’Aide Humanitaire), ainsi que des structures régionales. Mais aujourd’hui, nous devons agir pour les Haïtiens dans l’urgence.
Pouvez-vous faire le point sur l’ensemble des moyens français engagés sur le terrain ?
L’effort du gouvernement français à côté des ONG pour faire face à ce séisme dramatique et soutenir le peuple haïtien est majeur. 549 personnels sont actuellement engagés sur le terrain. Parmi eux, 250 sauveteurs travaillent nuit et jour pour sortir les nombreuses victimes des décombres. Un hôpital de campagne permet d’accueillir des dizaines de personnes chaque jour. À l’heure où je vous parle*, les 70 personnels médicaux qui sont immédiatement arrivés dans la capitale dévastée de Port-au-Prince ont déjà réalisé plus de 2 000 actes médicaux, dont des interventions chirurgicales lourdes.
Mais notre effort se poursuit. Dans les prochaines heures, 3 nouveaux avions quitteront Paris avec 55 tonnes de matériel humanitaire indispensable pour secourir la population haïtienne. Deux bâtiments de la Marine Nationale vont également rejoindre Haïti dans les prochains jours.
À Paris, le Centre de crise est mobilisé et a reçu près de 10 000 appels. Nous savons désormais que plus de 600 Français sont sains et saufs en Haïti et nous faisons tout pour qu’ils puissent rejoindre leurs proches.
Quand envisagez-vous de vous rendre personnellement sur place ?
Aujourd’hui, ma place est à Paris, pour diriger l’action de la France sous l’autorité du président de la République et du Premier ministre, et grâce au centre de crise du Quai d’Orsay que j’ai créé pour remplir cette mission.
Quel message pouvez-vous délivrer aux médecins français qui souhaitent aider ? Certains peuvent-ils se mobiliser personnellement et rejoindre les acteurs de terrain ?
Leur mobilisation est essentielle mais doit être organisée. Les personnels médicaux doivent passer par une ONG qui a des contacts et un point de chute dans le pays.
* Lundi après-midi.
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