Le ministre québécois de la Santé et des services sociaux, Gaétan Barrette, est en passe de se mettre à dos une bonne part des omnipraticiens de cette province canadienne. Son dernier projet de loi prévoit en effet d’imposer des quotas de patients aux médecins généralistes affiliés à la Régie d’assurance-maladie du Québec (RAMQ), sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à une baisse de 30 % de leurs revenus.
« L’analyse sur une période de 15 ans montre une diminution constante du nombre de jours travaillés et du nombre de patients vus par jour au Québec », argumente le ministre. Il estime que le gouvernement « a donné des augmentations substantielles aux praticiens, ça n’a pas marché. On a essayé l’incitatif, ça n’a pas marché. L’amélioration de l’accès aux soins de première intention ne peut plus passer par des dépenses supplémentaires ».
Conditions de travail soviétiques
Les praticiens ne sont pas d’accord. « Avec le vieillissement de la population et la prise en compte de la prévention, les consultations d’aujourd’hui sont beaucoup plus longues et complexes que par le passé », argumentent-ils.
Le Dr Louis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), ne fait pas dans la dentelle. Il estime qu’« avec ce projet de loi, le gouvernement veut soumettre les médecins de famille à des conditions de pratique dignes des belles années de l’empire soviétique ».
Dix minutes par consultation
Un généraliste québécois, Frédéric Simard, a fait un rapide calcul. Sa patientèle est aujourd’hui constituée de 750 personnes, et la réforme l’amènerait à en avoir plus de 1 000. Selon lui, cette nouvelle règle l’obligerait à ne pas dépasser 10 minutes par consultation.
Pour montrer à ses patients l’absurdité de ce projet, il enclenche son chronomètre à chaque début de consultation, dans une vidéo mise en ligne par Radio-Canada. Quand l’alarme retentit, dix minutes plus tard, il explique aux patients qu’avec la réforme proposée, la consultation s’arrêterait là. « Ca permet de leur montrer qu’en si peu de temps, on ne peut pas régler tous les problèmes », explique-t-il.
« Dix minutes, ça me laisse tout juste le temps d’expliquer ma situation au médecin, témoigne une patiente du Dr Simard à la télévision québécoise. Il n’a pas eu le temps de m’examiner ». Le praticien veut démontrer que si pour le moment, il peut encore consacrer plus de dix minutes par patient et les soigner convenablement, ce ne sera plus le cas si la réforme est adoptée.
Selon le journal « La presse », Gaétan Barrette aurait depuis lâché du lest sur certains pans de sa réforme. Mais pas sur les quotas de patients qu’il envisage d’imposer.
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