« Quand j’ai commencé à travailler en tant que clown hospitalier dans un hôpital du Bronx, ce fut un coup de foudre professionnel. Je me suis dit que c’était un projet qu’il fallait importer en France », raconte la fondatrice de l’association Le Rire Médecin, Caroline Simonds. Artiste, saltimbanque, comédienne et musicienne, elle intègre The Big Apple Circus Clown Care Units, une troupe américaine dédiée à apporter de la joie dans les hôpitaux. Elle s’en inspire et décide de créer en 1991 une association similaire en France.
C’était un projet ambitieux pour un système hospitalier qui ne connaissait pas ces prestations. « Je suis allée voir une cinquantaine d’hôpitaux. Tous ne m’ont pas accueillie à bras ouverts, se remémore-t-elle. Il était important que les soignants acceptent de travailler main dans la main avec notre équipe. Beaucoup nous ont dit que cela coûtait trop cher ou qu’ils n’avaient pas de temps à nous consacrer. Le fonctionnement des hôpitaux en France est très différent de celui des États-Unis. »
Les premiers établissements à répondre positivement furent l’hôpital Gustave-Roussy, l’hôpital Louis-Mourier et l’Institut Curie. La Dr Dominique Valteau-Couanet, présidente de l’association et ancienne chef du département d’oncopédiatrie à l’hôpital Gustave-Roussy, était alors attachée associée, et se souvient que Caroline Simonds était venue pour un entretien de quinze minutes, mais est restée trois fois plus longtemps. « Cette équipe nous a énormément apporté ». Depuis, les clowns y interviennent deux fois par semaine, offrant à chaque enfant des spectacles personnalisés.
Selon le profil de l’enfant, ce sera un spectacle doux, un joyeux ramdam ou encore une distraction pendant des soins difficiles, comme avec de la magie ou des bulles
Dr Dominique Valteau-Couanet
Les interventions des clowns hospitaliers se déroulent directement dans les chambres des enfants, où des improvisations adaptées à leur situation sont réalisées pendant environ quinze minutes. « Selon le profil de l’enfant, ce sera un spectacle doux, un joyeux ramdam ou encore une distraction pendant des soins difficiles, comme avec de la magie ou des bulles », explique l’ancienne chef de ce département. Elle évoque avec joie les souvenirs qu’elle ne pourra jamais oublier : « Un enfant était excédé par les piqûres administrées dans sa chambre. Il a participé à une bataille de requins en plastique avec un clown. Cela a été un moment incroyable, qui lui a permis de libérer son énergie et sa frustration ».
Une formation ouverte au personnel soignant
Les clowns du Rire Médecin bénéficient d’une formation rigoureuse, composée à 50 % d’éléments artistiques et à 50 % de notions médicales. Les disciplines comme le chant, la magie ou encore le théâtre sont adaptées au milieu hospitalier. Par ailleurs, ils suivent régulièrement des formations en partenariat avec les services hospitaliers afin de mieux comprendre la douleur, le deuil professionnel ou encore des spécialités comme la cardiologie. Seule la moitié de leur temps est consacrée au Rire Médecin. « Il est très important qu’ils conservent une activité extérieure pour pouvoir apporter cette expérience dans les hôpitaux », souligne la Dr Valteau-Couanet.

Le Rire Médecin propose également des formations au personnel soignant. La Dr Valteau-Couanet reconnaît que ces formations l’ont beaucoup aidée, notamment dans l’interaction avec les patients et leurs parents. « En tant que médecin, on nous apprend rarement à être attentifs aux petits signes de nos interlocuteurs, à un blocage dans le discours, aux signaux de douleur pendant un examen clinique… Ces enseignements sont essentiels pour améliorer la relation patient-soignant. »
Une volonté humaniste
La passion de Caroline Simonds pour le soin remonte à son enfance. Fille d’un médecin et d’une chercheuse, elle se destinait à une carrière médicale. Cependant, un stage auprès d’enfants brûlés par le napalm durant la guerre du Vietnam l’a profondément marquée. « C’était une époque où nous disposions de peu de morphine et de médicaments pour les enfants. J’ai tenu trois mois », explique celle qui a alors choisi de se tourner vers une carrière artistique, tout en conservant son désir d’« adoucir les souffrances à l’hôpital ».
L’association multiplie les projets novateurs. « Nous avons récemment développé un programme d’hospitalisation à domicile à Nantes, c’est le sixième en France. Nous espérons également intervenir en maternité et dans de nouveaux hôpitaux, mais cela dépendra des moyens financiers et humains dont nous disposons », explique Caroline Simons. Pour la Dr Valteau-Couanet, la transmission interprofessionnelle est son cheval de bataille : « Créer des ponts entre les savoirs peut nous enrichir mutuellement. C’est une voie que je souhaite explorer davantage ».
Actuellement, le Rire Médecin travaille avec l’Inserm sur une étude pour évaluer l’impact de l’intervention des clowns hospitaliers. Un questionnaire élaboré avec la Dr Valteau-Couanet, une psychologue de Gustave-Roussy et d’anciens patients permettra d’évaluer les bienfaits apportés par les interventions des artistes de cette association aux patients qui ont vécu un cancer dans leur enfance.
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