Après huit mois de grève et un mouvement social inédit à l'hôpital public, les « décisions fortes » promises par Emmanuel Macron sont tombées à la faveur d'un « plan d'urgence » dévoilé par Édouard Philippe et Agnès Buzyn ce mercredi matin, peu après 10 heures.
Budget, tarifs
Annonce principale : le budget des hôpitaux publics va hériter d'une enveloppe supplémentaire de 1,5 milliard d'euros sur les trois prochaines années dont 300 millions d'euros dès 2020. « Cet argent vient en plus de la trajectoire budgétaire prévue par le gouvernement », a assuré le premier ministre, ajoutant que « l'augmentation sera votée dès la semaine prochaine dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale » (PLFSS). Ce coup de pouce correspond à 0,3 point en plus sur l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) hospitalier, le portant ainsi de 2,1 % à 2,4 %. « Cette somme vient en plus », a martelé Édouard Philippe afin de couper court aux accusations de tuyauterie budgétaire.
Le premier ministre l'a assuré : avec cette hausse triennale du budget, les tarifs hospitaliers pour 2020 seront augmentés chaque année de 0,2 % au moins. « Les tarifs hospitaliers ne baisseront pas jusqu'à la fin du quinquennat », a-t-il assuré.
Au passage, il a ajouté que « l'intégralité » des 400 millions d'euros de crédits gelés en début d'année serait « débloquée dans les prochains jours ».
En sus de ce desserrement de l'ONDAM et du dégel des crédits hospitaliers s'ajoutent 150 millions d'euros par an en « soutien dans l'investissement courant » (achat de petit matériel, rénovation légère).
Reprise partielle de dette
Autre mesure forte, qui a fait l'objet d'un arbitrage à Bercy ces derniers jours, la reprise d'un tiers de la dette colossale des hôpitaux sur trois ans (soit 10 milliards d'euros sur 30 milliards d'euros), qui aidera les établissements à restaurer leur équilibre financier, fera baisser les taux d'intérêt et leur « redonnera des marges de manœuvre nécessaires ». Cet effort de l'État est « très significatif », a insisté le premier ministre, pour qui « reprendre dix milliards de dette sur trois ans, c'est dégager au global des marges de manœuvre à hauteur de 800 millions d'euros par an pour les hôpitaux publics. »
Primes, salaires
Côté revalorisations, le gouvernement n'a pas cédé à la revendication centrale des personnels d'une augmentation générale de 300 euros. Les efforts se feront principalement par le biais de primes sur les bas salaires.
Agnès Buzyn a annoncé une série de « mesures immédiates ». La première d'entre elles consister à « revaloriser » le travail des métiers paramédicaux « en tension » par l'extension de la prime d'engagement dans la carrière hospitalière (PECH, jusque-là réservée aux médecins), en particulier pour les infirmières spécialisées et les manipulateurs radio, a précisé Agnès Buzyn. Pour les non-médicaux toujours, son montant sera de deux niveaux : «10 000 euros et 15 000 euros ».
Cette même prime (PECH) sera également « revalorisée » pour les médecins cette fois, faisant augmenter les deux niveaux initiaux (10 000 et 20 000 euros) à 15 000 et 30 000 euros, soit 50 % de hausse.
Pour les médecins toujours, la ministre a annoncé une augmentation et un élargissement de la prime d'exercice territoriale (PET, actuellement de 250 à 1 000 euros brut mensuels selon le temps de travail). Autre mesure : la fusion des quatre premiers échelons du statut de praticien hospitalier et un accès accéléré à l'indemnité de service public exclusif (ISPE, 490 euros par mois pour un PH temps plein), « afin de gommer les effets de seuil avec le statut hospitalier-universitaire de chef de clinique ».
De surcroît, les hôpitaux disposeront d'une enveloppe (variable selon leur taille) dédiée à récompenser « la qualité des soins et la prise en charge par service », a précisé la ministre. Cette prime de 300 euros annuels pour valoriser les équipes les plus créatives pourra concerner « jusqu'à 600 000 personnels ».
Enfin, pour faire face au coût de la vie en région parisienne (capitale et petite couronne), Agnès Buzyn a annoncé l'attribution au 1er janvier 2020 d'une prime spécifique annuelle « pérenne » de 800 euros net pour 40 000 infirmiers et aides-soignants qui gagnent moins de 1900 euros par mois.
Gouvernance
Agnès Buzyn a rappelé une batterie de mesures relatives à la gouvernance et au management des hôpitaux – pour partie votées dans la loi de santé – à mettre en œuvre l'année prochaine : « renforcer » le rôle de chef de pôle/service ; ouvrir « le vivier de chefs d'établissement » aux médecins ; « revaloriser » les fonctions de président de commission médicale d'établissement (CME), chef de pôle, cadre supérieur, cadre de santé et chef de service.
L'hématologue a également évoqué le « blocage » de la prise de décision entre les murs de l'hôpital. Pour le dépasser, elle souhaite que directeur et président de CME décident « conjointement » des projets de l'établissement (médical, de pôle cliniques ou medicotechniques) et des nominations des chefs de services/pôles.
Intérim, permanence des soins en établissement
Agnès Buzyn a également promis qu'elle mettrait fin au « mercenariat » avec des contrôles accrus dans les hôpitaux (via les comptables publics). Un dispositif d'intérim public « très attractif » sera instauré. Sur la permanence des soins en établissement (PDS-E), le dossier sera rouvert « sans fausse pudeur et sans tabou ».
La ministre avait déjà annoncé deux « plans » en quatre mois (70 millions d'euros mi-juin pour les paramédicaux, et 750 millions d'euros en septembre sur trois ans dans le cadre du pacte de refondation des urgences), sans calmer la grogne des soignants hospitaliers. Reste à savoir si ce nouveau plan d'urgence sera suffisant pour apaiser la colère.
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