Prévention cardio-vasculaire

QUAND PRESCRIRE L’ASPIRINE ?

Publié le 28/11/2014
Article réservé aux abonnés

L’aspirine figure parmi les molécules les plus fréquemment prescrites en médecine générale. La HAS et l’ASNM ont rappelé en 2012 ses indications, à la fois multiples et restreintes, et le bénéfice attendu en prévention cardio-vasculaire : tantôt incontestable, tantôt discutable…

Crédit photo : GARO/PHANIE

EN PRÉVENTION PRIMAIRE (HORS DIABÈTE)

l est recommandé depuis 2003 d’appréhender le risque cardiovasculaire au moyen du modèle SCORE. Cet algorithme estime le risque de survenue à 10 ans d’un premier événement athéromateux mortel chez les sujets apparemment sains. Il prend en compte l’âge (uniquement entre 40 et 65 ans), le sexe, le tabagisme actif, la pression artérielle systolique et soit le cholestérol total (CT), soit le rapport CT/HDL.

La prescription de 75-160 mg/j d’aspirine est envisagée lorsque le risque est › 5% selon le modèle SCORE.

CHEZ LE DIABÉTIQUE, EN PRÉVENTION PRIMAIRE

cause prédominante de mortalité prématurée chez les diabétiques, chez qui le risque de maladie coronarienne, d’AVC et d’artériopathie périphérique est augmenté d’un facteur 2 à 4.

Le risque CV est fonction de son âge, de l’ancienneté du diabète, des niveaux lipidique et tensionnel, de l’existence d’une néphropathie et d’une artériopathie périphérique. Il est calculé chez les diabétiques de type 2 par l’équation de risque de l’UKPDS, téléchargeable sur http://www.dtu.ox.ac.uk/riskengine/index. Cette équation fournit le risque de survenue d’accidents vasculaires cérébraux et coronariens, fatals ou non, à 10 ans.

› L’aspirine sera prescrite chez le diabétique à risque cardiovasculaire élevé, c’est-à-dire :

– microalbuminurie confirmée › 30 mg/l ;

– protéinurie

– maladie coronarienne silencieuse documentée ;

- au moins 2 facteurs de risque parmi : homme › 50 ans ou femme › 60 ans, ou durée de diabète › 10 ans, HTA, tabagisme, dyslipidémie, antécédents familiaux de maladie cardio-vasculaire précoce ;

– score UKPDS › 5 % (entre 2,5 et 5%, l’aspirine « peut être envisagée »)

– diabète de type 1 évoluant depuis plus de 15 ans

› À noter que si plusieurs travaux évoquent une « résistance à l’aspirine » chez le diabétique, la dose recommandée reste de 75 à 160 mg/j.

ATHÉROME ASYMPTOMATIQUE DÉCOUVERT DANS LE CADRE DU DÉPISTAGE

Au niveau carotidien, 75 à 325 mg/j d’aspirine pourraient réduire le risque d’événement vasculaire en cas de sténose carotidienne asymptomatique mais hémodynamiquement significative.

Aux membres inférieurs, un index de pression systolique < 0,9 sans symptôme d’AOMI ne justifie pas la prescription d’aspirine, sauf si le risque calculé est › 5%.

EN PRÉVENTION SECONDAIRE

L’aspirine (75-160 mg/j) au long cours est recommandée dans la maladie coronarienne stable, y compris après revascularisation par stent ou pontage.

En prévention secondaire des infarctus cérébraux ou accidents ischémiques transitoire d’origine non cardio-embolique (athérome, lacune, étiologie indéterminée), l’aspirine seule est recommandée.

Une sténose carotidienne symptomatique mais inférieure à 50% relève de l’aspirine seule alors qu’une sténose ›70% symptomatique fait choisir un traitement chirurgical (endartériectomie) et médical (aspirine). Entre ces deux seuils, l’aspirine reste systématique et l’indication de l’endartériectomie est discutée au cas par cas.

Dans l’AOMI symptomatique, l’aspirine au long cours est recommandée en première intention à raison de 75 à 325 mg/j, y compris après revascularisation par stent ou pontage.

DEUX CAS PARTICULIERS…

› L’aspirine à faible dose (75 mg/j) est recommandée chez l’insuffisant rénal, sauf en cas d’insuffisance rénale modérée liée uniquement à l’âge, en prévention primaire et secondaire (grade B).

› L’aspirine peut être préconisée en prévention primaire sous trithérapie anti-VIH, car le risque d’événement cardio-vasculaire fatal de ces patients dépasse 5 % à 10 ans (accord professionnel).

L’ESSENTIELLE BALANCE BÉNÉFICE/RISQUE

?En prévention primaire, l’aspirine majore le risque d’AVC hémorragique et de saignements majeurs . Ainsi, le traitement de 1 000 sujets par l’aspirine en prévention primaire éviterait 2,9 événements cardio-vasculaires majeurs au prix de 2,8 hémorragies sévères…

Chez le patient âgé, le risque d’hémorragie digestive est de l’ordre de 1 à 10/1 000 sujets par an, justifiant la recherche régulière de contre-indications (ulcérations digestives, chutes, troubles cognitifs…) et

d’interactions médicamenteuses (AINS, corticoïdes, ISRS…). Là encore, le médecin généraliste est le pivot de la sécurité des soins, grâce sa connaissance du patient.


Synthèse bibliographique réalisée par Julie Van Den Broucke (médecin généraliste)

Source : Le Généraliste: 2700