Performances de l’IRM multiparamétrique versus biopsies dans le diagnostic du cancer de la prostate : une étude appariée corroborative
Ahmed HU, El-Shater Bosaly A, Brown LC and the PROMIS study group. Diagnostic accuracy of multi-parametric MRI and TRUS biopsy in
prostate cancer (PROMIS) : a paired validating confirmatory study. The Lancet
CONTEXTE
L’objectif ultime du dépistage des cancers chez des sujets asymptomatiques est de détecter précocement la maladie afin de réduire la mortalité (spécifique et totale).
► Le dépistage fait appel à des tests qui doivent éviter les faux positifs (sujets qui seront explorés, voire traités inutilement) et les faux négatifs (vrais malades non identifiés). En la matière, l’intérêt du dépistage du cancer de la prostate par le PSA est controversé. L’essai PCLO1 a démontré l’absence de bénéfice de ce dépistage alors que l’essai ERSPC a démontré une réduction significative de 20 % de la mortalité spécifique (2), mais pas de la mortalité totale. De son côté, la méta-analyse Cochrane sur l’efficacité du PSA n’a pas montré de réduction de la mortalité spécifique ou totale (3). La principale cause de ces résultats contrastés réside dans les mauvaises performances du PSA pour dépister correctement un cancer agressif et dans la définition du seuil à partir duquel une procédure diagnostique (biopsie) est indiquée. Dans ce contexte, évaluer le bénéfice diagnostique d’un examen « adjuvant » au PSA est une démarche bienvenue.
OBJECTIF
Évaluer la « valeur ajoutée » de l’imagerie par résonance magnétique multiparamétrique (IRM-M) pour réduire la fréquence des biopsies chez des sujets susceptibles d’abriter un cancer de la prostate.
MÉTHODE
► Etude de cohorte multicentrique ayant comparé l’habileté de l’IRM-M à diagnostiquer un cancer agressif de la prostate comparativement à la biopsie transpérinéale (gold standard) et à la biopsie transrectale échoguidée (la plus utilisée). Les patients inclus devaient avoir un PSA < 15 ng/mL ou un toucher rectal suspect, ou une histoire familiale de cancer de la prostate. Les patients inclus passaient d’abord une IRM-M puis subissaient les deux types de biopsies (transpérinéale et transrectale) au cours de la même procédure dans un délai inférieur à trois mois après l’IRM. Les radiologues ont suivi une formation de groupe afin d’homogénéiser leurs évaluations.
► La probabilité de cancer de la prostate à l’IRM-M était évaluée sur une échelle de Likert validée (4)allant de 1 à 5 : 1 = cancer agressif très improbable, 2 = improbable, 3 = équivoque, 4 = probable et 5 = très probable. Vingt pour cent des IRM-M ont été revues aléatoirement par un autre radiologue en insu de l’évaluation du premier. De leur côté, les anatomopathologistes ont travaillé en insu du résultat de l’IRM-M. Ceux ayant évalué les biopsies trans-périnéales étaient également en insu des résultats des biopsies transrectales échoguidées et inversement.
► Les résultats anatomopathologiques étaient classés en absence de cancer, cancer indolent (Gleason < 4) et cancer agressif (Gleason ≥ 4+3 ou plus, ou cellules cancéreuses sur une longueur ≥ 6 mm sur la biopsie). Le critère de jugement principal était les performances de l’IRM-M : sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive (VPP) et négative (VPN) comparativement à la biopsie transpérinéale (gold standard). Les performances de la biopsie transrectale ont également été comparées au gold standard. Pour ces comparaisons deux à deux (IRM-M vs biopsie transpérinéale, et biopsie transrectale vs biopsie transpérinéale), l’analyse statistique a fait appel à un test de McNemar avec un risque alpha < 5%.
RÉSULTATS
Sur les 740 hommes éligibles, 576 ont fait les trois examens. Ils étaient âgés en moyenne de 63,5 ans, 22 % d’entre eux avaient un antécédent familial de cancer de la prostate et le taux moyen de PSA était de 7,1 ng/mL (mini = 0,5 ; maxi = 15). Les caractéristiques des 164 hommes n’ayant pas fait les trois examens et non inclus dans l’analyse finale étaient similaires à celles des sujets ayant complété l’étude.
Sur la biopsie transpérinéale (référence), 408 sujets (71 %) avaient un cancer dont 230 (40 %) une forme agressive et 29 % étaient indemnes de cancer.
► Comparativement à la biopsie transpérinéale ayant identifié un cancer agressif, la sensibilité de l’IRM-M était de 93 %, sa spécificité de 41 %, sa VPP de 51 % et sa VPN de 89 %.
► Comparativement à la biopsie transpérinéale ayant identifié un cancer agressif, la sensibilité de la biopsie transrectale était de 48 %, sa spécificité de 96 %, sa VPP de 90 % et sa VPN de 74 %. Treize sujets avaient un cancer agressif à la biopsie transrectale non confirmé à la biopsie transpérinéale. De ce fait, ces treize biopsies transrectales ont été considérées comme des faux positifs.
► Pour les 23 sujets ayant un score = 1 à l’IRM-M (cancer agressif très improbable), 52 % n’avaient pas de cancer à l’histologie, 45 % avaient un cancer indolent et 3 % un cancer agressif. Pour les 163 sujets ayant un score = 3 (cancer agressif équivoque), 53 % n’avaient pas de cancer, 35 % avaient un cancer indolent et 12 % un cancer agressif. Enfin, pour les 135 patients ayant un score = 5 (cancer agressif très probable), 3 % n’avaient pas de cancer, 16 % avaient un cancer indolent et 81 % un cancer agressif.
Au total, comparativement au gold standard, l’IRM-M était significativement plus sensible que la biopsie transrectale et moins spécifique (p < 0,001). Sa VPN était significativement meilleure et sa VPP moins bonne (p < 0,001).
► En termes d’effets indésirables, 4 % des sujets en ont rapporté au mois un à la suite de l’IRM-M et 88 % à la suite des biopsies. Au cours de cette étude, 44 sujets (7,6 %) ont rapporté un effet indésirable grave dont 8 cas d’infection sévère.
COMMENTAIRES
Pour bien comprendre l’intérêt de cette étude, il est utile de rappeler le contexte. Ce qui compte dans le dépistage du cancer de la prostate, ce n’est pas de découvrir des cancers indolents peu dangereux, c’est d’identifier les formes agressives mettant en jeu le pronostic vital du patient. Le dépistage par le PSA identifie des patients atteints de cancers agressifs de la prostate, mais aussi de nombreux autres sujets indemnes de cancer ou atteints de formes indolentes qui n’évolueront jamais ou très lentement sans incidence sur la mortalité. Au passage, dans cette étude, 29 % des patients dont le PSA moyen était à 7 ng/ml n’avaient pas de cancer à la biopsie, ce qui donne une bonne idée de la piètre performance de ce test. De même, les performances de la biopsie transrectale comparées à la biopsie transpérinéale ne sont pas enthousiasmantes.
► Après un PSA considéré comme anormal (sans seuil consensuel bien établi), la forme de biopsie la plus utilisée est la voie transrectale échoguidée car elle expose moins à des complications hémorragiques ou infectieuses. Cependant, elle est faite en aveugle de la localisation du cancer, aboutissant à de nombreux patients sans cancer agressif qui subissent une seconde biopsie transrectale, à un sur-diagnostic de cancers indolents qui expose à des traitements inutiles (5, 6) et à un sous-diagnostic de cancers agressifs, en particulier ceux à localisation antérieure. Les patients indemnes de cancer ou atteints de forme indolente non identifiés comme tels par le PSA sont exposés à des biopsies inutiles et risquées et à des traitements délétères (6) sans aucun bénéfice sur la mortalité ni sur la qualité de vie (7).
Une revue systématique (8) et une étude australienne (9) sur le même sujet avaient observé des résultats similaires avec l’IRM, mais avec des méthodes moins rigoureuses, des effectifs plus petits et des gold standards différents.
► PROMIS est une étude britannique particulièrement bien faite et méthodologiquement solide. Elle montre que, chez les patients qui sont dans la « zone grise » du PSA (donc exposés à une biopsie transrectale), l’IRM multiparamétrique utilisée comme outil « adjuvant » au PSA permet de correctement trier les patients entre ceux atteints de cancer indolent et ceux atteints de forme agressive. Les auteurs ont calculé que l’IRM-M permettrait de réduire le taux de biopsies de 27 % et les diagnostics de cancer indolent de 5 %. Chez des patients ayant un taux de PSA peu élevé, faire une IRM-M avant la biopsie augmenterait le taux d’identification de cancers agressifs (qu’il faut traiter) de 18 % comparativement à la séquence automatique actuelle PSA élevé-biopsie transrectale.
► En France, le dépistage de masse du cancer de la prostate n’est pas recommandé. Cependant, en 2014, un peu plus de 3 millions d’hommes ont eu un dosage du PSA, et 45 000 d’entre eux, indemnes de cancer de la prostate avec au moins une biopsie, ont été traités ou pris en charge (à tort) pour cette « maladie » (10). Cet article montrait également que l’IRM était utilisée de plus en plus souvent sans dosage préalable du PSA, alors que sa place dans la stratégie diagnostique reste à préciser.
► En pratique, chez un patient ayant un PSA ≤ 15 ng/mL, l’IRM multiparamétrique est un examen complémentaire pertinent. Si le score d’évaluation de l‘IRM est ≤ 2, il est raisonnable de ne pas se précipiter sur la biopsie tout en surveillant régulièrement le PSA. Si le score est ≥ 3, le recours à l’urologue est indiqué.
Enfin, pour valider la place de l’IRM-M dans la stratégie diagnostique du cancer de la prostate, il reste à construire un essai randomisé démontrant que la stratégie PSA modérément élevé + IRM-M + éventuelle biopsie versus la stratégie actuelle PSA modérément élevé + biopsie systématique réduit la mortalité spécifique (et totale) des sujets inclus, ce qui n’est pas une mince affaire.
Bibliographie
1- Andriole GL, Crawford ED, Grubb RL et al. Mortality results from a randomized prostate-cancer screening trial. N Eng J Med 2009; 360: 1310–19.
2- Schroder FH, Hugosson J, Roobol MJ et al. Screening and prostate cancer mortality. Lancet 2014;384: 2027–35.
3- Ilic D, Neuberger MM, Djulbegovic M, Dahm P. Screening for prostate cancer. Cochrane Database Syst Rev 2013;1:CD004720.
4- Dickinson L, Ahmed HU, Allen C et al. Magnetic resonance imaging for the detection, localisation, and characterisation of prostate cancer: recommendations from a European consensus meeting. Eur Urol 2011;59:477-94.
5- The ProtecT Study Group. 10-Year Outcomes after Monitoring, Surgery, or Radiotherapy for Localized Prostate Cancer.
N Engl J Med 2016;375:1415-24.
6- The ProtecT Study Group. Patient-
Reported Outcomes after Monitoring, Surgery, or Radiotherapy for Prostate Cancer. N Engl J Med 2016;375:1425-37.
7- Félibre S. Informer loyalement pour décider. Le Généraliste 2017;2784:22-3.
8- Fütterer JJ, Briganti A, DE Visschere P et al. Can Clinically Significant Prostate Cancer Be Detected with Multiparametric Magnetic Resonance Imaging ? Eur Urol 2015;68:1045-53.
9- Thompson JE, van Leeuwen PJ, Moses D
et al. The diagnostic
performance of multiparametric magnetic
resonance imaging to detect significant prostate cancer. J Urol 2016;195:1428-35.
10- Turpin P et al. Vers une évolution des pratiques de détection et de prise en charge du cancer de la prostate chez les hommes de 40 ans et plus en France (2009-2014) ? http://invs.santepubliquefrance.fr/beh/2016/9/2016_9_1.html
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