LES 6 PREMIERS MOIS

Publié le 31/05/2013
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Un objectif tensionnel unique pour tous

› La prise en charge a pour but de contrôler la pression artérielle dans les 6 premiers mois, à raison d'une consultation mensuelle jusqu'à atteinte de l'objectif.

› L’objectif tensionnel est d’obtenir, y compris chez les diabétiques et les patients avec maladies rénales, une pression artérielle systolique (PAS) comprise entre 130 et 139 mm Hg et une pression artérielle diastolique (PAD) inférieure à 90 mm Hg, confirmées par une mesure de la PA en dehors du cabinet médical. « À l'heure actuelle, le niveau de preuve est faible pour recommander d'abaisser la PA en dessous de 130/80 mmHg chez le diabétique et l'insuffisant rénal, explique le Pr Blacher. Nous n'avons donc aucune raison vraiment convaincante pour imposer à ces patients un objectif tensionnel différent de celui proposé aux autres hypertendus. Par ailleurs, il est plus opérationnel de fixer un objectif tensionnel unique, plus simple à retenir ». Seuls certains patients, après avis spécialisé, pourront se voir recommander un objectif tensionnel inférieur à 130/90 mmHg.

› Cet objectif tensionnel se réfère à des mesures obtenues en mesure conventionnelle. Dans ses recommandations sur la mesure de la PA (3), datant de 2011, la SFHTA indiquait que les valeurs normales en automesure (ou pendant la période diurne de la MAPA) devaient être abaissées de 5 mmHg par rapport à la mesure au cabinet médical. Ainsi, si l'on considère que les valeurs normales de la PAS et de la PAD au cabinet médical sont respectivement inférieures à 140 mmHg et 90 mmHg, les valeurs normales en automesure sont inférieures à 135/85 mmHg. « Ce point reste cependant à confirmer, raison pour laquelle nous n'avons pas souhaité donner de normes pour les valeurs obtenues en automesure. Ce différentiel de 5 mmHg n'est pas admis par tous, certains auteurs allant jusqu'à 10 mmHg ».

› Après 80 ans, on admet un objectif de PAS inférieur à 150 mmHg, sans hypotension orthostatique.

Quel traitement de première intention ?

› Le traitement médicamenteux doit être choisi parmi l'une des cinq classes d’antihypertenseurs qui ont démontré leur efficacité dans la prévention des complications cardiovasculaires chez les hypertendus : diurétiques thiazidiques, bétabloquants, antagonistes calciques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et des antagonistes des récepteurs à l’angiotensine 2 (ARA2).

Cependant, les bétabloquants apparaissent moins efficaces que les autres classes pour la prévention des accidents vasculaires cérébraux. Cette précision rapproche l'avis de la SFHTA de celui exprimé par la HAS dans une analyse médico-économique (4) publiée le 23 mai, dans laquelle l'Agence conclut à la non-efficience des bêta-bloquants en l'absence de complications cardiovasculaires, en raison de performances moindres en termes de prévention cérébro-vasculaire, de tolérance et de persistance. « Pour autant, même si nous nous avons appliqué une sorte de pénalité aux bêta-bloquants, il ne nous a pas paru légitime de les exclure des stratégies de première intention. En effet, ils ont démontré depuis plusieurs décennies leur bénéfice en termes de morbi-mortalité cardiovasculaire, tout comme les 4 autres familles d’anti-hypertenseurs recommandés en première intention, et il aurait été illogique de les ramener au niveau des alphabloquants, des anti-hypertenseurs d'action centrale et des inhibiteurs directs de la rénine, qui n'ont pas fait leurs preuves à cet égard ».

› Le choix du premier traitement antihypertenseur dépend du profil du patient. Par exemple, les sujets âgés ont une meilleure réponse aux diurétiques ou aux antagonistes calciques ; les sujets très âgés aux diurétiques thiazidiques ; les sujets noirs aux inhibiteurs calciques. Chez les patients diabétiques à partir du stade de micro-albuminurie et les hypertendus avec protéinurie, il est recommandé de débuter au choix par un IEC ou un ARA2.

› La notion de persistance est également à prendre en compte. La persistance correspond à la probabilité qu'un traitement donné soit maintenu au-delà d'un an, à la fois parce qu'il est efficace et bien toléré. À cet égard, l’initiation du traitement antihypertenseur par un ARA2 ou un IEC est associée à une persistance plus élevée que lorsque le traitement est initié avec un diurétique ou un bêtabloquant. Les antagonistes calciques sont en position intermédiaire. « Ceci ne signifie pas que la primoprescription doit systématiquement comporter un bloqueur du système rénine-angiotensine, mais ce critère de persistance, généralement passé sous silence, doit être pris en considération ».

› Les différences pharmacologiques entre les médicaments au sein d’une même classe peuvent avoir des conséquences sur l’efficacité et la tolérance du traitement. « Par exemple, parmi les antagonistes calciques, l'amlodipine a une demi-vie assez longue (35 à 50 h) pour pouvoir être administrée en monoprise, tandis que celle de la nicardipine, plus courte (quelques heures), nécessite 3 à 4 prises quotidiennes. Parmi les bloqueurs du SRA, le ramipril et le losartan sont souvent administrés en une seule prise, alors qu'il serait plus logique de répartir la dose en deux prises quotidiennes du fait de la durée de leur demi-vie. Il est donc important d'examiner le rapport vallée-pic et la demi-vie des médicaments, sans se limiter au seul libellé des indications et de la posologie ».

› Par ailleurs, la SFHTA recommande de privilégier les médicaments dont la durée d’action permet une prise par jour.

› Enfin, la notion d'efficience doit être prise en considération. Ce critère combine les dimensions cliniques (efficacité, observance, persistance, tolérance) et l'aspect économique (coûts du traitement de l’HTA et de la prise en charge des événements cérébro- et cardiovasculaires). La récente évaluation médico-économique de la HAS sur les classes d'anti-hypertenseurs (4) conclut à ce propos que trois classes – les diurétiques thiazidiques, les inhibiteurs calciques et les IEC - sont à considérer en priorité en instauration de traitement, les ARA2 ayant de ce point de vue là un léger handicap dû à leur coût (voir aussi encadré 2).

Quelle bithérapie ?

« Si après un mois de traitement bien conduit avec un premier antihypertenseur, l'HTA n'est pas contrôlée, on passe directement à la bithérapie, sans tenter de doubler la posologie du premier antihypertenseur. Plusieurs études ont en effet montré que les probabilités de succès sont supérieures avec une bithérapie qu'avec une monothérapie à double dose ». Citons la méta-analyse de Wald (6), réunissant 11 000 patients issus de 42 essais, qui montre que la bithérapie antihypertensive est 5 fois plus efficace sur les chiffres tensionnels qu'une monothérapie à double dose. « De plus, une bithérapie à doses modérées est généralement mieux tolérée qu'une monothérapie à dose élevée. Quant à la monothérapie séquentielle, qui consiste à remplacer une monothérapie par une autre en cas d'échec de l'antihypertenseur en cours, il a été montré que de nombreux patients s'en lassent facilement ».

› Les deux principes actifs doivent préférentiellement être associés sous forme de bithérapie fixe.

› En cas d’objectif tensionnel non atteint, plusieurs combinaisons (en termes de dose et de composition) peuvent être essayées avant le passage à une trithérapie antihypertensive. «Le praticien a ainsi le choix entre modifier la posologie de la bithérapie, changer de bithérapie ou passer à la trithérapie. S'agissant des différentes combinaisons possibles, on dispose de peu d'études comparant les bithérapies entre elles, raison pour laquelle nous ne recommandons aucune bithérapie en particulier, au contraire des recommandations européennes de 2009. Nous avons simplement stipulé que l’association de 2 bloqueurs du système rénine angiotensine (IEC, ARA2, inhibiteur de la rénine) n’est pas recommandée, et que l’association bêtabloquant - diurétique augmente le risque de diabète ». Les associations possibles sont donc les suivantes : diurétique thiazidique + antagoniste calcique, diurétique thiazidique + IEC, diurétique thiazidique + ARA2, antagoniste calcique + IEC, antagoniste calcique + ARA2, antagoniste calcique + bêta-bloquant.

Lorsque la bithérapie ne suffit pas

› "Aujourd'hui, seulement un hypertendu sur 4 est dépisté, traité et contrôlé. L'un des moyens pour atteindre l'objectif tensionnel est clairement d'augmenter le nombre de médicaments dès lors que le traitement antérieur ne parvient pas à normaliser les chiffres tensionnels. Lorsqu'une ou plusieurs bithérapies ont échoué à contrôler l'HTA, sous réserve d'une bonne observance, il ne faut donc pas hésiter à passer à la trithérapie, parfois 3-4 mois seulement après avoir établi le diagnostic". La trithérapie de référence repose sur l'association bloqueur du SRA + diurétique thiazidique + antagoniste calcique. « Pour autant, le niveau de preuve est faible car aucune étude n'a pour l'instant comparé 2 trithérapies entre elles ».

› « Les autres médicaments tels que les antihypertenseurs centraux, les alphabloquants et les inhibiteurs directs de la rénine se positionnent en 4e ou 5e intention dans la stratégie thérapeutique, souvent au sein d'une quadrithérapie. Mais en pratique, ils ne sont pas utilisés en mono-, bi- ou trithérapie ».

› Chez le sujet de plus de 80 ans, la SFHTA recommande de ne pas dépasser la prescription de plus de trois antihypertenseurs.

› À toutes les étapes de la prise en charge, la tolérance au(x) traitement(s) doit être évaluée (encadré 3).


Source : Le Généraliste: 2646