DERMATOSES COURANTES DU VISAGES

LA ROSACÉE

Publié le 09/12/2016
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Affection dermatologique vasculaire, elle a un impact psychologique important et ne doit pas être traitée par corticoïdes au risque de la voir s'aggraver. Un traitement local et, parfois, général permettent d’obtenir de bon résultats.
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Crédit photo : Dr Sandra Ly

Une femme de 63 ans, hypertendue, à la pression artérielle équilibrée, souffre d’un visage rouge (voir ci-dessus). Inquiète par son aspect esthétique, elle se sent stigmatisée : « Je suis rouge en permanence, tout le monde croit que je bois », vous explique-t-elle. Vous vous orientez vers une rosacée.

LES EXPRESSIONS CLINIQUES DE LA ROSACÉE

Il faut distinguer les différentes expressions cliniques de la rosacée, pas forcément successives ni conséquences l'une de l'autre.
La rosacée existe sous trois formes :
(voir encadré et photos ci-contre)
- Rosacée vasculaire à type de flush, érythrose et érythro-couperose. Visage rouge avec des poussées liées à des facteurs favorisants.
- Rosacée papulo-pustuleuse où, sur ce fond rouge, se greffent des éléments en relief sur les joues, le menton.
- Forme hypertrophique : rhinophyma, « gros nez bleuâtre ».

 

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CAUSES ET CONSÉQUENCES

La rosacée, anciennement « acné rosacée », est de cause primitivement vasculaire, au niveau des petits vaisseaux du visage, donc bien distincte de l’acné des patients adolescents. Elle évolue par poussées et touche plutôt les phénotypes à peau claire (gradient de prévalence décroissant Nord-Sud) entre 30 et 50 ans où elle atteint un pic chez les femmes ménopausées. Sur le plan physiopathologique, il y aurait une anomalie de fonctionnement des vaisseaux sanguins. La rosacée peut avoir un fort retentissement psychologique car elle est très connotée négativement à la consommation alcoolique. Il s'agit d'une pathologie qui évolue par poussées avec une exacerbation possible, mais inconstante.

LES SITUATIONS CLINIQUES

La forme érythrosique, ou érythro-couperosique, est la plus fréquente.
L'atteinte se concentre principalement au centre du visage (touchant les joues, le nez et le milieu du front) en épargnant le pourtour des yeux et celui de la bouche. La coloration de la peau est associée au développement de petits vaisseaux très fins, rouges et parfois même violacés correspondant aux télangiectasies.
Elle peut s’accentuer sous forme de flush à la faveur d’une vasodilatation consécutive à une émotion, un repas chaud ou épicé, l’absorption d’alcool ou un changement brusque de température. Elle concerne d’ailleurs de nombreuses personnes travaillant en extérieur. Le visage et parfois le cou deviennent très rouges avec une désagréable impression de chaleur. Autres symptômes associés chez 1/3 des patients, les brûlures oculaires avec une sensation permanente de grain de sable dans l'œil appelé rosacée oculaire.
La forme papulo-pustuleuse correspond à l'apparition de papules érythémateuses ou de pustules, parfois douloureuses sur fond érythrocouperosique du visage, touchant les joues, le nez et le front. sur les joues, le nez et le front. Sur fond de rougeur du visage, peuvent apparaître des papules mais surtout des pustules, qui ressemblent à des lésions d'acné, mais sans comédon. On discute du rôle de l’immunité innée et du Demodex folliculorum, un parasite envahissant la glande sébacée.
Le rhinophyma est un aspect rouge et soufflé de la pointe du nez, avec un épaississement de la peau et une dilatation des orifices des glandes sébacées. Il peut orienter à tort vers l’alcoolisme chronique. évolution ultime et inconstante de la rosacée, elle ne concerne quasi exclusivement que les hommes avec des répercussions psychologiques importantes.

LES CONSEILS AUX PATIENTS

Pour toutes formes de rosacée, il faut donner des conseils hygiéno-diététiques généraux :
Nettoyage de la peau avec des dermo-cosmétiques fluides pour hydrater sans obturer les pores de la peau.
Habitudes de vie : éviter le thé, le café, le tabac, l'alcool, les épices, le changement brusque de température, toute situation provoquant une vasodilatation brutale.
Utiliser des crèmes protectrices contre le froid et le soleil dans un contexte de peau claire.
Sucer un glaçon pour faire disparaître les bouffées vasomotrices. Ce geste simple est « un petit moyen » permettant d'améliorer les symptômes.
Utiliser un maquillage adapté en évitant les poudres et les fonds de teint gras. On peut conseiller des maquillages et cosmétiques masquants qui peuvent améliorer la qualité de vie des patients.

LES TRAITEMENTS

Ils dépendent de la forme de rosacée.

 

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Rosacée erythrosique

Le traitement d'une rosacée érythrosique. Il est essentiellement fondé sur les conseils hygiéno-diététiques et le laser. Un nouveau traitement médicamenteux spécifique de la forme érythrosique de rosacée, le gel de tartrate de brimonidine, non remboursé, peut être utile à raison d’une application par jour. Le traitement par laser permet d'atténuer les rougeurs et les télangiectasies et de réduire les récidives.  Trois à quatre séances sont à effectuer en dehors des périodes ensoleillées. Elles ne sont pas remboursées pas la Sécurité sociale.

Rosacée papulo-pustuleuse

Il s'appuie en 1re intention sur :
– La doxycycline, par voie orale, est utilisée à la même dose que dans le traitement de l'acné, non pour ses propriétés antibactériennes mais pour sa puissante action anti-inflammatoire sur les couches superficielles de la peau.
– Le métronidazole topique à 0,75 %, crème, émulsion ou gel, utilisé en application locale. Ce médicament est contre-indiqué en cas d'antécédents d'allergie au métronidazole ou à l'un des composants de la formulation.
En 2e intention pourront être proposés :
– L'acide azélaïque topique à 15 %. Ce traitement a une action anti-inflammatoire.
– L'ivermectine topique.
C'est deux topiques sont non remboursés par la sécurité sociale.

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Les traitements utilisés vont différer en fonction de l’intensité des lésions, mineures ou profuses :
– Dans les formes mineures, le traitement est avant tout local. Il repose sur l'application d'un des deux traitements topiques en commençant généralement par le métronidazole. Ces traitements doivent être appliqués en fine couche de gel ou de crème topique sur les zones affectées après les avoir nettoyées, rincées puis correctement séchées. L'application doit être faite matin et soir pendant 3 mois. Le traitement général doit être repris si les pustules ne sont plus contrôlées par le traitement local seul.
– Dans les formes profuses, associant une rougeur intense et de nombreuses papulopustules (plus de 10 lésions), la doxycycline à la dose de 100 milligrammes par jour est souvent utilisée en première intention pendant 3 mois en association avec un traitement local. Une crème à l’ivermectine peut être utilisée localement.
– En pratique, l’association est souvent privilégiée car elle est plus efficace et plus rapide. On la débute pendant 3 mois, puis on la relaie par le traitement local pour diminuer le nombre des poussées.
Le suivi du traitement se fait en fonction de l'évolution de l’expression de la maladie. Une consultation est à prévoir un mois après le début du traitement pour en évaluer l'efficacité puis à reprogrammer tous les trois mois. L'efficacité du traitement est jugée sur la disparition des papulo-pustules, en général en quelques semaines. Le traitement local permet d'espacer les poussées, mais souvent il est nécessaire de reprendre les antibiotiques en cure courte tous les ans.

Le rhinophyma

Pour le rhinophyma, la chirurgie (décortication) peutêtre utile lorsque l'épaississement de la peau du nez est trop importante pour être accessible à un traitement médical.

LES MESSAGES CLÉS
 

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-D’origine vasculaire, la rosacée n’a rien à voir avec l’acné juvénile.
-2 à 3 % de la population adulte et deux fois plusles femmes que les hommes.
-La rosacée peut être cortico-induite = surtout pas de corticoïdes.
-La rosacée peut s’aggraver ou être déclenchée par l'application de corticoïdes. La « rosacée stéroïdienne » est consécutive à l'application de corticoïdes locaux, à forte dose et de façon prolongée sur le visage. Elle est caractérisée par une dépendance aux corticoïdes, associée à une rougeur accompagnée de desquamation des joues et de télangiectasies.
-Ne pas confondre rosacée et eczéma car le risque est de prescrire de corticoïdes.

 

 

 

Dr Muriel Gevrey, d’après les communications des Drs Sandra Ly, dermatologue, hôpital Saint-André à Bordeaux, SFD et Marc Bayen, médecin généraliste, Lille, CNGE.

Source : lequotidiendumedecin.fr