500 000 patients sont concernés en France par les différentes formes d'épilepsie. Les âges préférentiels de début se situent dans l'enfance et chez l'adulte âgé (courbe en U, avec un taux d'incidence autour de 120 / 100 000 dans ces deux populations) (1). Chez l'adulte jeune, l'incidence est d'environ 50 cas / 100 000. Avec une prévalence autour de 0,5 %, l'épilepsie est la 3e maladie neurologique après la migraine et la maladie d'Alzheimer.
Crise épileptique n’est pas synonyme d’épilepsie, celle-ci se définissant par la répétition chronique des crises spontanées. Il faut au moins deux crises spontanées pour parler d'épilepsie.
La classification des épilepsies est assez complexe, mais pour résumer, disons que la classification électro-clinique, la première à avoir été utilisée, est aujourd'hui complétée par une classification syndromique (une vingtaine de syndromes ont été individualisés), utile tant du point de vue thérapeutique que pronostique (encadré 1). La détermination exacte du type d'épilepsie relève du spécialiste.
ÉTABLIR LE DIAGNOSTIC
En pratique, l'enjeu devant une première crise est de différencier une crise d'épilepsie aiguë provoquée par l'exposition à certaines agressions d'une authentique maladie épileptique.
La clinique d'abord
Si les crises tonicocloniques et les épisodes d'absence ne posent aucun problème diagnostique dans leur forme typique, certaines présentations cliniques peuvent abuser le praticien. De façon générale, tout phénomène neurologique bref (quelques secondes suffisent), stéréotypé et répétitif doit faire rechercher une crise d'épilepsie. Les présences d'une morsure de langue, d'une confusion post-critique ou d'une amnésie post-critique sont de bons arguments pour le diagnostic positif. L'existence d'une perte d'urines est moins contributive, puisqu'elle peut être retrouvée dans d'autres circonstances, après une syncope vagale par exemple (3).
L'interrogatoire du patient et de son entourage est important, notamment s'il s'agit d'une première crise. Outre les symptômes de la crise proprement dite, il recherche des facteurs favorisants (manque de sommeil, alcoolisation), ainsi que d'éventuels signal-symptômes, des antécédents d'absence dans l'enfance, ou encore des épisodes de myclonies matinales passés inaperçus et pouvant laisser suspecter une épilepsie myoclonique juvénile (encadré 2). Dans ces deux derniers cas, il s'agit alors d'une "fausse première crise".
Le bilan de la première crise
-› Lors d'une première crise, le caractère d'urgence de l'épisode doit être apprécié. L'hospitalisation s'impose si l'examen neurologique est anormal (signes de localisation, d'hypertension intracrânienne…), s'il existe des signes méningés ou si le patient a de la fièvre. De même en présence d'un état de mal épileptique (crises continues ou succession de crises sans amélioration de la conscience sur une période de 30 minutes). L'IRM cérébrale est alors le premier examen à demander, ou à défaut, le scanner, à la recherche d'un processus expansif, infectieux ou d'une hémorragie méningée.
-› En l'absence d'anomalies à l'examen clinique post-crise, il faut systématiquement procéder à un bilan associant imagerie, EEG et biologie, même en cas de circonstances favorisantes telles que l'alcoolisation ou le manque de sommeil. "Ce bilan peut être demandé en ambulatoire avant d'adresser le patient au neurologue, souligne le Dr Dupont. Celui-ci précise le type d'épilepsie – même si une première crise est difficilement classable - et juge de la nécessité de la mise en route d'un traitement anti-épileptique. In fine, qu'il s'agisse d'une crise accidentelle ou d'une authentique épilepsie débutante, l'imagerie cérébrale s'impose dans tous les cas. Il faut toujours rechercher une cause et s'assurer de l'absence d'une éventuelle tumeur ou malformation associée avant de conclure à un simple franchissement ou abaissement du seuil épileptogène".
• L'IRM cérébrale est l'examen d'imagerie de référence pour le diagnostic étiologique. Elle a pour but de mettre en évidence une éventuelle lésion épileptogène, et peut être réalisée avec ou sans injection de gadolinium, à la discrétion du neurologue ou du neuroradiologue. Si l'accès au plateau technique est malaisé, on peut effectuer à défaut un scanner cérébral sans puis avec injection de produit de contraste.
•L'EEG confirme le diagnostic et aide à la classification de l'épilepsie. Il doit si possible être réalisé dans les premières 24 heures, mais en pratique, le respect de ce délai est souvent illusoire. L'EEG standard utilise le système à 21 électrodes, et l'on associe systématiquement un enregistrement électrocardiographique. À distance de la crise, les anomalies peuvent être à type de pointes, pointes ondes, polypointes et polypointes ondes.
Outre l'EEG standard, on peut réaliser un EEG de sommeil, lors d'une sieste ou au cours du sommeil nocturne. En effet, les anomalies intercritiques apparaissent parfois durant le sommeil, et la période du réveil est aussi très contributive (4).
Pour autant, la mise en évidence d'anomalies au tracé EEG ne signifie pas que le patient soit épileptique. En effet, c'est la répétition de crises spontanées qui signe l'épilepsie. Et on ne traite pas un patient sur un EEG.
• Au plan biologique, le bilan comprend notamment le dosage de la glycémie (hypo ou hyperglycémie) et la détermination de l’ionogramme sanguin (hyponatrémie). L'hémogramme, le bilan hépatique et l'appréciation de la fonction rénale sont utiles, tant pour la recherche étiologique que pour l'évaluation du patient avant injection d'un produit de contraste ou prescription d'un traitement anti-épileptique.
POURQUOI CETTE PREMIERE CRISE ?
"La plupart des types d'épilepsie peuvent se rencontrer chez un adolescent ou un adulte jeune. Les crises généralisées idiopathiques de l'enfant perdurent facilement à l'adolescence : épilepsie-absence, épilepsie myoclonique juvénile. Plus on avance en âge, moins on rencontre d'épilepsies généralisées idiopathiques. En outre, il faut garder présent à l'esprit la fréquence des "fausses premières crises". En effet, certains patients ne consultent qu'à l'occasion d'une crise tonico-clonique généralisée, et c'est l'interrogatoire qui nous apprend l'existence préalable d'épisodes d'absences, de myoclonies ou de sensations répétées de déjà-vu : l'arbre qui cache la forêt…".
Crises accidentelles : les causes les plus fréquentes (5)
-› Les anomalies métaboliques ne sont supposées être à l'origine de la crise que si elles sont sévères, avec une variation brutale et importante du paramètre métabolique impliqué. Citons l'hypo et l'hyperglycémie (parfois difficiles à mettre en évidence lorsque le bilan est réalisé à distance de la crise), l'hypo et l'hypernatrémie, les dyskaliémies sévères, l'encéphalopathie hépatique ou urémique. Sans oublier l'anoxie aiguë.
-› Parmi les causes toxiques, l'alcool peut induire l'apparition d'une crise, tant par le biais de l'intoxication aiguë que du sevrage. Le terme d'épilepsie alcoolique est réservé aux crises survenant dans un contexte d'intoxication importante et ancienne. La prise d'héroïne et/ou de cocaïne est à rechercher, de même qu'une éventuelle intoxication au monoxyde de carbone, et en milieu professionnel, l'utilisation de métaux lourds ou d'organophosphorés (pesticides).
-› Une origine médicamenteuse est possible, ce qui implique de dresser la liste des traitements en cours. Certains médicaments peuvent abaisser le seuil épileptogène : tricycliques, neuroleptiques, médicaments anti-Alzheimer, anticholinergiques, bupropion, tramadol… D'autres ont une neurotoxicité directe : bêtalactamines, quinolones, ciclosporine, alkylants. Les hypoglycémiants peuvent être en cause par l'intermédiaire d'une hypoglycémie, et les AINS par le biais d'une acidose. Enfin, le sevrage en benzodiazépines est une cause possible, ainsi bien sûr que les cas de sevrage médicamenteux chez un épileptique déjà traité (mauvaise observance, vomissements).
-› Les causes vasculaires chez l'adulte jeune regroupent les malformations artérioveineuses et les thrombophlébites cérébrales. Chez le sujet plus âgé, les accidents vasculaires cérébraux, hémorragiques ou ischémiques, constituent une cause fréquente de crises accidentelles (survenant dans la 1re semaine). Les séquelles d'AVC en revanche, à distance de l'événement initial, témoignent généralement d'une entrée dans la maladie épileptique.
-› Les infections du système nerveux central peuvent donner lieu à des crises aiguës : méningo-encéphalites virales (herpes virus simplex, arboviroses), toxoplasmose ou autre infection opportuniste chez le sujet sidéen, méningites bactériennes, kyste parasitaire, abcès cérébral.
-› Les traumatismes crâniens peuvent être responsables de crises précoces, durant la 1re semaine après l'événement, ou tardives. Le risque dépend de la violence du traumatisme, de la notion de perte de connaissance et/ou de déficit moteur, du caractère pénétrant du traumatisme.
Crise révélatrice d’une épilepsie authentique
-› Sans entrer sans le détail des différents syndromes épileptiques, citons les crises d'origine tumorale. Elles sont classées dans les épilepsies partielles symptomatiques, et ce même en cas de généralisation secondaire. "L'épilepsie est un important mode de révélation des tumeurs cérébrales – 70 % des tumeurs se révèlent par une crise -, plus fréquent que les signes en foyer ou les céphalées".
QUI TRAITER ?
-› Le traitement de la cause, si elle est retrouvée (hyponatrémie, intoxication…), est essentiel. Il peut suffire pour éviter la survenue d'une seconde crise. Dans ce cas, aucun traitement anti-épileptique n'est nécessaire, sous réserve que le bilan soit resté négatif.
-› Dans les autres cas, la décision de traitement après une 1re crise et le choix de la molécule dépendent de plusieurs facteurs : type de crise (partielle ou généralisée, symptomatique ou non), existence de facteurs de risque de récidive (encadré 3), souhait du patient, désir de grossesse chez la femme ou besoin d'une contraception, présence de comorbidités.
En résumé, on traite :
- les crises dont on sait qu'elles sont à risque de récidive,
- les fausses premières crises,
- les patients dont le mode de vie exige l'éviction du danger inhérent à une nouvelle crise,
- les patients refusant d'envisager l'éventualité d'une seconde crise.
On ne traite pas :
- les crises situationnelles dont le bilan est négatif,
- les premières crises à faible risque de récidive
- les patients refusant le traitement.
QUEL TRAITEMENT ?
-› Le choix de la molécule est plutôt le fait du neurologue. On dispose de plus d'une vingtaine d'anti-épileptiques, parmi lesquels on distingue les "anciens" (phénobarbital, primidone, phénytoïne, carbamazépine, valproate de sodium) et les "nouveaux". À quelques exceptions près, les nouvelles générations ont souvent, à profil d’efficacité égal, un meilleur profil pharmacocinétique ou un meilleur profil de tolérance.
C'est le type d'épilepsie, généralisée ou partielle, qui détermine en premier lieu la classe thérapeutique à utiliser. Certains anti-épileptiques ont un spectre d'action large (efficaces sur les épilepsies partielles et généralisées), d'autres sont à spectre étroit (efficacité limitée aux épilepsies partielles). Ces derniers sont susceptibles d'aggraver les épilepsies généralisées, notamment les absences et les myoclonies, en fréquence ou en intensité. Les crises généralisées tonico-cloniques ne sont pas concernées par cette restriction, et peuvent donc être traitées par n'importe quel type de molécule.
-› Un arrêt de traitement peut parfois être tenté au bout de 2 ans, délai après lequel le risque de récidive diminue. D'autres situations nécessitent un traitement à vie (épilepsie myoclonique juvénile). Mais dans tous les cas, l'avis du patient doit être pris en compte dans la décision.
-› Dès la première crise, le patient doit être informé sur les règles d'hygiène de vie (éviter l'alcool, le manque de sommeil, les lumières clignotantes s'il s'agit d'un patient photosensible, ne pas arrêter le traitement si un anti-épileptique a été prescrit), les restrictions relatives à la pratique de certains sports ou à l'exercice de certaines professions, et les dispositions légales relatives à la conduite automobile (le patient doit notamment solliciter l’avis de la Commission médicale du permis de conduire).
Mise au point
Le suivi des patients immunodéprimés en soins primaires
Etude et pratique
Mesure de la PA, la position du patient est importante
Cas clinique
Le papillome intracanalaire
Recommandations
Prise en charge des pneumonies aiguës communautaires