La polypose naso-sinusienne appartient au groupe des rhino-sinusites diffuses. Ce sont des maladies caractérisées par la présence d’une pathologie inflammatoire diffuse affectant l’ensemble des cavités naso-sinusiennes de manière bilatérale. Elles prédominent au niveau du sinus ethmoïdal. Lorsqu’une rhino-sinusite diffuse conduit à la visualisation de polypes bilatéraux dans les cavités nasales, on parle de polypose naso-sinusienne. Leur prévalence est estimée entre 3 et 6 %.
On peut schématiquement différencier deux types de polypose naso-sinusienne :
- La polypose naso-sinusienne primitive, la plus fréquente : aucune étiologie n’est retrouvée. Elle peut être isolée ou s’associer à un asthme, voire une intolérance à l’aspirine, aux anti-inflammatoires non stéroïdiens et aux sulfites dans le cadre de la maladie de Widal,
- La polypose naso-sinusienne entrant dans le cadre d’une pathologie connue, forme la plus rare : mucoviscidose, dyskinésie ciliaire primitive, déficit immunitaire.
Le traitement des rhino-sinusites diffuses est avant tout médical, basé sur la corticothérapie ; la chirurgie ne vit que des échecs du traitement médical bien conduit.
LE DIAGNOSTIC
Les symptômes
La sémiologie d’une polypose naso-sinusienne est dominée par des signes rhinologiques bilatéraux (1) :
• les symptômes majeurs : l’obstruction nasale bilatérale, l’anosmie (perte totale de l’odorat), parfois associée à une perte de la flaveur (dénommée « perte du goût » par les patients), la rhinorrhée postérieure.
• les symptômes mineurs : la rhinorrhée antérieure, la pesanteur faciale, et les éternuements.
Tout patient consultant pour des symptômes rhinologiques chroniques qui se plaint d’une anosmie, voire une perte complète de la flaveur doit conduire à évoquer la présence d’une polypose naso-sinusienne.
L’interrogatoire recherchera systématiquement des maladies extra-rhinologiques : otite séro-muqueuse, voire otite chronique, asthme, dilatation des bronches, reflux gastro-œsophagien. La présence d’un trouble de la fertilité, d’une dilatation des bronches, de malpositions des viscères fera suspecter une dyskinésie ciliaire primitive ou une mucoviscidose. La présence d’une pathologie rénale, de troubles neuro-musculaires et d’un asthme grave fera suspecter une maladie de système comme une maladie de Churg et Strauss.
L’examen clinique
L’examen clinique d’un patient présentant une polypose naso-sinusienne doit être réalisé par un ORL car il impose d’utiliser un nasofibroscope souple afin de voir et d’analyser les polypes (1). Ainsi, il permet de découvrir la présence de polypes dans les deux cavités nasales (Figure 1) dont la topographie permet d’affirmer l’atteinte des sinus antérieurs et postérieurs de la face (voir dossier Le Généraliste « Rhinites et Sinusites Chroniques », vendredi 2 février 2007).
L’analyse topographique de ces polypes est importante sur le plan sémiologique (2). Typiquement, on doit retrouver des polypes provenant :
- Des sinus antérieurs de la face, en particulier de l’ethmoïde antérieur.
Dans ce cadre, les polypes sont situés dans le tiers antérieur de la cavité nasale, en dehors du cornet nasal moyen.
- Des sinus postérieurs de la face, en particulier de l’ethmoïde postérieur.
Dans ce cadre, les polypes sont situés dans le tiers postérieur de la cavité nasale, en dedans du cornet nasal moyen.
Polype n’est pas synonyme de polypose. En effet, l’examen clinique permet de différencier :
- Les polypes unilatéraux qui ne doivent pas faire porter le diagnostic de polypose naso-sinusienne. Il n’existe pas de polypose naso-sinusienne unilatérale. De tels polypes peuvent témoigner soit d’une infection, soit de la présence d’une tumeur des sinus ipsilatéraux.
- Les aspects tumoraux comme on les rencontre dans le papillome inversé ou l’adénocarcinome de l’ethmoïde (profession exposée : menuisier). Ces tumeurs s’associent souvent à la présence de petits saignements, notamment lors des mouchages, qui doivent toujours être considérés comme suspects.
La présence de polypes unilatéraux ne doit pas faire porter le diagnostic de polypose naso-sinusienne mais faire rechercher soit une sinusite localisée de la face, soit une tumeur.
On estime cliniquement le volume de la polypose naso-sinusienne par une classification en 3 stades (1) :
- stade 1 : les polypes n’atteignent pas le bord inférieur du cornet nasal moyen,
- stade 2 : les polypes atteignent le bord inférieur du cornet nasal moyen, mais ne dépassant pas le bord inférieur du cornet nasal inférieur,
- stade 3 : les polypes dépassent le bord inférieur du cornet nasal inférieur.
LE BILAN
Des examens complémentaires sont utiles dans le cadre du bilan d’une polypose naso-sinusienne. Deux examens dominent : l’examen tomodensitométrique et les épreuves fonctionnelles respiratoires (1,2).
L’examen tomodensitométrique
L’examen tomodensitométrique des cavités naso-sinusiennes est réalisé en coupes axiales et coronales, sans injection de produit de contraste. Son intérêt est triple :
- Il confirme le diagnostic topographique de rhino-sinusite diffuse (Figure 2). Les opacités touchent les cellules ethmoïdales antérieures et postérieures, de manière bilatérale.
- Il quantifie l’étendue des lésions par l’index de Lund et McKay. L’index maximum est de 22 (tous les sinus sont le siège d’opacités).
- Il analyse, dans le cadre d’un traitement chirurgical, les zones à risque chirurgical : base du crâne, orbite, artère carotide interne. L’examen doit pouvoir être transféré dans le système de navigation assistée par ordinateur au moment de l’intervention chirurgicale.
Le bilan pulmonaire
Près de 30 % de patients ont une polypose naso-sinusienne associée à un asthme. Chez les patients sans asthme, la réalisation d’épreuves fonctionnelles respiratoires couplée à un test à la méthacholine, permet de découvrir près de 30 % de patients ayant une hyperréactivité bronchique non spécifique asymptomatique.
Dans cette population particulière où la polypose naso-sinusienne entre dans le cadre d’une maladie respiratoire globale, près de 20 % des patients présentent une intolérance à l’aspirine, aux anti-inflammatoires non stéroïdiens et aux sulfites. L’intolérance aux sulfites se manifeste après la consommation de vins riches en sulfites (vins blancs et champagne notamment).
La prise de ces substances peut déclencher, dans les vingt minutes après l’absorption, des symptômes variés : crise d’asthme, œdème de Quincke, rhinorrhée abondante. C’est la maladie de Widal. La recherche d’une intolérance à l’aspirine, aux anti-inflammatoires non stéroïdiens et aux sulfites par des tests de provocation a été abandonnée par la plupart des équipes.
LE TRAITEMENT
La polypose naso-sinusienne est une maladie chronique des cavités naso-sinusiennes. Comme dans toutes les maladies chroniques, l’éducation du patient est capitale. Le patient doit comprendre l’histoire naturelle de la maladie, le concept de « pathologie chronique » imposant un traitement permanent, les avantages et les inconvénients du traitement corticoïde, en particulier les risques de la corticothérapie orale répétée, les buts du traitement chirurgical et les risques de ce type de chirurgie. Cette éducation permet une meilleure observance au traitement et diminue le nomadisme médical (1).
Le traitement de la polypose naso-sinusienne repose sur un traitement médical. Le traitement chirurgical ne vit que des échecs du traitement médical, correctement mené, avec une bonne compliance du patient. La base du traitement médical repose sur l’emploi des corticoïdes.
Le traitement médical
Le traitement médical repose sur trois traitements complémentaires (1,2,3) :
- Le lavage des cavités nasales est un point essentiel. Il permet d’améliorer le drainage muco-ciliaire qui est très altéré par l’inflammation chronique de la muqueuse. Il est réalisé par le patient, matin et soir, avec une seringue de 20 cc et de l’eau salée (2 cuillers à café de gros sel de mer par litre d’eau).
- La corticothérapie orale. Elle est utilisée chez les patients fortement symptomatiques et/ou présentant un volume de polype important. Elle suit le principe de la cure courte. Point essentiel, il ne faut pas dépasser trois cures courtes annuelles car les risques de la corticothérapie au long cours apparaissent au-delà de ce nombre de cures (ostéoporose, insuffisance surrénale biologique). Si un patient a besoin de plus de trois cures annuelles de corticoïdes, il faut discuter l’indication chirurgicale. L’effet d’une cure courte de corticoïde orale est rapide (24 à 48 heures) mais la durée de cet effet est limitée dans le temps (entre 3 semaines et deux mois). Afin de prolonger la durée de cet effet, il faut systématiquement prescrire une corticothérapie locale au long cours.
- Les corticoïdes locaux. C’est la base du traitement de la polypose naso-sinusienne. L’éducation du patient est essentielle afin d’assurer la régularité de la prise et la bonne technique de pulvérisation. Point essentiel : il faut qu’il n’y ait aucun déplacement d’air dans la cavité nasale lors de la pulvérisation : pas de mouchage, pas de reniflement, pas de respiration. La respiration doit être buccale durant et dans la minute suivant la pulvérisation du corticoïde local. Les corticoïdes locaux ayant l’AMM pour la polypose naso-sinusienne ont des effets similaires.
Les doses seront adaptées à la gravité de la polypose : on recherchera la dose minimale efficace une fois la pathologie équilibrée. Les effets secondaires des corticoïdes locaux sont essentiellement limités à des saignements le plus souvent peu importants mais témoignant de la présence de petites plaies le plus souvent situées au niveau du tiers antérieur du septum. Si les saignements se répètent quotidiennement, il est préférable d’arrêter le traitement durant quelques jours. Des cas de perforation septale ont été décrits en cas de persistance du traitement sans suivi médical ORL.
Chez la femme enceinte, les effets secondaires des corticoïdes locaux ont été peu étudiés. Les contre-indications des corticoïdes locaux sont, selon les molécules, les troubles de l’hémostase (afin de limiter le risque d’épistaxis), les infections ORL et ophtalmologiques par l’herpès simplex virus, l’ulcère digestif en évolution, la tuberculose pulmonaire évolutive ou non traitée.
Le traitement chirurgical
La technique chirurgicale est basée sur une chirurgie réalisée par voie endonasale. éventuellement couplée à une navigation assistée par ordinateur (Figure 3). Cette chirurgie peut être (4) :
- Une simple polypectomie dont les indications sont essentiellement limitées à l’exérèse d’un gros polype unique résiduel. L’efficacité de la polypectomie est équivalente à celle d’une cure courte de corticoïdes per os.
- Une ethmoïdectomie (Figure 4) qui consiste à enlever l’ensemble des cloisons ethmoïdales et à ouvrir les grands sinus de la face, notamment le sinus maxillaire et le sinus sphénoïdal. Le but de cette intervention, en supprimant toutes les cloisons ethmoïdales, est de diminuer la surface de muqueuse malade. Il a été montré que l’acte opératoire diminue de 75 % la surface de muqueuse malade au niveau du sinus ethmoïdal. L’intervention est effectuée sous anesthésie générale. Elle est contre-indiquée en cas de trouble de la coagulation et de prise d’anticoagulants. Cette technique opératoire doit être réalisée par un chirurgien habitué à cette chirurgie.
Les complications potentielles de la chirurgie doivent être clairement expliquées au patient et un consentement éclairé doit être recueilli. Ces complications sont rares, dominées par les brèches de l’étage antérieur de la base du crâne et l’exceptionnelle lésion du nerf optique.
Le traitement chirurgical est exclusivement réservé aux échecs d’un traitement médical correctement conduit, prolongé et avec une bonne compliance du patient. Il est indiqué lorsque quatre conditions simultanées sont remplies :
- La présence de symptômes invalidants altérant la qualité de vie du patient. Il n’est pas licite de proposer une intervention chirurgicale chez un patient paucisymptomatique.
- La résistance au traitement médical. La résistance est estimée sur le nombre de cures courtes de corticoïdes orales nécessaires pour soulager le patient (en association à des lavages des cavités nasales et à une corticothérapie locale permanente). S’il s’avère nécessaire de dépasser trois cures courtes annuelles, il faut proposer la chirurgie car les risques de prolonger sur plusieurs années un traitement médical basé sur plus de trois cures courtes annuelles de corticoïdes oraux sont importants, et souvent initialement asymptomatiques.
- La bonne compréhension des buts du traitement chirurgical. La chirurgie n’est pas un traitement curatif : elle ne permet pas de guérir la polypose naso-sinusienne. Un traitement médical post-opératoire basé sur la corticothérapie locale sera nécessaire.
- L’acceptation des risques de la chirurgie, en particulier, bien qu’ils soient très rares, des risques visuels et basicrâniens.
Les résultats
Le traitement médical bien mené permet de satisfaire environ 80 % des patients ayant une polypose naso-sinusienne simple (sans asthme, ni intolérance à l’aspirine et aux AINS), mais seulement 60 % des patients ayant une maladie de Widal (1,2). Le traitement sera prescrit au long cours avec une surveillance ORL régulière par fibroscopie, notamment afin d’examiner la muqueuse nasale pour dépister d’éventuelles plaies muqueuses liées à la corticothérapie locale. La méconnaissance de ces plaies peut conduire à une perforation septale. Les symptômes les mieux contrôlés par le traitement médical sont l’obstruction nasale et la rhinorrhée postérieure. La perte de l’odorat est le symptôme le plus difficile à traiter ; il est un marqueur de la sévérité de la maladie.
Le traitement chirurgical permet de satisfaire environ 80 % des patients. Après traitement chirurgical, l’obstruction nasale est le symptôme le mieux contrôlé.
L’odorat reste le parent pauvre du traitement :
- 1/3 des patients resteront anosmiques,
- 1/3 des patients auront une hyposmie fluctuante,
- 1/3 des patients considéreront leur odorat comme satisfaisant.
Le traitement médical doit être poursuivi après la chirurgie car le traitement chirurgical ne guérit pas la maladie mais permet seulement de mieux la contrôler en diminuant la surface de muqueuse à traiter. Environ 20 % des patients opérés auront une récidive importante de la polypose naso-sinusienne.
Ainsi, sur 100 patients pris en charge, environ 80 % (60 % dans le cadre de la maladie de Widal) seront équilibrés avec un traitement médical exclusif au long cours ; environ 20 % (40 %) seront opérés. Si l’on tient compte de l’association traitement médical et traitement chirurgical, 96 % des patients seront équilibrés (92 %) mais 4 % (8 %) des patients auront une forme grave, avec une importante récidive de la polypose. Ces derniers patients devront bénéficier de reprises chirurgicales avec un délai moyen de 5 ans.
EN RÉSUMÉ
- Un patient présentant des symptômes rhinologiques associés à une anosmie doit faire penser au diagnostic de polypose naso-sinusienne.
- Un examen fibroscopique nasal est indispensable au diagnostic de polypose naso-sinusienne.
- Le bilan d’une polypose naso-sinusienne est essentiellement un examen tomodensitométrique des sinus et des explorations fonctionnelles avec un test à la méthacholine.
- Le traitement de référence de la polypose naso-sinusienne est la corticothérapie.
- Le traitement chirurgical ne vit que des échecs du traitement médical.
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