Damien, jeune patient éducateur de 36 ans, exprime au décours d’une visite dans un centre d'accueil ses craintes concernant une douleur qu’il éprouve au niveau abdominal. Celle-ci est apparue deux ans plus tôt. Elle est permanente, à type de décharge électrique, et il lui semble qu’elle se majore avec le temps ; mais il lui est difficile de la localiser de manière précise. Il a consulté de nombreux confrères rhumatologues, posturologues, généralistes, neurologues qui ont effectué différents examens : échographie abdominale, IRM pelvienne et lombaire (cliché 1), EMG. Ces examens se sont révélés tout à fait normaux, et n’ont pas permis de poser de diagnostic sur la symptomatologie présentée.
Différents traitements antalgiques de palier 2, à base de tramadol de codéine ou d’opium, prescrits par les confrères, n’ont pas eu d’efficacité sur la symptomatologie. Dans ce contexte, un examen clinique complet a été réalisé pour mieux appréhender cette symptomatologie peu claire lors de l’interrogatoire.
Cet examen a objectivé la présence d’une cicatrice au niveau de la fosse iliaque qui est secondaire à une cure de hernie inguinale (elle a été effectuée trois ans auparavant), une douleur lors de la pression de la 2e et 3e vertèbre lombaire, ainsi qu'une réduction de la sensibilité au niveau de la face interne de la cuisse droite et de la face externe du scrotum droit.
Compte tenu des éléments, nous avons redemandé la réalisation d’une électromyographie couplée à une échographie abdominale pour rechercher une neuropathie secondaire à la cure de hernie inguinale. Cet examen a permis de retenir le diagnostic de névralgie ilio-inguinale.
SUR LE PLAN ANATOMIQUE
Le nerf ilio-inguinal est un nerf mixte composé du rameau ventral du premier nerf spinal lombaire (L1) (figure 1). Il chemine entre les deux chefs du muscle grand psoas, apparaît au niveau de la partie dorso-crâniale de ce muscle et se dirige vers la partie ventrale du muscle carré des lombes.
Au niveau de l’épine iliaque antéro-supérieure, il poursuit son cheminement vers l’anneau inguinal superficiel et se divise alors en deux parties :
– la première se dirige vers la partie médiane de la cuisse,
– la seconde est à l’origine de la sensibilité du scrotum et des grandes lèvres.
à l’origine de cette névralgie, nous retrouvons le plus souvent la notion de traumatisme qui fait suite à l'intervention chirurgicale.
À ce propos, il faut savoir qu’à l’issue d’une cure de hernie inguinale, entre 0,5 et 6 % des patients souffrent de douleurs qui affectent leur qualité de vie, et des douleurs chroniques sont mises en évidence dans une proportion de cas assez importante (entre 0,7 et 43,3 % suivant les séries).
Cette problématique pourrait être réduite, et ce d’autant plus que l’identification des nerfs ilio-inguinal et ilio-hypogastrique n’est réalisée de manière systématique que lors de 40 % des actes chirurgicaux. Or, cette identification demeure aisée dans près de 95 % des situations.
LES SYMPTÔMES
→ La douleur reste le symptôme cardinal. Le plus souvent, elle est de type neuropathique (brûlure), localisée au niveau abdominal (zone de la fosse iliaque). Une irradiation peut être observée sur le scrotum (du fait de la distribution anatomique) ou les grandes lèvres.
→ Le signe de Tinel (qui est à l’origine d’une douleur) est souvent positif lors de la percussion de l’aile iliaque antéro-supérieure.
→ L’extension du rachis lombaire peut majorer la douleur ; ce qui conduit souvent le patient à avoir une position courbée pour être soulagé.
→ Des troubles de la sensibilité peuvent également être observés au niveau de la face interne de la cuisse ou des grandes lèvres et du scrotum.
→ On peut également noter une réduction du tonus musculaire au niveau de la fosse iliaque concernée par la névralgie.
LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
→ L’électromyographie est la base du diagnostic. Cet examen permet de réfuter une radiculopathie lombaire qui est un diagnostic différentiel.Il est parfois difficile d’effectuer cet examen avec précision, s’il n’est pas couplé à une échographie abdominale pour repérer le trajet du nerf ilio-inguinal.
→ Le scanner pelvien ou l’IRM pelvienne permettent d’objectiver des fibroses, des hématomes abdominaux, ou des tumeurs qui peuvent être à l’origine d’une compression du nerf ilio-inguinal.
LE TRAITEMENT
Comme nous avons pu l’observer chez Damien, les traitements antalgiques, mais aussi anti-inflammatoires, tricycliques et antiépileptiques ont une efficacité très aléatoire ; le plus souvent ils demeurent inefficaces.
De ce fait, il est possible de recourir à la pose de patchs de lidocaïne, ou à la réalisation d’infiltrations anesthésiques (radiculaires ou tronculaires).
On peut aussi effectuer une électrostimulation, ou une neurolyse par radiofréquence.
Enfin, uniquement en cas d’inefficacité des traitements, on peut discuter de l’opportunité d’une neurectomie, traitement radical susceptible d'éliminer un foyer de fibrose responsable de la névralgie.
Bibliographie
1- Waldman SD. La névralgie ilio-inguinale. Section 10. Chapitre 47. Dans : Syndromes douloureux courants. Ed. Maloine. France 2003.
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