Jean-Marc, 54 ans, nous consulte car sa femme a remarqué une lésion ayant la forme d’un filin érythémateux au niveau de son dos (cliché 1). Ce patient revient de Martinique, où il gère une entreprise et, au cours de son dernier séjour, il a été hospitalisé du fait d’un érysipèle du pied gauche. Le confrère consulté était très inquiet de la situation du patient, qui est diabétique et prenait de manière très aléatoire son traitement. Durant son hospitalisation, son traitement antidiabétique a été adapté. Aussi, afin d’avoir une hygiène de vie plus satisfaisante, Jean-Marc a décidé de pratiquer des activités sportives (nage et planche à voile) à la fin de son séjour. Les lésions observées sont la conséquence d’un repos prolongé sur le sable de Martinique, lésions qui correspondent à une larva migrans cutanée.
INTRODUCTION
La larva migrans cutanée, également appelée larbish, dermatite vermineuse rampante, ou en anglais creeping disease, est une des plus fréquentes dermatoses cutanées migratrices et serpigineuses secondaires à un séjour en zone tropicale (Amérique intertropicale, Antilles, Afrique noire, Inde, Asie du sud, Australie).
Cette affection est secondaire à un ankylostome animal qui est un ver (némathelminthe) transmis accidentellement à l’homme.
Cette parasitose est observée prioritairement chez les chats ou les chiens : Ancylostoma caninum (chiens et autres canidés), Ancylostoma ceylanicum (chats, canidés, civettes), Ancylostoma braziliense (chats et canidés).
Chez l’animal, cet helminthe est avant tout une parasitose intestinale. La femelle hématophage se fixe sur la paroi de l’intestin et pond jusqu’à 10 000 œufs par jour. Ces œufs sont secondairement évacués par les selles, et si les conditions climatiques sont satisfaisantes (climat chaud et humide), les œufs éclosent et donnent au décours de plusieurs mues des larves rhabditoïdes puis strongyloïdes.
Ces larves pénètrent par la suite dans l’épiderme de l’animal par voie transcutanée et gagnent le tube digestif après une migration par voie sanguine vers les poumons, puis le pharynx.
L’homme est une impasse pour l’évolution de ce parasite et il se contamine le plus souvent sur des plages infestées par les fèces d’animaux domestiques (chats et chiens) contaminés. Les larves qui franchissent l’épiderme lors d’un contact (interface entre peau du patient et sable contaminé par ces larves) sont contraintes d’y rester et y meurent. Elles ne peuvent en effet pas se diriger vers les différents organes de prédilection car la circulation sanguine humaine n’est pas adaptée à cette migration.
Autre précision : ne pas confondre avec la larva migrans viscérale (toxocarose) à l’origine d’une symptomatologie très différente.
SYMPTOMATOLOGIE
Lors de la pénétration parasitaire, le patient peut se plaindre d’un prurit et d’un érythème.
Par ailleurs, il est possible d’observer, dans les 48 heures suivant la contamination, une ou plusieurs lésions maculo-papuleuses de couleur rouge.
Quatre jours après, on observe un sillon cutané érythémateux dont la taille est variable (pouvant atteindre plusieurs centimètres), et qui sillonne la peau (aspect serpigineux).
Ces lésions qui migrent de quelques centimètres tous les jours sont observées au niveau des points de contact : pieds, mains, mais aussi fesses ou dos. Par la suite, au bout de 2 mois maximum, elles disparaissent du fait de la mort de la larve, qui n’a pas pu migrer vers les organes. Au décours de cette évolution, on peut observer une surinfection cutanée, suite à un prurit important.
DIAGNOSTIC
Il est avant tout clinique, aucun examen complémentaire n’étant nécessaire pour poser le diagnostic. Cependant, nous ne devons pas oublier un diagnostic différentiel : la larva currens. Cette dermatose linéaire est en relief, avec une progression plus rapide que la larva migrans (quelques cm par heure).
De plus, la larva currens est observée plus fréquemment sur les fesses, les hanches et l’abdomen.
TRAITEMENT
Le traitement est important car les risques de surinfections cutanées sont réels durant la migration parasitaire. Dans ce cas, le traitement le plus efficace et le plus simple consiste à administrer de l’ivermectine en une prise unique à raison de 4 comprimés de 3 mg (variable selon le poids).
Bien entendu, il est important de recommander aux patients qui se prélassent sur le sable de plages en milieu tropical de se protéger d’un éventuel contact avec le sable souillé (nattes, chaussures de plage).
Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Thomas Cavailhès (interne en médecine générale à Montpellier), Chloé Liger et Chloé Lebreton (externes à Montpellier)
BIBLIOGRAPHIE
1. Chinellato M, Chinellato E. Larva migrans cutanée. Annales Françaises
de Médecine d’Urgence 2014 ; 4 : 402.
2. Bessis D. Manifestations dermatologiques des maladies infectieuses, métaboliques et toxiques. Ed. Springer 2008.
3. ePILLY trop. https://www.infectiologie.com/UserFiles/File/formation/epilly-trop/epil….
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique
Recommandations
Antibiothérapies dans les infections pédiatriques courantes (2/2)