Les leucorrhées, occasion fréquente de consultation, sont définies comme un écoulement vulvaire (blanchâtre, jaunâtre ou verdâtre) non sanglant résultant d’une sécrétion exagérée d’origine utérine, cervicale ou vaginale.
Provenant de l'appareil génital féminin, la leucorrhée n’est pas toujours signe d’infection et il est parfois difficile pour le médecin de faire la part des choses entre des leucorrhées physiologiques mais mal vécues par la patiente et des leucorrhées pathologiques qui sont parfois passées au second plan et dont il faudra chercher et traiter la cause.
Environ 30 % des patientes consultant pour des leucorrhées ont en fait des leucorrhées physiologiques. Inversement, 30 % des patientes présentant des leucorrhées pathologiques ne s’en plaignent pas.
Les leucorrhées physiologiques
Des les premiers signes pubertaires, la vulve se modifie et apparaissent des leucorrhées physiologiques qui, chez certaines filles, peuvent être très importantes, parfois gênantes par leur abondance. Il faut les rassurer sur la normalité de ce phénomène, leur conseiller des toilettes biquotidiennes, le port de vêtements peu serrés et leur expliquer qu’avec la poursuite du développement pubertaire, ces pertes physiologiques vont diminuer.
Les leucorrhées physiologiques proviennent :
– de la desquamation vaginale, responsable de leucorrhée laiteuse, peu abondante, opalescente, augmentant en période prémenstruelle ;
– de la glaire cervicale sécrétée par les cellules cylindriques de l’endocol qui augmente du huitième au quinzième jour du cycle, translucide, filante et cristallisant en feuille de fougère.
Le vagin est un écosystème qui comprend une flore microbienne riche. La flore dominante est le bacille de Döderlein : lactobacille tapissant la muqueuse vaginale. Cette flore vaginale évolue selon l’âge (moins de Döderlein avant la puberté), selon le cycle (les aérobies diminuent avant et après les règles) et selon la contraception. Le pH acide, lié à la richesse en acide lactique et corrélé à l’imprégnation oestrogénique, est un facteur protecteur de la pullulation microbienne. La flore équilibrée s’oppose à l’adhésion et à la colonisation des germes pathogènes dans le vagin (4).
Ces secrétions physiologiques n’engendrent aucune irritation, ne sentent pas mauvais et ne contiennent pas de polynucléaires. Cependant leur abondance, liée à une sécrétion endocervicale trop importante ou à une desquamation excessive du vagin, peut parfois être source d’inconfort pour certaines jeunes filles.
Les arguments en faveur d’une leucorrhée physiologique sont les suivants :
– Aspect blanc nacré, laiteux, voire même translucide (« comme du blanc d’œuf ») n’adhérant pas aux muqueuses, absence d’odeur ;
– période du cycle : ovulation ;
– absence de facteurs gynécologiques pathologiques déclenchants ;
– absence de signes fonctionnels associés ;
– absence de signes chez un partenaire si la jeune fille en a un (2).
Les leucorrhées anormales
Les leucorrhées anormales peuvent provenir de germes issus de la flore vaginale commensale ou de germes sexuellement transmissibles.
Il faut interroger la jeune fille sur les caractéristiques de l’écoulement : sa couleur, son abondance, son odeur, son caractère récent ou non. Est-il isolé ou associé à divers symptômes : brulures et/ou prurit vulvaire, brulures vaginales, dyspareunie récente, dysurie, brulures mictionnelles ? Y a-t-il des circonstances de survenue : après un rapport sexuel, un traitement antibiotique ? A-t-elle des douleurs pelviennes ?
Toute la conduite à tenir ensuite chez la jeune fille va prendre en compte la possibilité d’une activité sexuelle. Les leucorrhées doivent toujours poser le problème d'une IST sous-jacente.
L’examen clinique, toujours en douceur, est accompagné d’explications sur sa modalité. Le médecin va surtout inspecter la région vulvaire, vestibulaire et périnéale pour rechercher des rougeurs, des lésions de grattage, des vésicules ou des ulcérations, des condylomes acuminés, vérifier l’aspect de l’écoulement (aspect, abondance, couleur). Les données de cet examen clinique suffisent souvent et permettent d’orienter le diagnostic.
En dehors de toute activité sexuelle, une adolescente peut présenter :
– une infection à Candida albicans dont le développement est rendu possible par l’augmentation des estrogènes locaux.
Les symptômes sont le prurit et les leucorrhées épaisses grumeleuses et blanchâtres (aspect de lait caillé). Le traitement est uniquement local et ne diffère pas de celui des adultes, les ovules de petite tailles sont possibles chez la plupart des jeunes filles, une crème ou émulsion antimycosique y est associée. La vulvo-vaginite mycosique est la plus fréquente cause des leucorrhées pathologiques et est due dans 9 cas sur 10 à Candida albicans. Un traitement favorisant la remise en place d’une flore saprophyte locale est utile en cas de récidives (Geliofil®, Florgynal®). Les règles d’hygiène locale (savon peu agressif pour la toilette « intime », sous-vêtements en coton peu serrés) seront expliquées.
– Une infection à germes banals. Les troubles sont dominés par une leucorrhée non spécifique, gênante par son abondance, sa persistance et sa couleur jaunâtre, parfois verdâtre. Les vaginites bactériennes à germes banals sont souvent une source d’embarras pour le médecin, les germes sont variés : streptocoque B, colibacilles, Protéus, etc. Les traitements sont basés sur les produits locaux : Polygynax® virgo
– Une vulvovaginite à Gardnerella. Les pertes vaginales sont grisâtes, peu abondantes, fluides, malodorantes (odeur de poisson pourri) et cette odeur motive le plus souvent la consultation. Plus que d’une infection, il s’agit d’un déséquilibre de la flore vaginale ; le germe, hôte normal de la flore vaginale, devient pathogène quand il est associé avec différents germes anaérobies. C’est la décarboxylation par les germes anaérobies des acides aminés élaborés par le Gardnerella qui est responsable de cette odeur caractéristique.
Le traitement est justifié du fait de l’inconfort, de préférence en traitement monodose par le metronidazole (Flagyl®) 2 g per os ou secnidazol (Secnol®), un sachet. Les récidives font proposer un traitement complémentaire pour améliorer la flore vaginale par Geliofil® ou Florgynal®.
Chez une jeune fille ayant commencé à avoir des relations sexuelles, toute l’attention va porter sur la recherche d’une infection sexuellement transmissible (IST). Plus de la moitié des moins de 18 ans sont « sexuellement actifs », 10 % ont eu des relations sexuelles avant 15 ans. Plus l’âge du premier rapport est précoce, plus le nombre de partenaires est élevé.
Toute leucorrhée inhabituelle ou d’aspect non physiologique justifie un prélèvement avec recherche de Chlamydiae trachomatis par PCR ; la recherche de mycoplasmes n’est pas nécessaire.
Toute découverte d’une IST doit amener à rechercher une autre IST et à traiter aussi le (ou les) partenaire(s).
– Infection à Chlamydiæ. L’infection vaginale à Chlamydiae trachomatis, très fréquente, ne donne aucune manifestation clinique caractéristique. Elle peut se présenter par des leucorrhées non spécifiques mais est le plus souvent parfaitement asymptomatique. Le risque est sa migration utéro-tubaire, là encore le plus souvent paucisymptomatique et son cortège de séquelles (notament grossesse extra-utérine, infertilité, douleurs pelviennes chroniques,…) Le prélèvement – qui peut être un auto-prélèvement – est indispensable, la sérologie n’ayant aucun intérêt diagnostique. L’infection génitale basse est traitée par azithomycine 2 g, en dose unique ou par doxycilline 200 mg/j en deux prises pendant 7 jours.
– Le mycoplasme n’est en cause que s’il s’agit d’un Genitallium. La pathogénie des mycoplasmes est fortement controversée, l’Ureaplama urealiticum et le Mycoplasme hominis sont considérés comme commensaux et ne nécessitent pas de traitement ; leur prolifération est la conséquence d’un déséquilibre de la flore normale et se retrouve souvent associée à une vaginose. Seul le Mycoplasmæ genitallium, absent de la flore vaginale normale, justifie un traitement par Azythromycine® 500 mg le premier jour puis 250 mg/jour les quatre jours suivants.
– Infection à Trichomonas. La vaginite à Trichomonas se manifeste souvent par des leucorrhées verdâtres, mousseuses, spumeuses, abondantes et nauséabondes (odeur de plâtre frais)(5). Le traitement minute doit être préféré : 2 g de métronidazole (4 cp de Flagyl® en une prise).
– Infection à gonocoque. Les leucorrhées sont jaunes ou verdâtres, purulentes. L’infection est rare mais a un caractère hautement pathogène, responsable d’infections hautes (salpingites, endométrite). Son traitement repose sur la ceftriaxone (6).
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