Rhumatologie

ARTHROPATHIES ET MICI

Publié le 20/06/2022
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Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont parfois associées à des manifestations rhumatologiques symptomatiques. On retrouve le plus souvent des arthropathies périphériques, qui sont généralement stabilisées dès lors que le patient reçoit un traitement pour sa MICI.

Crédit photo : Dr Frances

Nous accueillons en consultation Pierre-Jean, 54 ans, qui a décidé de suspendre le traitement par adalimumab et le suivi de sa rectocolite ulcéro-­hémorragique car il est asymptomatique depuis de nombreux mois.

Cependant, depuis une semaine, il présente des douleurs abdominales et, depuis trois jours, il se plaint de douleurs au niveau de son genou droit.

Sur un plan clinique, le genou est augmenté de volume et nous notons un signe du flot qui témoigne de l’existence d’un épanchement intra-articulaire.

Dans ce contexte, et compte tenu de la symptomatologie de ce patient connu pour une rectocolite ulcéro-hémorragique, nous l’avons rapidement confié à un gastro-entérologue pour qu’il puisse recevoir son traitement antérieur (adalimumab).

En parallèle, nous avons administré du paracétamol pour traiter la gonalgie de ce patient.

À notre grande surprise, la gonalgie a disparu quelques jours après l’injection d’adalimumab.

Ce cas permet de mettre en lumière la relation entre rectocolite ulcéro-hémorragique et arthropathie.

Pierre-Jean présentait donc une arthropathie secondaire à une poussée de maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI).

INTRODUCTION

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) sont des maladies inflammatoires cryptogénétiques qui, en plus d’une atteinte digestive (intestinale), se caractérisent par des atteintes extra-digestives (rhumatologiques, hématologiques, pulmonaires, oculaires, neurologiques) dans 20 à 30 % des cas.

Les patients porteurs d’une MICI peuvent avoir des manifestations rhumatologiques symptomatiques.

Sur un plan rhumatologique, nous pouvons objectiver :
• une atteinte axiale (elle est similaire à la spondyl­arthropathie ankylosante) qui est retrouvée chez 3 à 6 % des patients,
• une atteinte périphérique dans 10 à 20 % des cas.

PARTICULARITÉS DES ARTHROPATHIES PÉRIPHÉRIQUES

Elles concernent le plus souvent les patients entre 20 et 50 ans.

L’incidence de ces manifestations articulaires est la même chez l’homme et la femme.

Le plus souvent, cette pathologie touche les articulations des membres inférieurs avec un début brutal et des signes inflammatoires. Parmi les articulations les plus fréquemment concernées : le genou, la cheville, le coude et les articulations métatarso- ou métacarpo-phalangiennes.

La hanche et les épaules sont plus rarement touchées par cette arthropathie.

Les explorations paracliniques n’ont que peu d’intérêt. Si elles sont effectuées, elles mettent en évidence un liquide articulaire inflammatoire, et la biopsie synoviale met en évidence une synovite non spécifique (elle peut être granulomateuse dans la maladie de Crohn).

Deux formes d’arthropathies périphériques ont été décrites en 1998 par Orchard :

Le type 1 : forme pauci-articulaire

Elle concerne 4,4 % des MICI (6 % pour la maladie de Crohn et 3,6 % pour la rectocolite ulcéro-hémorragique) et moins de cinq articulations sont touchées. Les atteintes articulaires sont asymétriques et les poussées ont une durée inférieure à 10 semaines, mais une chronicisation est possible dans 10 à 20 % des cas.

Le plus souvent, cette atteinte accompagne une poussée de MICI, et on retrouve les groupes HLA B27 (26 % des cas), B35 (33 % des cas), et B44 (12 % des cas).

Des manifestations extradigestives sont parfois associées (uvéite, érythème noueux).

Sur un plan radiographique, on n’objective pas de lésions particulières.

Le type 2 : forme polyarticulaire

Elle concerne 3 % des MICI (4 % pour la maladie de Crohn et 2,5 % pour la rectocolite ulcéro-hémorragique) et plus de cinq articulations sont touchées. Il existe une atteinte symétrique qui est centrée sur les petites articulations (métacarpophalangiennes ou interphalangiennes proximales).

Les manifestations cliniques sont généralement observées durant plus de trois ans et leur survenue n’est pas nécessairement en rapport avec une poussée de MICI.

Dans 64 % des cas, elle est associée au groupe HLA B44.

Sur un plan radiologique, il est possible de retrouver des érosions au niveau articulaire.

PRISE EN CHARGE

Elle repose sur l’administration de paracétamol pour réduire les douleurs articulaires.
Cependant, les manifestations articulaires rétrocèdent quand le patient est traité pour sa MICI.

Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Adam Merikhi (interne en médecine générale à Montpellier), Odile Halbout et Madeleine Stoumen (externes à Montpellier)

BIBLIOGRAPHIE
1. Claude Pierre P. Manifestations articulaires des MICI. https://www.fmcgastro.org/texte-
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2. Toussirot E. Les manifestations articulaires des entéropathies. Réflexions rhumatologiques 2002 ; 47 (6) : 11-17.
3. Marteau P, Louis E. 50 questions sur les maladies inflammatoires
de l’intestin. Ed Doin 2018.


Source : lequotidiendumedecin.fr