Trois ou quatre ans ? La décision n'est toujours pas arrêtée concernant la durée de l’internat de médecine générale. La réforme du troisième cycle des études de médecine pourrait régler la question en 2017. En attendant, partisans de l’allongement et du statu quo continuent de s'opposer. Même si, entre les profs et les jeunes, les points de vue se rapprochent un peu…
Le débat sur la durée du D.E.S de médecine générale n’est pas nouveau mais la réforme du 3e cycle qui doit intervenir en 2017 le remet inévitablement sur le devant de la scène. Depuis 2004 et la création de l’examen classant national (ECN), les futurs généralistes effectuent un internat de trois ans contrairement aux autres spécialités dont le D.E.S dure quatre ans.
Une différence qui ne se justifie pas pour tout le monde. Certains souhaiteraient aligner la durée du D.E.S de médecine générale sur celle des autres spécialités.
Dans ce domaine pourtant, tout le monde ne partage pas les mêmes vues. En effet, si les enseignants avec le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) et le Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG) plaident pour une maquette en quatre ans, le Syndicat des internes de médecine générale, l’Isnar-IMG, s’y est toujours opposé jusqu’à présent. En février dernier, juste avant son Congrès, son président d’alors, Trystan Bacon, rappelait dans nos colonnes la position sans équivoque du syndicat.
« On reste très ferme sur les trois ans. Je me trouve à défendre une position pédagogique face à des enseignants qui veulent passer à quatre ans pour des raisons politiques de reconnaissance de la discipline. On ne met pas une 4e année simplement parce que ça fait plus prestigieux sur une plaque ». La ligne défendue par l’intersyndicale étant celle « d’améliorer la formation sans allonger la durée des études ».
[[asset:image:9776 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":[]}]]La déclaration de Thierry Mandon lors du Congrès a provoqué de la confusion
Dr Anas Taha, président du SNEMG
Quelques jours plus tard lors du Congrès de l’Isnar-IMG à Strasbourg, l’intervention vidéo du ministre de l’Enseignement supérieur, Thierry Mandon, paraît clore le débat dans le sens des jeunes. Dans son intervention, le ministre annonce le maintien à trois ans de la maquette de médecine générale et au moins deux stages obligatoires en ambulatoire contre seulement un aujourd’hui. Immédiatement, les internes se réjouissent de cette annonce. Contrairement bien sûr aux enseignants… « La déclaration de Thierry Mandon lors du Congrès a provoqué de la confusion. C’est une réforme qui dépend de plusieurs ministères. Il a fait une prise de position sans négociations, il a agi tout seul dans son coin, sans connaître son sujet », estime aujourd'hui le Dr Anas Taha, président du SNEMG. Et, de fait, la satisfaction des internes sera de courte durée : après les demandes de clarification du CNGE et du SNEMG, le ministre reviendra sur ses propos lors de la Grande conférence de santé.
Plus de temps pour plus d’ambulatoire
Derrière la demande d’un passage à quatre ans il y a deux justifications : une pédagogique et une autre davantage politique. « Il y a un intérêt du point de vue de la formation. Si l’on veut réellement un virage ambulatoire, il faut que cela se reflète dans le contenu de la maquette de médecine générale qui, aujourd’hui, est essentiellement tournée vers hôpital », explique Anas Taha. Une demande également exprimée par l’Isnar-IMG qui souhaite notamment que le stage en responsabilité (Saspas), actuellement facultatif, devienne obligatoire pour tous les IMG.
Le CNGE va même plus loin et, sur une maquette de quatre ans, veut que la moitié soit consacrée à des stages en ambulatoire. Autre élément en question, les stages en santé de la femme et de l’enfant, essentiels pour les futurs généralistes : l’Isnar-IMG fait ainsi la demande de pouvoir les coupler (trois mois pour l’un et l’autre par exemple) et les réaliser en ville. L’importance de l’acquisition de ces compétences justifie notamment pour d’autres l’allongement de l’internat : « La médecine générale est la spécialité qui a le plus large panel de patients. On voit des patients d’une semaine et on en accompagne d’autres en fin de vie. Six stages, c’est un peu juste pour faire de la gynéco et de la pédiatrie à la fois par exemple », estime Émilie Frelat, chef de file des jeunes du SNJMG, également partisan d’un passage à quatre ans.
Pas les moyens de la réforme
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Yves-Marie VINCENT, président de l'Isnar-IMGIl faut donner des moyens financiers supérieurs à la médecine générale
Sur le fond donc, tout le monde souligne la nécessité de réformer en profondeur le contenu de la maquette de médecine générale. Et ils partagent aussi le même constat sur les moyens : pour l’instant ils ne sont pas réunis. « Il y a des lacunes en termes de terrain de stage et d’encadrement d’un point de vue numérique », explique Yves-Marie Vincent, nouveau président de l'Isnar-IMG. « Il faut donc régler le problème du nombre de maîtres de stage, donner des moyens financiers supérieurs à la médecine générale et aussi une harmonisation en termes d’évaluation, de portfolio ; chaque université ne doit pas pouvoir faire ce qu’elle veut ».
Du côté du SNEMG, le Dr Anas Taha estime que pour que la maquette souhaitée par le SNEMG et le CNGE soit envisageable, il faudrait augmenter de 50 % le nombre de MSU. « Les revalorisations pour le statut de MSU sont inexistantes depuis 2008, il faut donc qu’il soit rendu plus attractif ». À moyen terme, le généraliste est néanmoins confiant sur l’évolution numérique des MSU. Les effectifs vont être appelés à s’étoffer notamment avec l’installation de généralistes qui ont eux-mêmes pu bénéficier de MSU en tant qu’internes. En 2011 dans une enquête de l’Isnar-IMG, 71 % des internes disaient vouloir devenir MSU. « Je pense aussi que les recrutements vont être d’autant plus simples que les MSP vont émerger », ajoute le Dr Taha.
Au total, tout le monde est d'accord sur la nécessaire réorientation de la maquette de MG vers plus d’ambulatoire. Mais le désaccord porte sur les moyens pour y arriver : en quatre ans ou en aménageant les trois ans en rendant notamment le stage en CHU facultatif, comme le proposait encore l'Isnar-IMG lors de la Grande conférence de santé en janvier.
Une question d’image
La deuxième raison qui motive les demandes vers une quatrième année est moins pédagogique et davantage une affaire de prestige. En effet, alors que la médecine générale est devenue une spécialité, elle reste la seule à s’obtenir en trois ans et non en quatre. « Cette durée va légitimer notre compétence aux yeux des confrères et de la population. On ne peut pas dire qu’on est les pivots du système de soins et montrer qu’on fait moins d’études que tous les autres. Sur le plan de l’affichage ça ne va pas », considère Anas Taha. Une différence d’autant plus incongrue avec l’arrivée prochaine de nouveaux D.E.S : « Il va y avoir la création des D.E.S de gériatrie et d’urgence et, a priori, on se dirige vers une durée en 4 ans, donc la médecine générale restera la spécialité avec le cursus le plus court. On peut s’interroger sur la volonté politique derrière tout ça », explique Émilie Frelat. Une égalité symbolique dont l’Isnar-IMG ne veut pas se préoccuper : « Leurs arguments peuvent s’entendre, ils sont logiques mais nous prendrons uniquement en compte les arguments pédagogiques », répond le président de l’intersyndicale.
Divergence calendaire
[[asset:image:9786 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":[]}]]Le débat est toujours présent, mais étonnamment chacun semble avoir mis de l’eau dans son vin et les positions ne sont plus si éloignées. « Il y a eu un problème de communication avec l’Isnar-IMG, pendant un an on ne se parlait plus. La polémique s’est achevée avec le changement de président », affirme le Dr Taha. Malgré quelques divergences, la fracture n’est plus aussi visible que ça entre les jeunes et leurs maîtres : « On n’est pas idéologiquement opposé à ce qu’un jour on passe à 4 ans », affirme même Yves-Marie Vincent ; là où le bât blesse, c’est sur le délai de ce passage à quatre ans. La question pour 2017 ne se pose même pas du côté de l’Isnar-IMG : « Pour l’instant, avant de parler de quatre ans on veut des garanties. Il ne parait pas cohérent de passer à quatre ans en 2017, alors que les moyens ne sont pas là », insiste Yves-Marie Vincent.
De leur côté, les généralistes enseignants affectent une attitude plus patiente. Alors qu’en juin dernier, Mathieu Calafiore, alors président du Snemg, affirmait que le passage à quatre ans était « urgent » et qu’il devrait se faire « dès la rentrée 2016 », les enseignants ne sont plus aujourd'hui aussi vindicatifs sur ce point. « On ne demande pas un passage à quatre ans ans dès 2017, affirme désormais le Dr Taha, avec les effectifs actuels, ça ne changerait rien et cela reviendrait à faire une année supplémentaire en hôpital. Mais il y a une fenêtre de possibilité avec la réforme du 3e cycle, donc on demande que ce soit inscrit dans la réforme. On vise plutôt l’horizon 2020 ».
Il faut passer à quatre ans, mais pas de manière brutale
Émilie FRELAT présidente du SNJMG
Même son de cloche du côté du Snjmg : « Il faut passer à quatre ans mais pas de manière brutale, explique Émilie Frelat, il n’y a pas assez de terrains de stage aujourd’hui, il faut donc un passage progressif, peut-être dans un premier temps avec juste un semestre supplémentaire et puis rapidement un deuxième. »
Si le débat est relancé par l’arrivée imminente de la réforme il semble aussi s’être apaisé et les positions des uns et des autres se sont rapprochées. Mais, dans leur majorité, les internes n’ont pas encore pris le train en marche. En 2013, dans une enquête de l’Isnar-IMG, 55 % des internes se déclaraient contre la 4e année, dont 18 % « vraiment contre ». Dans une thèse de 2015 de Thiphaine Cathalan, interrogés sur leur maquette de D.E.S « idéale », 63,8 % des internes estimaient qu’il fallait modifier l'actuelle, mais 63,1 % étaient contre le fait d’augmenter la formation en médecine générale en augmentant la durée du D.E.S. Et si c'était la base qu'il fallait d'abord convaincre...