Entretien avec le président de l'association SPS

Dr Éric Henry : « Pour aider les soignants en souffrance, un numéro unique ne fonctionnerait pas »

Par
Publié le 07/11/2019
Article réservé aux abonnés
L'association Soins aux professionnels de santé (SPS) organise demain son cinquième colloque* national à Paris. Cofondateur de l'organisation, le Dr Éric Henry milite pour une prise en charge de la souffrance des soignants à l'échelon régional. Avec la Bretagne en exemple, le généraliste veut fédérer Ordres, libéraux des URPS et caisses d'assurance-maladie.

Crédit photo : PHANIE

LE QUOTIDIEN : Vous avez déployé une plateforme d'appel national (numéro vert 0 805 23 23 36) fin 2016. Combien d'appels avez-vous reçus ?

Dr ÉRIC HENRY : près de 4 000 appels en trois ans. En 2019, nous enregistrons le même nombre d'appel que les années précédentes. Les infirmiers sont les plus en demande, suivis des médecins et des aides-soignants. En tout, nous avons comptabilisé 822 appels de praticiens, dont 383 de médecins libéraux, 324 de salariés et 59 d'étudiants en médecine. Le premier motif d'appel est l'épuisement professionnel (262 appels). 85 médecins ou étudiants ont réclamé des informations, 73 pour un problème personnel ayant un impact sur leur vie professionnelle, 43 faisaient état de démotivation.

Va-t-on vers la reconnaissance de la souffrance des soignants ?

Oui, on a passé un cap en 2015. L'affaire Jean-Louis Mégnien a déclenché une prise de conscience collective sur la souffrance des soignants, puis il y a eu le suicide du neurochirurgien au CHU de Grenoble [un praticien de 36 ans en 2017, NDLR]. Sur le terrain, les libéraux étaient déjà réactifs sur le sujet mais les hospitaliers avaient un retard à l'allumage. C'est en train de changer. 

Il y a actuellement dix cliniques en France, construites ou en cours de construction, qui prennent en charge les soignants en souffrance. Les tutelles sanitaires ont validé quatre d'entre elles comme centres dédiés. Ces établissements, avec tous les autres acteurs (psychologues, psychiatres, médecins traitants) ainsi que nos partenaires (réseau Morphée, service de santé des armées, réseau Souffrance et Travail) font partie du réseau national du risque psychosocial que nous avons lancé en 2018. Nous travaillons également avec des accompagnants en complément du soin, comme le réseau RPBO (Reconstruction post burn-out) pour aider à reprendre le travail, des coachs, des sophrologues, de l'art-thérapie.

Les ordinaux médecins et infirmiers ont leur propre numéro d'aide. Envisagez-vous un rapprochement ?

Plus le temps passe, plus j'ai la conviction qu'un numéro unique pour aider les soignants en souffrance ne fonctionnerait pas. Un tiers des médecins et infirmiers acceptent d'appeler leur Ordre en cas de souffrance, cela fait donc deux tiers qui ne le font pas, probablement pour s'échapper de leur profession le temps de leur souffrance. Même si les numéros ne sont pas les mêmes, on peut avoir la même offre et travailler ensemble en coulisse. Ça pourrait être le cas dans le cadre d'un déploiement région par région de notre réseau national du risque psychosocial. La Bretagne est fer de lance de cette structure régionale. Tous les ordres, toutes les unions régionales de professionnels de santé (URPS) et les caisses primaires d'assurance-maladie sont présents, ainsi que les doyens de Brest et de Rennes, les représentants des écoles d'infirmiers et de masseurs-kinésithérapeutes, les syndicats de jeunes, la médecine du travail des hôpitaux et celle des étudiants. Si un soignant ne va pas bien, on est capable de se mettre autour de la table pour savoir qui va le prendre en charge.

* Le «Quotidien» est partenaire de l'événement

Propos recueillis par M.F

Source : Le Quotidien du médecin