Peu utilisée chez les patients non intubés avant la pandémie, la technique du décubitus ventral vigile a été adoptée dès la première vague épidémique dans de nombreux pays soumis à une pression sur les lits et les respirateurs de réanimation, mais sans preuve de son bénéfice pour les patients. Une première étude internationale, coordonnée par le CHRU de Tours, démontre son intérêt chez les patients atteints de Covid-19 souffrant d'insuffisance respiratoire hypoxémique, mais non intubés.
Publié dans « The Lancet Respiratory Medicine », ce méta-essai a permis l’analyse des données issues de 41 centres de prise en charge dans 6 pays (États-Unis, Canada, Espagne, Irlande, Mexique et France). Au total, 1 121 patients, recrutés entre le 2 avril 2020 et le 26 janvier 2021 (dont 402 en France), ont été assignés à un groupe de soins standard (n = 559) ou à un groupe de décubitus ventral vigile (n = 567).
Un effet dose-réponse encore à étayer
À 28 jours de l’inclusion, 40 % des patients du bras contrôle étaient intubés, contre 33 % des patients du bras décubitus ventral vigile, un résultat jugé statistiquement significatif et cliniquement pertinent. « Le rapport de risque (HR) pour l'intubation était de 0,75 (0,62-0,91) et le HR pour la mortalité était de 0,87 (0,68-1,11) » avec une position en décubitus ventral vigile par rapport aux soins standard, indiquent les auteurs, soulignant que « les effets indésirables étaient légers, peu fréquents et se produisaient à des taux similaires » entre les deux groupes.
Si l’effet dose-réponse n’était pas l’objet de l’étude, les chercheurs ont observé un effet plus marqué chez les patients de l’essai mené au Mexique, pays qui avait également la durée quotidienne moyenne de positionnement en décubitus ventral la plus longue. Des études supplémentaires sont nécessaires pour explorer ce paramètre, mais les auteurs estiment d’ores et déjà que « les patients doivent être encouragés à rester couchés aussi longtemps qu'ils peuvent le tolérer ».
Plusieurs mécanismes physiologiques potentiels sont avancés pour expliquer le résultat, et notamment une distribution plus homogène de la pression pleurale dans toutes les régions pulmonaires et une amélioration de l'oxygénation. Aussi, la baisse de la fréquence respiratoire, observée lors d'un décubitus ventral, « pourrait indiquer une réduction de la commande respiratoire et pourrait entraîner une réduction des variations de pression transpulmonaire entraînant une réduction des lésions pulmonaires auto-infligées par le patient », expliquent les auteurs.
Selon eux, les résultats invitent à poursuivre les recherches afin d’évaluer les bénéfices à plus long terme de la technique, de déterminer les facteurs favorisant la bonne tolérance de séances longues de décubitus ventral « qui semblent associées à un bénéfice plus grand », mais aussi les facteurs prédictifs du succès de la technique.