Tout a commencé il y a un peu plus de 2 ans de cela. À la demande du chef de service de l’époque, le Dr Laverdure, et via le conseil de l’Ordre des Médecins il nous (les généralistes libéraux) avait été demandé de travailler éventuellement dans le service des urgences du CH de Perpignan. Pas très aguerri à ce genre d’exercice, mais volontairement décidé d’intervenir pour le bien des patients, je me suis collé à cette fonction en tant que vacataire.
Un contrat m’a été envoyé me permettant de recevoir 702 € bruts pour 10 heures de travail ; soit 30 € nets par heure de travail. L’argent n’est pas ma préoccupation première dans ce cas, mais j’ai pu constater que l’équipe était épuisée par la charge de travail que nous n’avons jamais hésité à partager. Néanmoins, cet exercice pas nécessairement rémunérateur me plaît beaucoup.
Sur 10 heures (c’est la tranche horaire que je choisis) nous n’avons pas le temps de musarder, et nous devons de manière rigoureuse penser aux patients qui attendent sagement (pour certains) les résultats des examens effectués, mais aussi que nous ayons le temps de les voir en intégralité. En étant au tri, la file active est très importante et les patients attendent parfois plus de 8 heures avant que nous puissions conclure sur leur situation.
Outre le déficit en personnel médical, nous sommes aussi confrontés à un manque chronique de place au sein de l’établissement qui nous pousse à perdre du temps pour placer nos patients en grande détresse. Nous sommes deux ou trois seniors à nous occuper de ces patients ; les internes étant tout aussi actifs dans la file des valides (car ces patients sont plus faciles à prendre en charge).
Lorsque nous décidons de prendre une pause méritée pour déjeuner (en général pas plus de 20 minutes), nous sommes atterrés de voir que la qualité de la restauration ne suit pas (c’est le propre des hôpitaux), mais plus inique nous constatons que nous n’avons même pas de petite cuillère ! Bref l’administration se moque de nous ; tout cela pour un salaire de misère !
Non content de nous presser comme des citrons, l’administration (il y a 8 sous-directeurs au CH de Perpignan, et cadre responsables des pôles…) a décidé de réduire notre rémunération fin juin (juste avant les vacances d’été avec un afflux de patients aux urgences) à 25 € de l’heure. Tout cela pourrait faire sourire, mais il ne faut pas oublier que les effectifs administratifs sont pléthoriques (masse salariale plus importante que celle des médecins), et que cette mesure a conduit à la démission de la plupart des vacataires. Ayant un peu réfléchi à cette énorme bourde, il a été décidé de garder la rémunération antérieure, mais cela de manière trop tardive… Le résultat est la fuite de nombreux vacataires qui ont trouvé chaussures à leur pied ailleurs.
Une nouvelle idée toute aussi brillante a germé chez ces administratifs certainement poussés par les pouvoirs publics. Une antenne de dépistage « coronaambu » va être créée mi-septembre pour les patients souhaitant éventuellement se faire tester. Les responsables ont décidé de rémunérer les médecins libéraux à raison de 500 € pour 8 heures ; cela avec une charge de travail moindre par rapport à celles des urgences. Comme quoi la Covid est plus rémunératrice que les véritables patients des urgences ; une volonté politique ?
Tout cela pour dire qu’une telle situation est écœurante, et qu’il est important d’intervenir pour nos collègues des urgences qui sont épuisés par le travail démesuré à réaliser tous les jours, mais aussi du fait de ce mépris vis-à-vis des vacataires.
Jean-Loup Bonnamy a dans une chronique du Figaro mis l’accent sur le fait que le coût engendré par les administratifs au sein des hôpitaux français est de 35 % versus 24 % en Allemagne. Ne serait-il pas juste de réduire ce mille feuille administratif paralysant notre pays, et qui engendre des demandes infondées de la part de ces personnes qui montrent de cette manière leur utilité, mais augment la charge de travail des médecins ?
J’ai honte pour notre département et pour la qualité des soins dispensés à nos patients car les urgentistes démissionnent à tour de bras et que l’effectif est très faible ne pouvant assurer de manière correcte le travail. Le plus triste dans cette histoire, c’est le manque d’humanité des administratifs qui recrutent des médecins étrangers qu’ils essorent en les faisant travailler comme des forçats pour des salaires de misère !
Quant aux internes ils travaillent également comme des fous, et en plus on leur explique qu’ils ne sont pas assez capables de suivre les patients de manière correcte ; cela alors qu’ils œuvrent souvent avec une supervision minimaliste faute de seniors…
Oui, il est nécessaire de réformer rapidement nos hôpitaux qui agonisent et souffrent des dépenses générées par une masse administrative tentaculaire…
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