Les médecins généralistes ont attendu plus de six ans pour obtenir C=Cs… Après la hausse du 1er mai, combien de temps devront-ils patienter avant d’obtenir une nouvelle revalorisation ? Cela dépendra, bien sûr, des intentions du nouveau gouvernement dont le paiement à l’acte ne semble pas être la priorité. Mais aussi des contraintes budgétaires et des impératifs d’adaptation des soins primaires. Autant dire que, si coup de pouce il devait y avoir dans les mois qui viennent, cela ne passera probablement pas par la consultation de base…
L’attente fut si longue et le sujet omniprésent avant, pendant et même après les dernières négociations conventionnelles… Question de principe pour les syndicats, le C à 25 euros – qui entre enfin en vigueur en mai – a été ces derniers mois un point de crispation entre vos représentants et les caisses. Au point que, même si d’autres avancées tarifaires et forfaitaires ont pris place dans cette nouvelle convention, certains observateurs ont pu regretter que cette avancée hautement symbolique se soit faite au détriment d'une vraie restructuration de la rémunération du généraliste. « Les augmentations tarifaires qui commencent au 1er mai sont le bilan d’un quinquennat car il ne s’est rien passé en dehors de la ROSP, explique Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. Ce qui aboutit à d’énormes frustrations car cela ne correspond pas aux attentes, seulement à un rattrapage d’un retard important. Très clairement, ces revalorisations ne vont pas rendre la spécialité de médecine générale plus attractive pour les jeunes et elles ne prennent pas en compte ce qu’est devenue la consultation de médecine générale », considère ce non-signataire du protocole du 25 août. Et, de fait, malgré les nouveautés à venir jusqu’au premier trimestre 2018, ce nouveau cadre est loin d’avoir épuisé les chantiers tarifaires pour l’avenir. C'est du moins ce qu’espèrent les syndicats de médecins libéraux…
Le forfait structure en priorité
Nous militons pour un forfait structure équivalent à ce qu’était le forfait référent
Dr Jean-Paul HAMON, président de la FMF
Les premières pistes en matière de revalorisations ne passent pourtant pas par le paiement à l’acte. À commencer par le plus urgent, lié aux difficultés de démographie médicale. Il s’agit d’imaginer des rémunérations qui permettent de rendre la discipline plus attractive pour les jeunes et au généraliste qui pourra prendre en charge davantage de patients. L’idée d’un véritable forfait structure apparaît comme la priorité pour certains. « Nous militons pour un vrai forfait structure équivalent à ce qu’était le forfait référent. Il serait de nature à revaloriser la médecine générale, à lui redonner de l’attractivité, souligne Jean-Paul Hamon, président de la FMF. Il faut qu’il soit élaboré sur la base d’une coordination des soins, c’est-à-dire avec l’intégration d’une messagerie sécurisée, l’assurance d’un secrétariat présentiel et d’une prise en charge des soins coordonnée avec une valorisation des soins non programmés et celle de la maîtrise de stage. » Le leader syndical pense également que les nouveaux installés doivent avoir une protection sociale équivaut à celle des salariés les trois premières années. Incontournable forfait structure pour Claude Leicher aussi : « Il faut développer des fonctions support pour que les généralistes puissent se concentrer sur l’examen clinique, l’analyse, les décisions thérapeutiques. Il est nécessaire de dégager le généraliste des tâches non médicales pour qu’il puisse accueillir plus de patients », détaille le président de MG France. Et ça tombe bien, comme le rappelle le Dr Leicher, « l’outil forfait structure existe déjà dans la Convention, il suffit donc juste d’y associer les investissements financiers… ».
Coordination des soins : un casse-tête
Autre enjeu central qui nécessite des espèces sonnantes et trébuchantes : la coordination des soins. Là encore, ça pourrait bouger, mais rien n’est sûr, et, si c’était le cas, cela ne passerait probablement pas par la case C. Après l’accord qui a donné le mois dernier de nouveaux moyens aux MSP et pôles de santé, il s’agit de rémunérer d’une façon ou d’une autre le travail en équipe des professionnels hors structure pluriprofessionnelle. Il y a deux ans, caisses et syndicats n’avaient pas réussi à s’entendre. Or de nouvelles discussions sont prévues à l’automne. « Ce sera primordial, une meilleure coordination peut combler la défaillance du zonage des médecins », note Philippe Vermesch, président du SML. La rémunération sera donc réfléchie en termes de coordination et parcours de soins. « Pour tout ce qui relève des patients âgés, fragiles, il faut travailler avec les autres professionnels, les spécialistes. Cela peut passer par des négociations aux avenants médicaux, mais il faut aussi qu’on arrive à aboutir au niveau de l’Acip », confie Luc Duquesnel, sur ce point sur la même longueur d’onde que Philippe Vermesch. « Les accords conventionnels interprofessionnels (ACI) ne concernent que les MSP en Sisa, donc moins de 10 % des libéraux. Personnellement, nous prônons l’Acip, chacun à sa lettre clé, et, quand il y a coordination, on en associe une autre. C’est beaucoup plus libre, et il ne s’agit pas de subventions à aller chercher, ni de dossiers à faire », explique ce dernier.
Une meilleure coordination des soins peut combler la défaillance du zonage des médecins
Dr Philippe VERMESCH, président du SML
Au-delà, d’autres perspectives sont déjà évoquées pour, à plus long terme, réinventer la rémunération du médecin de ville. Pour Claude Leicher, les propositions doivent venir du terrain vers les politiques et non l’inverse. Certaines initiatives étrangères peuvent ainsi être intéressantes selon lui. « Aux États-Unis, il y a les ACO (Accountable Care Organization), par exemple. Ce sont des accords ville-hôpital dans lesquels l’assurance maladie américaine dit : “Si vous organisez mieux les soins et les parcours, les gains d’efficience réalisés, je les partage ensuite avec les acteurs de terrain.” ». Les ACI permettent déjà une rémunération d’équipe et donnent des moyens à certaines MSP pour s’organiser. Pour le Dr Leicher, la prochaine étape est d’inventer la rémunération au territoire. « Je connais des endroits où les médecins ont organisé un secrétariat commun pour répartir les demandes de patients qui n’ont pas trouvé de créneau chez leur médecin traitant dans le secteur. Il faudrait donc donner des moyens à des médecins qui s’engagent sur la continuité des soins pour éviter que les patients n’aillent à l’hôpital. »
Sur ces sujets complexes, explorer de nouvelles pistes en termes de rémunération semble être un prérequis, et chacun a son idée sur la question. « Pour les pathologies chroniques, pourquoi ne pas explorer un forfait qui permette au médecin de travailler avec une infirmière clinicienne, propose le Dr Duquesnel. Le patient diabétique ou hypertendu qui est bien équilibré, le généraliste peut le voir une fois par an, l’infirmière trois fois et, en revanche, on utilisera toute l’expertise des spécialistes en médecine générale pour les cas mal équilibrés. Mais cela ne peut pas se faire dans le cadre d’une consultation à 25 euros », ajoute-t-il.
Nouvelle cure d’austérité pour le C de base ?
Ces suggestions seront-elles bientôt au menu des discussions avec le nouveau ministre de la Santé ? Possible. En tout cas, le camp Macron a promis de prendre rapidement contact avec les représentants des médecins libéraux. Et, lors de la campagne, le futur Président s’est montré plutôt favorable à une diversification de la rémunération des médecins, quitte à faire baisser la part du paiement à l’acte. Les pourparlers pourraient néanmoins être animés. Si la jeune génération appelle de ses vœux une diversification de la rémunération, ses aînés restent pour beaucoup attachés au paiement à l’acte. Au SML, on fait de la revalorisation du C un axe prioritaire et on ne veut pas que les forfaits dépassent 20 % de la rémunération. Même son de cloche chez Jean-Paul Hamon, qui souhaiterait que le C se rapproche rapidement de 30 euros. « Au-delà du tarif du C, il faut déjà que le généraliste s’approprie la nomenclature qui est à sa disposition, considère, quant à lui, le Dr Duquesnel. Aujourd’hui, certains font des dépistages qui sont cotés à plus de 69 euros et les font payer 23, pareil pour des sutures à 80. Si l’on veut des actes qui tiennent compte de ce que l’on fait, il faut les coter à leur juste valeur. »
Si l’on veut des actes qui tiennent compte de ce que l’on fait, il faut les coter à leur juste valeur
Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF
De ce point de vue, la hiérarchisation des consultations amorcée par la nouvelle convention pourrait amener le C de base à faire du surplace. Les généralistes tiennent-ils alors leur dernière revalorisation ? Ce quinquennat apportera sans doute la réponse. Mais la double contrainte d’adaptation de la discipline et de rigueur budgétaire conduit à penser qu’à l’avenir les changements pourraient porter ailleurs que sur le tarif de la consultation. « Malheureusement, la structure publique qui gère la santé n’a pas des ressources disponibles à l’infini. Il est évident que si nous allons vers des moyens de développement pour mieux organiser le travail et le cabinet, il faudra probablement qu’on fasse des choix. La perspective, aujourd’hui, est celle de mettre plus d’argent sur les moyens structurels, donc peut-être y aura-t-il une pause sur la valeur du C. Peut-être aussi qu’il y aura des axes bien précis qu’on va réévaluer car nous allons nous apercevoir que la réponse en termes d’offre de soins n’est pas suffisante », estime Claude Leicher.
Et les bouleversements pourraient ne pas s'arrêter là. Lors d’un débat récent sur la Convention au Congrès de médecine générale, Nicolas Revel a laissé entendre qu’il n’était pas contre d’explorer l’idée de rémunération différenciée selon les médecins, quitte à proposer aux volontaires la capitation sur option.
Le modèle a été expérimenté chez les Belges. Mais, chez nous, des obstacles culturels restent sûrement à surmonter. « Dans la capitation, il faut que le patient s’adresse toujours au même professionnel, celui qui reçoit la rémunération capitée. Nous sommes dans un système où la population veut pouvoir consulter d’autres professionnels. Comment gère-t-on la circulation du patient en dehors du parcours ? », fait remarquer le président de MG France.