Malgré le soutien affiché par le président des États-Unis, la proposition de suspendre temporairement les droits de propriété intellectuelle pour les vaccins contre le Covid n'aura pas l’appui de l’Union européenne (UE) lors des discussions qui s’ouvriront le 9 juin à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Le projet avait été déposé par l’Afrique du Sud et l’Inde afin d'augmenter la production de vaccins contre le Covid et assurer un accès rapide et mondial. L’UE a ainsi soumis, le 5 juin, une contre-proposition appelant à lever les restrictions sur les exportations et à favoriser, si nécessaire, les « licences obligatoires » encadrées et nationales.
La levée les brevets, soutenue officiellement par 63 États (sur les 164 membres de l’OMC), ne constituerait pas « dans l'immédiat la meilleure réponse pour atteindre l'objectif d'une distribution large et en temps voulu des vaccins dont le monde a un besoin urgent », explique la Commission européenne, dans un communiqué.
Dans deux communications déposées à l’OMC, l’une adressée au Conseil général, l’autre au Conseil des ADPIC (aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce), l’UE met sur la table une proposition de « plan d'action multilatéral robuste afin d'augmenter la production de vaccins et traitements et assurer leur accès universel sans entraves », indique une porte-parole de la Commission.
L’UE en passe de devenir le premier fabricant mondial de vaccins
Lors d’un point presse ce 7 juin, le commissaire européen Thierry Breton, en charge de la Task Force européenne sur la vaccination, a rappelé les efforts réalisés par l’UE, premier contributeur de Covax, ce mécanisme de l’OMS pour le partage mondial des doses de vaccins, avec 329 millions de doses cédées. Selon le Commissaire, l’UE est en passe de devenir le premier fabricant mondial de vaccins, avec bientôt un milliard de doses produites sur son sol, dont « la moitié est réservée au reste du monde » : l’UE « fait la course en tête », mais elle « s’occupe des autres » et « c’est normal », a estimé Thierry Breton.
À l’inverse, les États-Unis, qui ont donné la priorité de leurs 438 millions de doses produites à leur population, n’ont pas encore « ouvert leurs capacités » pour l’exportation, poursuit le commissaire Thierry Breton. La Chine a, quant à elle, fabriqué 875 millions de doses, dont 246 millions ont été exportés, tandis que l’Inde, « pharmacie du monde », a partagé 66 millions de ses 292 millions de doses produites.
Soulignant ainsi son rôle dans le partage des doses disponibles, l’UE défendra à l’OMC un engagement des États sur des « solutions concrètes à court et à moyen terme pour garantir l'accès universel à des prix abordables », selon les mots de la présidente de la Commission. L’UE juge que la proposition de l’Inde et de l’Afrique du Sud ne réglerait pas la question des capacités de production, car une levée des brevets demanderait un accord international complexe à négocier et de longs transferts de savoir-faire industriel.
Les membres de l’OMC sont ainsi plutôt invités à s’assurer que vaccins et traitements puissent « traverser les frontières sans obstacle », selon une porte-parole de la Commission. Il s’agit de « limiter les restrictions à l'exportation », de « maintenir les chaînes d'approvisionnement ouvertes » (notamment sur les centaines de composants nécessaires à la fabrication), mais aussi, pour les pays producteurs, de garantir l’exportation d’une « part équitable de leur production nationale ».
S'appuyer sur la « flexibilité » des accords existants
Le deuxième levier que souhaite activer l’UE porte sur l’augmentation des capacités mondiales de production et l’approvisionnement à un prix abordable des pays à revenu faible ou intermédiaire, via notamment des « accords de licence » volontaires entre entreprises. La Commission évoque également comme pistes possibles « le partage d'expertise, des prix différenciés, y compris des ventes à prix coûtant aux pays à faible revenu, la fabrication en sous-traitance et de nouveaux investissements dans des installations de production au sein de pays en développement ».
Enfin, en cas d'échec sur un accord pour des licences volontaires, instruments « les plus efficaces » selon l'UE, la Commission juge « légitime » le recours aux licences « obligatoires », prévues par l’accord existant de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Cet accord prévoit en effet une « flexibilité » pour l'octroi par une autorité nationale d’une licence ciblée autorisant un producteur volontaire à fabriquer un vaccin sans le consentement du titulaire d'un brevet, mais de façon encadrée, et assortie d'une indemnisation financière pour ce détenteur.
« L'objectif doit être de faire en sorte que toutes les capacités de fabrication disponibles et adéquates du monde servent à produire des vaccins contre le Covid-19 », insiste Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif et commissaire au commerce. « Je me réjouis de rencontrer les dirigeants du G7 la semaine prochaine afin d'étudier les moyens d'atteindre cet objectif », ajoute Ursula von der Leyen.
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque