Récemment primée par le Collège régional des généralistes enseignants d’Alsace, une thèse réalisée à Strasbourg par deux anciennes internes de médecine générale met en lumière les comportements sexistes de certains médecins et enseignants, mais aussi de certains patients, auxquels sont confrontées les jeunes généralistes durant leurs années de stage et d’internat.
Actuellement médecins remplaçantes, les deux généralistes n’ont pas encore achevé ni soutenu leur thèse. L’une d’elles, Fanny Rinaldo, souligne que le sexisme en médecine, c’est d’abord un ensemble d’attitudes et de comportements insidieux, dont l’une des premières conséquences est de persuader les jeunes femmes qu’elles sont « moins capables » que leurs confrères masculins.
À côté des petites remarques plus ou moins humoristiques, des considérations en public sur leur physique ou leur habillement et des « ma puce » et autres sobriquets, il y a aussi des conséquences au niveau de la pratique : « à l’hôpital, certains maîtres de stage nous écartent systématiquement des gestes les plus difficiles au profit de confrères masculins, sous prétexte par exemple que nous ne sommes pas assez fortes », explique-t-elle.
Des témoignages qui se recoupent
Pour préparer leur thèse, les deux médecins ont rencontré et interrogé seize de leurs consœurs ayant récemment effectué leur internat de médecine générale, la plupart à Strasbourg. Bien souvent, leur vécu et leurs témoignages se recoupent, y compris lorsqu’il s’agit de dénoncer des actes commis à leur encontre par certains médecins… les mêmes étant parfois cités plusieurs fois. Remarques franchement salaces, mais aussi mains aux fesses ou sur les seins avec placage contre un mur dans une pièce isolée, ces internes ont toutes été confrontées à des situations qui finissent par générer chez certaines un réel sentiment d’insécurité pendant les stages. À cela s’ajoute l’attitude de certains patients, comme ceux qui prétextent une douleur à la verge pour se la faire examiner en détail par l’interne.
Un vécu qui n’étonne guère la Dr Élise Fraih, généraliste codirectrice de la thèse avec la Dr Maude Royant, qui souligne que ces comportements, qu’elle a connus aussi, sont loin de ne concerner que les internes : au cabinet, de nombreux patients s’autorisent des remarques plus ou moins déplacées, sans parler des attitudes menaçantes, rappelle-t-elle. Pour elle, le fait de témoigner permet de montrer la réalité et l’ampleur du phénomène, et de rechercher de vraies solutions. Au-delà de chaque situation personnelle, estiment ces femmes médecins, c’est aussi la qualité de l’exercice médical lui-même qui souffre, car on ne peut pas bien travailler dans une telle ambiance.
Les internes concernées doivent savoir qu’elles ont des droits, et que les superviseurs des stages doivent être informés et peuvent sanctionner les médecins auteurs de ces comportements. Les départements de médecine générale, estime la Dr Fraih, devraient toutefois être mieux sensibilisés à ce type de problèmes. Dans ce cadre, le prix du Collège des généralistes enseignants est un encouragement pour briser le silence et parler du harcèlement et des agressions sexuelles en médecine générale. De plus, ajoute le Dr Yannick Schmitt, vice-président de ce Collège, « notre rôle est aussi de veiller au bien-être de tous les internes et au bon déroulement de leurs stages, si bien que la prévention de ces actes entre tout à fait dans nos missions ».
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