Quinze ans à Roland-Garros

Une passion au service des joueurs

Publié le 25/05/2010
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Crédit photo : AFP

LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Vous êtes l’un des quatre médecins présents dans les deux infirmeries réservées aux joueurs pendant toute la quinzaine. Vous êtes aussi l’un des plus anciens, les pathologies rencontrées ont-elles changé ?

Le jeu a beaucoup évolué et les pathologies aussi. Le poignet est aujourd’hui beaucoup plus sollicité qu’avant car les joueurs cherchent plus d’effets et des angles de plus en plus improbables. Les traumatismes du poignet sont donc plus fréquents qu’il y a dix ou quinze ans. On observe aussi de plus en plus de blessures aux abdominaux (Nadal, Verdasco), du côté gauche pour le doigtier et du côté droit pour le gaucher avec une douleur au-dessous de l’ombilic, à 2 travers de doigt par rapport à la ligne médiane, car le service est beaucoup plus puissant - il peut atteindre 250 km/h chez les hommes et 200 km/h chez les femmes. C’est un temps violent, très agressif pour l’épaule avec un risque de lésions variées. On l’a vu chez Sharapova ou encore chez Grosjean. Le tendon rotulien fait depuis quelques années beaucoup parler de lui. Le jeu moderne requiert des qualités physiques importantes : impulsions, sauts, freinages, démarrages sont source de micro et de macro-traumatismes. Monfils ou Simon*, deux des meilleurs Français ont connu ce type de blessure de la pointe de la rotule au niveau du jumper’s knee. De même, les pathologies de la hanche qui n’existaient pas, sont devenues assez fréquentes (Kuerten ou Hewitt). Enfin, le rachis reste une zone fragile chez le joueur de tennis avec essentiellement des lésions de surmenage, notamment la lyse isthmique ou fracture de fatigue.

Les joueurs français ont la réputation d’être souvent blessés. Le sont-ils plus souvent que les autres ?

Non mais il est vrai qu’ils sont souvent montrés du doigt. Vu l’importance de l’engagement physique que nécessite ce sport, on peut dire que tous les joueurs ou presque tous, seront blessés à un moment ou à un autre. Nadal par exemple a été arrêté plusieurs mois à cause de son genou ou de son pied et il n’y a qu’à voir le nombre de joueurs qui ont dû déclarer forfait pour Ces Internationaux 2010 : Blake, Nalbandian, Davydenko Del Potro, tous en raison de blessures.

Pourtant la préparation et le suivi médical se sont améliorés. Certains même, dites-vous, ont leur propre équipe médicale ?

C’est sûr mais la course n’est jamais gagnée. Les joueurs sont de plus en plus puissants, avec des gabarits impressionnants, Isner ou Del Potro sont proches des 2 m, et ils tapent de plus en plus forts. Il y a vingt ans, le service culminait à 220 km/h, aujourd’hui un joueur comme Roddick atteint les 250 km/h.

La terre battue est réputée pour être moins traumatisante pour le joueur mais paradoxalement elle semble plus exigeante. N’y a-t-il pas plus de blessures ?

Il faut dissocier le haut niveau du tennis amateur. Pour l’immense majorité des joueurs, la terre battue est beaucoup moins agressive que les surfaces dites dures. Dans les clubs où il y a encore des terres battues, certain joueurs pratiquent encore régulièrement après 70 ans. Sur les terrains « durs », le pourcentage des super-vétérans qui continuent à jouer est bien moindre parce que la surface est beaucoup plus agressive, ne glisse pas et n’amortit pas. Pour ce qui des champions, c’est vrai, le jeu sur terre battue oblige plus souvent à enchaîner 10, 20, 30 frappes de suite. Cependant sur le long terme, les blessures n’y sont pas plus fréquentes.

Vous dites que le tennis est votre passion et le milieu, votre famille. Comment est née cette passion ?

Mon père était professeur de tennis. Tout petit, je l’accompagnais à Roland-Garros, à la nursery où, mon frère et moi, pouvions rencontrer les joueurs. J’ai d’abord effectué des études de kinésithérapie avant de me diriger vers la médecine. Et pendant mes études, j’ai comme mon père, passé mon monitorat de tennis.

Vous étiez un bon joueur de deuxième série, continuez-vous à jouer ?

Je ne progresse plus beaucoup mais je joue toujours avec grand plaisir autant que me permettent mes différentes blessures contractées après 50 ans de tennis.

Dans votre livre, vous remerciez Roger Federer, est-ce votre favori ?

Federer m’impressionne énormément parce qu’en tant que passionné, le regarder jouer, procure du plaisir. À chaque fois, on a l’impression qu’il approche la perfection. Il possède à la fois des qualités esthétiques, des qualités physiques et des qualités humaines inégalées. C’est un génie absolu qui a réconcilié les vétérans avec le tennis car il pratique un tennis que les anciens reconnaissent. Mais je crains que cette année Nadal soit un ton au-dessus et que Federer ne renouvellera pas son exploit de l’an dernier***. Quant aux Français, on ne sait jamais mais cela risque d’être dur.

PROPOS RECUEILLIS PAR LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8775