UN SÉISME DE MAGNITUDE 9 est un soubresaut de la nature ; le tsunami (raz-de-marée déclenché par un tremblement de terre) relève de la fatalité ; contre ces manifestations extrêmement violentes de la nature, le genre humain est démuni. On peut évaluer à 90 % du total les souffrances infligées au Japon par la nature seule. Mais l’homme, avec le temps et par son ardeur au travail peut, à terme, réparer les dégâts causés par les éléments. En revanche, il semble bien impuissant à gérer la part du désastre qui relève de sa propre activité.
Le respect dû au deuil et à la douleur d’un peuple nous interdisait de reprocher aux Japonais dans leur ensemble ou à leurs dirigeants en particulier les conséquences de la catastrophe de Fukushima. Nous avons admis que les précautions prises bien avant le tsunami semblaient mettre la centrale à l’abri des séismes et des inondations. Nous avons, comme les Japonais, été surpris par une conjonction d’événements exceptionnels, un tremblement de terre de 9 sur l’échelle de Richter, une vague plus haute que le mur surélevé qui devait la contenir. Nous avons plaint et nous plaignons encore les Japonais victimes d’une aussi horrible tourmente, nous les admirons pour leur courage. Mais, trois semaines après le séisme, chacun est en droit de se demander si le gouvernement japonais, les exploitants de la centrale et les autorités nucléaires ont réagi au malheur avec compétence et efficacité. Pour des raisons culturelles, exotisme mystérieux, culture aux antipodes de la nôtre, langage réservé aux happy few, éloignement pur et simple, nos médias ont sans doute critiqué le manque de transparence des dirigeants de Tepco mais ils n’ont pas fait le procès du gouvernement japonais. Alors qu’ils sont toujours très sévères pour d’autres gouvernements : souvenez-vous de la trempée administrée à George W. Bush après le passage de l’ouragan Katrina.
Erreurs de gestion.
Et pour en finir avec les arguments favorables au pouvoir japonais, reconnaissons que son rôle n’est pas d’inquiéter les masses, mais de les rassurer, même dans des circonstances plus qu’alarmantes. Il n’y a pas que de l’hypocrisie dans ses discours lénifiants. Il demeure que la catastrophe n’a donné lieu qu’à une intervention télévisée (exceptionnelle, sans autre précédent historique que la capitulation du Japon !) de l’empereur. Et une seule, également, du Premier ministre Naoto Kan. Cellule de crise, mobilisation de toutes les énergies gouvernementales, visites aux sinistrés, décisions généreuses en faveur des réfugiés ? Que nenni. L’empereur est retourné, en ce printemps, à l’horticulture dans ses jardins, M. Kan n’a pas réapparu, et ce à quoi les médias ont droit, c’est au discours lent, ponctué de silences, hésitant (même pour les Japonais, ce doit être agaçant) du brave homme chargé, au gouvernement, de la sécurité nucléaire.
Mais surtout, en trois semaines, on aura pu additionner les erreurs de gestion de la crise. Dans la panique, on est allé chercher de l’eau de mer pour refroidir les déchets irradiés de la fameuse « piscine » ; mais, en se concentrant, le sel corrode les installations, ce qui représente un danger supplémentaire de fuite radioactive. Il ne nous semble pas que le gouvernement japonais ait réussi à à rassembler assez d’hélicoptères bombardiers d’eau. Il ne nous semble pas qu’il ait été assez prompt à demander l’aide technique de la France. Il ne nous semble pas que l’immense grue-pompe à incendie, munie d’un bras articulé et venue de Chine pût à elle seule refroidir les réacteurs et que les Japonais auraient dû en trouver d’autres et les acheminer au plus vite. Que dire enfin de l’erreur d’un communiqué qui indiquait, pour un endroit précis, une élévation de 10 millions de fois de la radioactivité alors qu’il fallait comprendre 1 000 fois ?
L’APATHIE POLITIQUE EXPLIQUE EN PARTIE LA PASSIVITÉ DU JAPON
Il manque au Japon le sentiment d’urgence, la fièvre de la bataille, la détermination qui siéraient à la lutte contre une telle catastrophe. Le stoïcisme n’est pas la passivité. D’où vient cette langueur mortelle sinon de deux décennies d’une stagnation économique à laquelle aucun gouvernement japonais, pas même celui du flamboyant Junichiro Koizumi (2001-2006), pas même ceux nés de la relève politique, (le PDJ, ou parti démocratique japonais ayant remplacé le PLD, ou parti libéral démocrate) n’a réussi à soustraire le pays ? Le Japon a cru qu’en mettant l’opposition au pouvoir il acquerrait une peu de dynamisme. Il n’en est rien. Sa dette représente deux fois le PIB annuel et va augmenter encore à cause du séisme. Le système qui régit le pays en liant la classe politique aux chefs d’entreprise n’a pas été entamé. Dans la rue, les citoyens interrogés dénoncent gentiment le manque de transparence de l’information diffusée par le gouvernement. Pas de quoi fomenter une révolte, et encore moins une révolution.
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