C'est une nouvelle étape dans la mise en œuvre du tiers payant intégral (part Sécu et complémentaire), réforme qui préoccupe les syndicats de médecins libéraux depuis le premier jour et donne du fil à retordre à la nouvelle équipe gouvernementale.
À la demande d'Agnès Buzyn, l'IGAS a remis lundi son rapport sur les conditions de déploiement du dispositif. Sa mission consistait aussi à identifier les nouveaux publics et les situations prioritaires pour la dispense d'avance de frais et à établir un calendrier réaliste. Ce document contient plusieurs recommandations sur lesquelles le ministère de la Santé s'est appuyé pour établir un agenda de montée en charge du tiers payant.
Cap sur 2019
Après quelques mois de tâtonnements pour remplacer le « TPG » obligatoire de Marisol Touraine, marqueur de gauche, par un tiers payant « généralisable » macronien, l'objectif est fixé. Le gouvernement vise bien le déploiement « effectif du tiers payant intégral, sur la base d'outils simples et robustes », c'est-à-dire tant sur la part Sécu (AMO) que complémentaire (AMC), mais dans des conditions fiabilisées.
Agnès Buzyn table sur la « levée » des obstacles techniques à la généralisation du tiers payant intégral « au plus tard fin 2019 ». Les 600 complémentaires santé sont soumis à deux étapes intermédiaires : aujourd'hui testé auprès de trois éditeurs de logiciels médicaux, l'outil de vérification des droits complémentaires et de calculs IDB-CLC « devra couvrir 75 % des assurés dès mi-2018 et la quasi-totalité en septembre 2019 », réclame le ministère. La fusée du tiers payant intégral pourra alors être lancée…
Quatre activités et populations sont prioritaires : tous les actes pris en charge à 100 % par la Sécu ; ceux réalisés pendant la permanence des soins ; l'activité en centre de santé ; les jeunes et étudiants. Source d'inquiétude des médecins, les délais de paiement et le taux de rejet (en particulier sur la part complémentaire) seront étudiés de près par un « suivi régulier » du dispositif, annonce Agnès Buzyn.
Pas à pas
En proposant un calendrier d'environ 18 mois pour le déploiement des outils techniques, le rapport de l'IGAS – le second en six mois – donne du crédit à la stratégie par étapes du gouvernement et remet en cause la thèse d'une généralisation forcément chaotique.
D'ores et déjà, le taux de tiers payant pour tous les cas d'obligation légale (CMU-C, aide à la complémentaire santé, victimes d'accidents de travail, ALD, femmes enceintes) s'élève en 2017 à 85 % des consultations et actes médicaux. La mission préconise d'accélérer sur la part prise en charge par la Sécu « avec pour objectif d'améliorer encore les taux de rejets et de s'approcher à trois ans (fin 2020) de 100 % de tiers payant en ACS, ALD et maternité ». Au passage, l'IGAS évalue à 1 % le taux de rejet dans le cadre du tiers payant des régimes obligatoires sur les feuilles de soins électroniques. C'est peu mais toujours trop pour la profession…
La pratique volontaire du tiers payant pour les derniers actes pris en charge à 100 % pourrait porter « rapide[ment] » sur les cinq millions d'actes identifiés pour les pensionnés d'invalidité et les situations de prévention.
Rejet idéologique
Toute la difficulté sera d'aller plus loin dès 2019 : de fait, en dehors des cas d'obligation légale, seuls 28 % des actes sont pratiqués en tiers payant, précise l'IGAS. Afin d'accélérer la dynamique, le rapport suggère d'intégrer les téléservices de la Sécu (ADRi pour acquisition des droits intégrée) et des complémentaires (l'expérimental IDB-CLC) au cahier des charges Sesam-Vitale et au label ASIP pour les maisons et centres de santé, dès 2018. La montée du tiers payant généralisable en charge se ferait ensuite « sur quatre ans 2018/2021 »…
La méthode Buzyn convaincra-t-elle les médecins ? Ces derniers demeurent sur leurs gardes (lire ci-dessous). « On ne fera pas changer d'avis la minorité de médecins qui, pour des raisons idéologiques, voient la main de la Sécu derrière le tiers payant, analyse le Dr Claude Pigement, ex-monsieur santé du PS. Mais les réticences techniques peuvent être levées par un travail de pédagogie. Et puis, n'oublions pas les jeunes médecins. Pour eux, dans quelques années, le tiers payant sera un geste technique aussi banal que n'importe quel autre. »
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