Un problème aigu de crédibilité

Rentrée gueule de bois

Publié le 06/01/2010
Article réservé aux abonnés
1276111063F_600x_117515_IMG_26275_1262841045543.jpg

1276111063F_600x_117515_IMG_26275_1262841045543.jpg
Crédit photo : AFP

NICOLAS SARKOZY ne parvient pas à remonter la pente. Il n’arrive plus à convaincre. Même ceux qui pensent que les critiques de l’opposition sont souvent systématiques et parfois démagogiques commencent à voir la racine du mal : la question n’est plus de savoir si le pouvoir a tort ou raison, elle porte sur sa crédibilité. Le poids des bourdes, gaffes, mauvaises décisions prises pendant toute l’année 2009 écrase les meilleures intentions du gouvernement. Le phénomène le plus significatif de cette rentrée, c’est la campagne vaccinale.

Plus facile après qu’avant.

La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, porte-parole pourtant chevronnée, s’est enfermée dans un raisonnement contradictoire. Les commandes de vaccins ont été massives au nom du principe de précaution, et que n’aurait-on pas dit si le gouvernement n’avait pas respecté ce principe ? Mais, comme la pandémie est moins ravageuse que ce que l’on craignait, la France n’achètera pas 50 des 94 millions de doses qu’elle avait commandées. En termes clairs, cela signifie qu’il ne fallait en acheter que 44 millions au départ et qu’il y a eu, sinon de la panique, une frénésie des approvisionnements sans commune mesure avec le comportement des pays comparables au nôtre.

Bien sûr, c’est toujours plus facile, après coup, de dire ce qu’il fallait faire. On peut concevoir que la mauvaise foi de ses détracteurs rende amer un gouvernement toujours enclin à montrer combien il se soucie de ses administrés. Mais, comme pour toutes les polémiques, nombreuses et répétitives depuis l’élection de M. Sarkozy, auxquelles il tente de mettre un terme, le substrat inévitable du débat, c’est la perte croissante de crédibilité du gouvernement. L’OPA manquée de Jean Sarkozy sur la Défense aura été, de ce point de vue, la très mauvaise affaire qui a ruiné tout le reste. Son président de père n’a peut-être pas encore compris qu’il suffit maintenant que l’opposition s’oppose pour qu’un projet soit en danger. Prenez la taxe carbone : non sans un sens politique aigu, et contre toute attente, Ségolène Royal l’avait dénoncée, ce qui lui valut aussitôt les sévères critiques de Cécile Duflot, la porte-parole des Verts. Si le Conseil constitutionnel demande aujourd’hui au gouvernement de réviser sa loi sur la taxe carbone, ce n’est pas du tout parce que les magistrats qui le composent ne soutiennent pas la défense de l’environnement, mais parce que les exceptions prévues par loi sont considérées comme une injustice fiscale par le Conseil. Qui, à part les spécialistes de la Constitution, a pénétré les méandres juridiques de la décision prise par notre suprême juridiction ? Pas grand monde. Ce que perçoit l’opinion, c’est qu’une disposition qu’elle n’aime guère est repoussée par des juges dont l’avis prime sur celui du président. Donc, à bas la taxe carbone ! Mais comme M. Sarkozy est têtu et qu’il confirme qu’il y aura dans moins de trois semaines un nouveau projet de taxe carbone, c’est lui bien sûr qui alimente la grogne populaire. C’est lui qui en subira les conséquences au niveau d’une popularité qui ne cesse de baisser.

LA CRISE SERA TERMINÉE QUAND LE CHÔMAGE RECULERA

S’il se trompe une seule fois...

Les Français, pour se réconcilier avec M. Sarkozy, devraient se demander ce qu’il fait bien. On n’enlèvera pas à cet homme le mérite d’avoir géré la crise financière et économique avec efficacité. Dans « le Figaro » de lundi dernier, Alain Minc déclare que 90 % des Français n’ont pas senti la crise. Même en faisant la part de l’indulgence naturelle d’un ami du président, un tel propos n’est pas faux. Ce qui n’enlève rien à la souffrance des 10 % les plus pauvres, ni aux difficultés croissantes de la classe moyenne. En fait, le problème ne vient pas de ce que le président ne fasse rien de bon, il vient de qu’il ne soit pas cru. Encerclé par des opposants hargneux, il s’est mis en tête de faire lui-même sa communication, en soulignant à gros traits ses succès diplomatiques ou économiques. Il y a quelques mois, un journaliste lui demandait si la crise était finie. M. Sarkozy a répondu :  « Elle sera terminée quand le chômage reculera ». C’était parler d’or. Mais combien de fois, dans une France inquiète pour son avenir, épouvantée par le montant de sa dette, consternée par le taux de chômage, ne s’est-il pas comporté comme si tout allait pour le mieux ? Non seulement s’accrédite l’idée que le président, décidément, est trop heureux pour mesurer le désarroi des Français, mais le discours positif et encourageant est rejeté sans même avoir été examiné.

Parfois, M. Sarkozy dresse de la situation un tableau bien plus lumineux que la réalité. Il n’avait pas plutôt dit, à la fin de 2009, que la France s’en sortait mieux que ses voisins, qu’étaient publiés des paramètres montrant que, dans tous les domaines, croissance, réduction de la dette, retour à l’équilibre budgétaire, situation de l’emploi, balance commerciale, l’Allemagne nous devance largement. Si le chef de l’État se trompe ou ment une fois, ce qu’il dira ensuite restera sans effet.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 8682