PERSONNE ne détient la vérité, pas même les zélés partisans de ces changements qui ont loué abondamment les peuples tunisien et égyptien, mais ignorent les conséquences géopolitiques des deux révolutions. Dans les deux pays, deux forces se heurtent et s’annulent. En Tunisie, un pouvoir transitoire tente de remettre le pays au travail, alors qu’il contient des éléments de l’ancien régime. Le parti de la dictature, le RCD, est dissous, mais il comptait au moins un million de membres, soit 10 % de la population, et une purge de type post-communiste ferait autant de victimes. Quatre mille Tunisiens, à ce jour, ont quitté leur pays pour rejoindre l’Europe, via l’île de Lampedusa, avec la France pour destination. Pendant que des incidents encore assez graves opposent la population aux forces de l’ordre, le gouvernement tente de convaincre les touristes françaises de revenir à Hammamet ou Djerba. Finir la révolution ou reconstruire, voilà le dilemme.
Pour qui sonne le glas.
On notera que la révolution tunisienne a été permise par l’armée, qui a refusé de tirer sur la foule et qui reste garante de l’ordre. Il en est de même en Égypte où les militaires, qui ont le pouvoir depuis un demi-siècle, n’ont sacrifié Moubarak que pour y rester. Ce qui ne veut pas dire que le retour au statu quo ante soit concevable : l’introduction des libertés dans les systèmes tunisien et égyptien semble irréversible. Tous ceux qui ont soutenu les deux mouvements en Europe et aux États-Unis ont raison sur ce point. Il est indubitable que les islamistes ne sont pour rien dans la vague révolutionnaire, qu’ils font profil bas aujourd’hui, et que la révolution est assise, dans les deux cas, sur un socle de revendications sociales, largement entretenues, en Tunisie, par l’UGTT, mouvement syndical qui tente de tirer le meilleur parti de la fuite de Ben Ali, à laquelle il n’a guère contribué. Il est également certain que, bercés pendant des décennies par une propagande qui attribuait les plaies de l’Égypte à Israël, le peuple insurgé a balayé cette rhétorique. Ni en Tunisie ni en Égypte, on n’a fait du problème palestinien la raison prioritaire ou secondaire des émeutes. Et donc, sur ce point aussi, les amis français et européens des révolutionnaires arabes ont fait la bonne analyse.
L’ALGÉRIE, PROCHAINE RÉVOLUTION ?
En Algérie, le gouvernement de M. Bouteflika est parvenu à empêcher une marche pacifique, mais le glas d’un pouvoir corrompu et incompétent a sonné. Le souvenir d’une guerre civile atroce, « l’alibi » islamiste, comme on dit à Paris, n’empêcheront pas la jeunesse algérienne d’adopter les modèles tunisien et égyptien. La direction algérienne est tellement vermoulue qu’on n’y trouve aucun homme capable de réclamer des réformes profondes qui, seules, et si elles se traduisaient par des avancées importantes, sauveraient le régime. Lequel a si peu confiance en lui-même qu’il ne voit aucune autre solution que la répression. Sa chute est certaine, même si elle prend du temps. Pourtant l’Algérie a les moyens de prendre des mesures sociales qui seraient financées par le pactole pétrolier et gazier. Ce n’est pas le cas du Maroc où, pour le moment, tout est calme, ni du Yémen, où le pouvoir est aux abois. La Jordanie est en pleine crise à cause de la hausse des prix et, incroyable mais vrai, on manifeste à Bahrein.
L’armée égyptienne a fait savoir qu’elle respecterait tous les traités internationaux conclus par Le Caire, y compris l’accord de paix avec Israël. Le gouvernement de Jérusalem ne peut pas faire l’économie d’une révision complète de sa politique étrangère. Une révolution dilue nécessairement les responsabilités et accroît l’instabilité politique, ce qui favorise les étincelles, celles qui mettent le feu aux poudres. Benjamin Netanyahou doit donc diminuer la tension avec les Palestiniens. La question ne porte pas sur la crédibilité de Mahmoud Abbas ou du Fatah, elle porte sur les graves incertitudes de l’avenir immédiat. Une fois encore, Israël, qui a reconnu la légitimité de la révolution égyptienne malgré sa nostalgie de Moubarak, mais se déclare prêt à toute éventualité militaire, devrait se dire que des concessions politiques valent infiniment mieux qu’une nouvelle guerre.
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque