Le Dr Nidal Nabhan-Abou exerce à Laval (Mayenne) et se définit elle-même comme une ancienne experte. 15 ans qu’elle effectue des examens auprès de tribunaux qui ont à instruire puis juger des affaires d’infanticide. A raison de cinq ou six de ces meurtres par an, sur lesquels elle est amenée à investiguer, la psychiatre a donc acquis une grande connaissance du profil de ces mères. Des éléments précieux, puisque les statistiques sont inexistantes.
Tout d’abord, ces femmes qui tuent leur enfant sont jeunes. En moyenne, elles ont moins de 30 ans. Certaines étaient beaucoup plus jeunes : 14 – 16 ans. Le médecin note de rares passages à l’acte au-delà de 40 ans. Un constat à lier bien sûr au fait que le nombre d’accouchements est plus faible dans cette tranche d’âges.
« Souvent, relève le Dr Nidal Nabhan-Abou, elles sont multipares. Elles-mêmes sont fréquemment issues de familles nombreuses. On retrouve chez elles une enfance difficile, avec de la maltraitance et un encadrement familial, éducatif et affectif défaillant. On peut dire qu’elles viennent majoritairement d’un milieu pauvre. »
Mort par étouffement
Ces mères tuent leur propre enfant, dans 99 % des cas. Le mode opératoire est « très souvent », selon l’experte, l’étouffement, avec le doudou de l’enfant, ou un coussin, une écharpe. Ni arme à feu, ni arme blanche ne sont utilisées. Certains infanticides sont commis par pendaison, par noyade ou encore par défenestration.
« Dans une majorité écrasante, on note une absence de troubles mentaux, au sens de l’axe 1, explique la psychiatre. Nous avons à faire à des personnalités régressives, immatures, ayant une tendance à l’impulsivité, qui sont incapables de se projeter dans la vie, elle et l’enfant. Souvent, je constate un passage à l’acte qui est précipité à cause d’un évènement. C’est le cas de cette femme qui est entrée dans une maltraitance qui est allée crescendo. Pour elle, le facteur précipitant a été le fait de perdre sa nourrice. Elle s’est retrouvée dans l’incapacité psychologique d’en trouver une autre… »
Des femmes souffrant de mélancolie
S’appuyant sur de nombreux exemples rencontrés, Nidal Nabhan-Abou a voulu mettre en garde ses confrères : le grand pourvoyeur de l’infanticide est la mélancolie. « Les troubles psychopathologiques sont divers mais la mélancolie reste l’entité nosographique à rechercher à l’examen expertal. » Malgré cela, l’experte observe une aggravation des peine avec une responsabilisation « abusive » des ces femmes mélancoliques.
« Il nous faut militer pour que ces femmes soient reconnues comme des malades mentales qui nécessitent des soins… Souvent, on peut noter chez elles une détermination à se tuer elle-même. Mais, elles n’y parviennent pas souvent car après l’acte, elles ressentent un fort soulagement. Par la suite, une culpabilité extrêmement lourde s’abat sur elles. Si cela n’est pas pris en charge, il existe le risque d’abord qu’elle recommence, car après 15 ou 20 ans de prison, elles peuvent ressortir en ayant l’âge de procréer encore, puis le risque qu’elles réussissent à se suicider des années après. »
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