Alors que le gouvernement est sur le point de lancer une grande campagne d’information sur la santé mentale, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) publie ce 24 mars un rapport destiné à « améliorer le parcours de soins en psychiatrie ». Soit une vingtaine de propositions autour de trois axes : agir sur la connaissance et la représentation de la santé mentale, favoriser une entrée plus précoce dans le soin et assurer la synergie entre les soins et l’accompagnement.
Après le rapport de la Cour des comptes et celui de l’Inspection générale des affaires sociales, c’est au moins le troisième travail publié sur ce thème depuis le début de l’année, alors que la crise du Covid-19 met en lumière les tensions qui minent la psychiatrie. « Quand on arrive tous au même constat, le temps des rapports doit se terminer et il faut passer à la mise en œuvre des réformes », appelle Alain Dru, l’un des co-rapporteurs, ex-éducateur à la protection judiciaire de la jeunesse, représentant de la CGT. Toute la difficulté réside dans le caractère global des réponses à apporter à des difficultés connues depuis longtemps, lit-on dans l’introduction de l’avis.
Généralistes aux avant-postes
À l’issue d’une trentaine d’entretiens, les membres du CESE alertent sur l’importance de renforcer l’offre médicale de proximité, alors que la tendance actuelle est à la « spécialisation autour de centres ressources ou experts, au détriment des équipes de première ligne », selon les mots d’Alain Dru.
En ce sens, le CESE souligne le rôle « incontournable » des médecins généralistes et préconise de renforcer leur formation en soins psychiatriques, d’imposer au minimum un stage dans un service ou établissement de santé mentale, de développer les outils de dépistage à leur disposition et d’améliorer la coordination entre psychiatres et généralistes. « Trop souvent les généralistes disent n’avoir pas de retour des psychiatres », rapporte Anne Gautier, co-auteure et représentante de la Mutualité sociale agricole (MSA).
Le CESE plaide en outre pour un remboursement par l’Assurance-maladie des consultations de psychologues (déjà expérimenté sous différentes formes), qui s’accompagnerait de la création d’un 4e groupe professionnel dans le Code de la santé publique, aux côtés des médecins, paramédicaux, sages-femmes et dentistes. Devrait aussi être mis en place un système d’orientation par le médecin traitant vers un psychologue, comme pour un spécialiste.
Donner envie aux futurs psychiatres
Plus largement, le CESE appelle à élaborer un plan d’urgence pour la psychiatrie, « indépendant des engagements du Ségur », pour compenser le sous-investissement dans le secteur public et pérenniser un financement de la psychiatrie à la hauteur des besoins. « Il faut aller plus loin que les réformes en cours, il faut mettre le paquet sur le secteur et donner envie aux jeunes générations de médecins de s’engager en psychiatrie et en pédopsychiatrie », exhorte Alain Dru. Pour ce faire, il est impératif de soutenir la recherche en psychiatrie, souligne le CESE.
Le Conseil insiste aussi sur la nécessité du décloisonnement entre tous les acteurs de la santé mentale… Sans oublier la santé somatique. « C’est un marronnier de nos avis, que l’on retrouve aussi dans nos travaux sur l’hôpital ou les maladies chroniques : il faut une articulation entre la ville (qui inclut aussi le social et le médico-social) et l’hôpital », reconnaît le rapporteur. Concrètement, des outils existent, comme les projets territoriaux de santé mentale (PTSM) ou les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) : « mais ce ne sont que des outils, il faut les évaluer et prendre garde à ne pas créer des millefeuilles, commente Alain Dru. Chaque territoire doit construire ses solutions en fonction de ses besoins ». Le CESE préconise parallèlement de développer les formations croisées entre les acteurs de ces parcours et de multiplier la présence des psys dans les communautés d’exercice professionnel.
Destigmatisation et démocratie sanitaire
Enfin, le CESE insiste sur l’importance d’impliquer les usagers et les familles dans la construction des parcours de santé mentale et de mettre fin à leur stigmatisation, par exemple à travers des campagnes d’information sur la santé mentale. « Il y a une vraie prise de conscience de la part du gouvernement sur ce sujet », observe Anne Gautier. « Il faut toutefois que le ministère de l’intérieur renonce au fichier Hopsyweb qui permet aux autorités de consulter des données à caractère personnel de patients suivis en soins sans consentement et de les croiser avec le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) », nuance Alain Dru.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation