Il a fallu un film, et l'énergie de pas moins de quatre équipes européennes pour lancer la plateforme JEFpsy et ainsi mettre en lumière un impensé de la psychiatrie : les enfants et les frères et sœurs de personnes souffrant d'un trouble psychiatrique.
« J’aurais aimé, plus jeune, avoir eu la possibilité de discuter avec d’autres personnes qui vivaient des choses similaires. J'aurais pu expliquer des choses, être comprise, et pas seulement par des soignants », a témoigné ce 8 juin la réalisatrice Véro Cratzborn, qui vient de signer « La forêt de mon père », un film autobiographique sur l'amour filial d'une adolescente et de sa fratrie pour un père qui vacille dans la maladie psychique. « On ne peut pas nous coller des étiquettes ni rester figés dans cette histoire, ces familles peuvent être aussi des ressources, il nous faut de l'espoir et des espaces de discussions », a-t-elle expliqué.
C'est notamment cet espoir et cet espace de discussion que souhaite offrir le site JEFpsy (pour Jeune Enfant Fratrie), porté par l'Œuvre Falret (avec le soutien de la Fondation Orange), à laquelle se sont associées quatre structures : les Funambules-Falret (France), le Biceps (Suisse), Étincelle (Belgique) et Réseau Psy-centre Kanel (Luxembourg).
Les jeunes au centre
Destinée aux 11-20 ans, enfants et frères et sœurs de malades psychiques, la plateforme donne des informations en partant des besoins et vécus des jeunes. « Il ne s'agit pas d'un site d'information de plus − nous relayons ceux qui sont déjà très bien faits. Il n'y a pas, par exemple, d'entrée par le diagnostic, car souvent, les enfants l'ignorent ou l'apprennent par la bande. En revanche, nous proposons un lexique qui explique les termes médicaux qu'ils peuvent intercepter sans toujours les comprendre, et des réponses aux questions que nous avons souvent entendues dans la bouche des jeunes », explique Hélène Davtian, psychologue et directrice des Funambules.
JEFpsy propose aussi un espace de paroles avec d'autres jeunes, ainsi qu'un chat avec des professionnels de la plateforme et des relais vers les associations locales. « Nous avons souhaité nous décaler du malade, du symptôme, d'une approche médico-centrée, et mettre les enfants au centre du dispositif, partir de leur vécu », explicite Hélène Davtian.
Ouvrir les yeux sur une réalité méconnue
Au-delà de l'aide directe qu'elle entend apporter à des jeunes qui ne pensent pas à demander de l'aide pour eux-mêmes, la plateforme porte un message. « Les enfants et les frères et sœurs sont les oubliés de la psychiatrie, trop souvent on ne prend conscience de leur existence que lors d'une crise, lorsque le parent est hospitalisé », regrette Hélène Davtian.
La psychiatre belge Frédérique Van Leuven, enchérit : « Les professionnels ne font guère attention à eux et ne cherchent pas à expliquer ce qui arrive à leur proche ; non par mauvaise volonté, mais parce qu'il y a un malaise », explique celle qui, touchée par les enfants dans les salles d'attente de son centre médico-psycho-pédagogique, met en place depuis 20 ans des groupes de parole entre jeunes.
Prévention et travail sur les liens familiaux
Les promoteurs de la plateforme entendent donc faire œuvre de prévention… bien comprise. Hors de question de « dépister les enfants ». Il s'agit plutôt de soutien à la parentalité et de travail sur les liens familiaux. « Trop souvent, la relation éducative est mise en échec par le trouble psy. Or à cause de notre système de santé en silo, il n'y a pas de communication entre psychiatrie et protection de l'enfance », témoigne Sandrine Broutin, directrice générale de l'Œuvre Falret, qui a longtemps exercé dans l'aide à l'enfance.
Il s'agit aussi d'accompagner ces jeunes qui deviendront adultes, avant même qu'ils ne le soient et viennent taper aux portes des associations comme l'Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques). Hélène Davtian y a travaillé : « J'ai entendu ces enfants une fois adultes qui parlaient avec colère du fait qu'on ne les avait pas vus quand ils étaient enfants. » La présidente de l'Unafam Marie-Jeanne Richard en convient : « Les appels des fratries et enfants restent minoritaires. Or dans le contexte du virage ambulatoire, où les patients sont davantage pris à domicile, c'est toute la famille qui est confrontée aux troubles psychotiques. Et ce n'est pas une ressource inépuisable, surtout dans cette période pandémique ! », a-t-elle déclaré, en s'engageant notamment à faire connaître Jefpsy au réseau des grands-parents.
La prise en compte des enfants et fratries relève enfin d'une question de justice : « Comment demander à des enfants de devenir des aidants, lorsqu'on les a ignorés lorsqu'ils étaient jeunes ? », questionne Hélène Davtian.
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