Un groupe de 7 chercheurs indépendants issus d’universités et d’instituts de recherche de pays européens dont la France et américains*, démontent l'argument selon lequel il n'existe pas de consensus scientifique autour de la définition d'un perturbateur endocrinien (PE). Leur commentaire est publié dans la revue « Environmental Health Perspectives ».
Des critères attendus depuis 2013
L'argument est avancé par la Commission européenne qui, depuis près de 3 ans, doit fournir des critères d'identification des composés agissant comme perturbateurs endocriniens. La Commission a été condamnée par la Cour européenne de justice en décembre 2015 pour ne pas avoir fourni la définition attendue au plus tard fin 2013.
Selon l'OMS, un perturbateur endocrinien est « une substance ou un mélange exogène qui modifie la/les fonction(s) du système endocrinien (ou système hormonal) et qui, en conséquence, a des effets nocifs sur la santé d'un organisme intact ou de sa descendance, des populations ou des sous-groupes de population ». Une réunion de scientifiques les 11 et 12 avril à Berlin a confirmé le consensus autour de cette définition de 2002 de l'OMS.
De telles substances qu'on retrouve dans les plastiques, l'alimentation, les pesticides ou les cosmétiques perturbent le fonctionnement hormonal, peuvent donc entraîner des malformations congénitales et des anomalies du neurodéveloppement et pourraient favoriser le diabète et l'obésité.
Dans « Environmental Health Perspectives », les auteurs expliquent que l'approche utilisée pour identifier les cancérigènes ou les substances toxiques pour la reproduction devrait être employée pour les perturbateurs endocriniens. Elle aboutirait à un classement en 3 catégories : les « perturbateurs endocriniens », les « perturbateurs endocriniens suspectés » et les « substances endocrinologiquement actives » (catégorie incluant les substances qui affectent le système endocrinien sans qu'il soit prouvé qu'elles ont un effet nocif sur la santé).
Des lois toujours en suspens
« La Commission, en ne respectant pas ses obligations légales, retarde l'application de deux lois votées par le Parlement européen sur les pesticides (insecticides, herbicides, fongicides) et les biocides (désinfectants industriels, produits contre les nuisibles ou de protection du bois ou du cuir…) contenant des PE », a expliqué à l'AFP Rémy Slama (INSERM), l'un des chercheurs. « En se retranchant derrière une soi-disant absence de consensus scientifique, on instrumentalise la science et, par ce retard, on fait courir un risque sur la santé des Européens », ajoute-t-il.
De même, les chercheurs remettent en cause la nécessité, également mise en avant par la Commission, d'une étude d'impact préalable visant à mesurer les conséquences en termes de nombre de cas de maladies occasionnés, et le retentissement économique de la réglementation. « Cela créerait un dangereux précédent, dans la mesure où les études d'impact ne sont pas destinées à définir les dangers, mais à quantifier les effets de ces dangers et de la réglementation sur la santé, la société et l’économie », soulignent les chercheurs.
Quelques incertitudes
S'il y a incertitude, elle concerne, reconnaissent-ils, « les mécanismes fins et l'étendue exacte des effets des PE sur la santé et l'environnement ». De même le nombre exact de substances susceptibles d'être identifiées comme des PE n'est pas connu. « Parmi les centaines de substances qui sont a priori des PE, certaines sont des pesticides déjà interdits depuis longtemps, comme le DTT. Si la loi entrait en vigueur, il est probable que plusieurs pesticides ne seraient pas autorisés ou retirés du marché », précise Rémy Slama.
La Commission a promis de publier cette définition d'ici à l'été 2016.
* Rattachés à l’INSERM, à l’Université Grenoble Alpes, au CNRS, au Museum national d’histoire naturelle (France), au CHU de Liège (Belgique), à l’Université de Nottingham et l’Université Brunel à Londres (Royaume-Uni), à l’Université de Turin (Italie) et à l’Université du Massachusetts (Etats-Unis).
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