LE QUOTIDIEN : Vous avez prédit une avalanche d’amendements au Sénat pour corriger la loi de santé. Le texte adopté mi-avril par les députés ne vous convient donc absolument pas ?
Dr ALAIN MILON : Absolument pas. Des points ont attiré l’attention de la presse, le tiers payant généralisé, l’IVG, les salles de shoot, le paquet de tabac neutre… Ces arbres cachent la forêt et la politique dogmatique socialisante que met en place le gouvernement pour la médecine. L’attention a été portée sur ces points en évitant de parler des groupements hospitaliers de territoire (GHT), des ARS et des communautés professionnelles de territoire. Or, c’est là que se concentrent les vrais problèmes.
Qu’allez-vous faire de ces arbres, comptez-vous les abattre ?
Nous allons entamer une réécriture complète du projet de loi de santé. Nous allons supprimer 50 articles sur les 209 que compte le texte et nous réécrirons complètement une centaine d’autres. Sur le reste, les changements seront minimes. Nous allons supprimer le tiers payant généralisé et obligatoire. Une telle réforme doit faire partie d’un programme présidentiel. Le président de la République avait parlé du tiers payant mais n’avait pas dit comment il le financerait. Pour nous, c’est un point essentiel. Nous maintiendrons l’extension du tiers payant social aux bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé.
À quels autres changements de taille faut-il s’attendre ?
Nous allons remettre en place le délai de réflexion sur l’IVG. Nous allons proposer d’en rester à la directive européenne sur la mise en place du paquet de cigarette neutre. L’erreur de la loi de santé est d’écarter les professionnels de santé libéraux. Nous souhaitons que les médecins généralistes et spécialistes libéraux soient introduits dans les communautés professionnelles de territoire. Les groupements hospitaliers de territoire doivent voir le jour après que les professionnels ont préparé un programme médical, admis par les ARS. Qu’on laisse le soin aux professionnels de s’organiser !
La commission de l’aménagement du territoire du Sénat, sous l’impulsion de sénateurs centristes, a adopté le conventionnement sélectif (une installation pour un départ) dans les zones surdotées. Soutenez-vous cette mesure ?
Non, c’est refusé. Il n’en est pas question. Cette idée avait déjà été présentée par Hervé Maurey (sénateur UDI de l’Eure) lors de la loi HPST et nous l’avions déjà refusée. Cette proposition montre une absence de connaissance du monde médical et des efforts faits actuellement pour lutter contre la désertification. Les maisons médicales de santé se mettent en place, il s’en crée de plus en plus. Les jeunes médecins ne refusent pas de s’installer dans les déserts médicaux à la condition qu’ils ne soient pas seuls et qu’ils travaillent en coopération et en équipe.
Les départs en retraite ne sont pas couverts pour l’instant par les installations mais d’ici 4 à 5 ans, tout cela va se régler. Il n’y a pas besoin de mettre en place des mesures coercitives pour les médecins. Il faut au contraire des mesures incitatives, pas seulement financières, mais aussi d’organisation du travail. Il serait aussi utile de remettre tous les professionnels de santé autour d’une table pour repenser le financement de la Sécurité sociale et des actes médicaux. Une consultation à 23 euros, c’est se moquer du monde.
Les cliniques s’inquiètent de la redéfinition du service public hospitalier. Dans ce cadre, faut-il supprimer le secteur II aux établissements privés ?
Nous allons maintenir ce service public hospitalier (SPH) mais remettre en place les missions de service public de manière à ce que les cliniques spécialisées puissent entrer dans une mission de service public en pratiquant dans ce cadre le tarif opposable et avoir un tarif libre en dehors.
L’Assemblée devrait avoir le dernier mot sur la loi de santé. Que souhaitez-vous qu’il reste dans cette réforme du passage au Sénat ?
L’Assemblée devrait réintroduire le tiers payant, et plusieurs autres dispositions supprimées par le Sénat. Mais j’aimerais que sur le reste, le texte soit moins dogmatique, que les libéraux soient réintroduits dans les groupements professionnels de territoire et que l’on maintienne les missions de service public pour les cliniques. Ce serait une belle victoire pour le Sénat.
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