PLUS DE 8 MILLIONS de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 954 euros par mois. Est-ce à ceux-là que la grande conférence annoncée par François Hollande les 12 et 13 novembre au Palais d’Iéna à Paris sera consacrée ?
Ce serait en rester à une vision réductrice car strictement économique, si l’on en croit le CNLE, qui élabore une nouvelle approche de la pauvreté dans son rapport rendu la semaine à dernière à Marisol Touraine, ministre de la Santé, et Marie-Arlette Carlotti, ministre en charge de l’Exclusion. Missionné à l’origine pour définir « un revenu minimum décent », le groupe de travail de 23 membres a souhaité dépasser l’objectif technique après avoir constaté, à travers la vingtaine d’auditions menées, la complexité du phénomène. Au-delà des finances, la pauvreté vécue, c’est se priver de fruits, de légumes et de poisson ; c’est supprimer les sorties culturelles ou avoir froid l’hiver. C’est très souvent remettre à plus tard des soins : « la sécurité sociale rembourse de moins en moins : on regarde à deux fois avant d’aller chez le médecin. Les suivis obligatoires après une intervention coûtent cher et ne sont pas faits. Les lunettes ne sont pas changées », peut-on lire dans le rapport. Les privations de besoins primaires s’accompagnent d’un malaise psychique, d’un sentiment d’isolement, de culpabilisation et d’une perte d’estime de soi. « On ne peut pas vivre que de démarches sociales. Il faut faire par soi-même ».
De ces témoignages reçus depuis mars 2011, la notion floue de « reste à vivre », signifiant peu ou prou la part des ressources qui doit rester aux personnes pour satisfaire leurs besoins essentiels, quelle que soit la situation débitrice, ressort transformée. Le CNLE lui préfère le terme de « reste pour vivre » : ce qui reste après une soustraction mathématique des dépenses contraintes (loyer, énergie, télécommunication, impôts, assurances ...) aux ressources.
« L’impossible équation budgétaire ».
Derrière cette soustraction se cachent des situations de surendettement quasi structurelles. Le rapport, se fondant sur des statistiques du Secours Catholique de 2010, met en évidence des parts de dépenses contraintes dans le budget de certaines familles qui s’élèvent à 50 %, voire 70 % .. sans compter les dépenses plus souples mais inévitables, comme l’alimentation et l’habillement, ni les charges de la dette. Conséquence, les dépenses de santé hors remboursement, de loisirs ou d’équipement, sont souvent reportées, quand elles ne sont pas annulées.
« Il y a urgence à prendre des mesures prioritaires et à activer différents leviers », conclut le CNLE. D’un point de vue méthodologique, il demande à l’INSEE de se saisir de l’indicateur du « reste pour vivre » pour construire des budgets de références et définir les moyens convenables d’existence. À l’horizon, c’est une indexation des minima sociaux et des aides au logement sur le taux de croissance (et non sur l’inflation) que le conseil national demande. Il suggère aussi de créer un fonds de secours immédiat, alternative saine aux crédits revolving pour prévenir la spirale du surendettement. Les entreprises pourraient, elles, proposer une gamme de produits standards destinés aux plus démunis. Enfin, le CNLE préconise d’accentuer la prévention dans tous les domaines pour éviter des basculements dans la précarité. Éviter de faire de la santé une variable d’ajustement permettrait une meilleure participation des citoyens à la vie de la cité, espère le CNLE.
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