L’AMPLEUR et la nature des besoins de prise en charge des conséquences de l’excision n’avaient jusqu’ici jamais été évaluées dans le contexte sanitaire français. Or, d’après une estimation de 2004, le nombre de femmes adultes excisées résidant sur le territoire, oscillerait entre 42 000 et 61 000, soit une hypothèse moyenne de 53 000. Pour la première fois, une enquête de longue haleine, réalisée entre 2007 et 2009 dans cinq régions françaises (Haute-Normandie, Île-de-France, PACA, Pays de la Loire et Nord-Pas-de-Calais), devrait permettre d’offrir des soins adaptés et de mieux prévenir l’excision.
Expérience taboue, punie pénalement.
Dans cette enquête Excision et Handicap (ExH) conduite par l’INED (Institut national d’études démographiques), 2 882 femmes adultes migrantes (deux tiers) ou filles de migrants (un tiers) ont été interrogées dans un cadre strictement médical : consultations gynécologiques hospitalières ou centres de Protection maternelle et infantile (PMI). Parmi elle, 685 ont été victimes d’une mutilation sexuelle. Le questionnaire construit « en entonnoir » n’abordait la question des mutilations sexuelles qu’à la fin et dans « un module spécifique », précisent Armelle Andro, Marie Lesclingand et Emmanuelle Cambois. Au-delà des questions méthodologiques, les auteures expliquent que « ce sont surtout les enjeux éthiques et déontologiques » qui se sont posés avec le plus d’acuité, en raison du sujet lui-même : « Une expérience intime, dramatique, souvent taboue et qui, par ailleurs, est punie pénalement. »
Leur analyse, de type cas-témoins (2 197 témoins, 685 cas) livre ses premiers résultats. Elle a permis, ce qui « est assez rare », de pouvoir distinguer les risques de santé liés au contexte particulier des femmes excisées (migrantes, peu instruites, etc.) des « risques spécifiquement induits par les mutilations génitales féminines ».
Demande d’écoute et d’information.
Les données les plus significatives ont été obtenues dans le domaine de la sexualité, caractérisée par un vécu peu satisfaisant, voire systématiquement douloureux. Les femmes excisées déclarent, plus souvent que les non-excisées, avoir des difficultés à éprouver du désir sexuel « souvent » ou « toujours » (25 % contre 12 %) et sont plus nombreuses à n’en avoir pas du tout (23 % contre 14 %). Les douleurs pendant les rapports sexuels sont plus fréquentes (13 % contre 6 %) et la brûlure vaginale plus présente (13 % contre 5 %). L’enquête montre que ces femmes, nombreuses à faire spontanément le lien entre les difficultés qu’elles rencontrent dans leur sexualité et leur excision, sont en demande d’écoute et d’information sur ces questions.
L’excision est par ailleurs associée à des problèmes de santé, autres que ceux déjà mis en évidence par des études réalisées par l’OMS dans les pays où la pratique existe, telles que les infections urinaires et gynécologiques ou les complications au moment de l’accouchement (déchirures). Les femmes excisées expriment en effet plus souvent que les non-excisées des symptômes de mal-être (tristesse et découragement). Elles souffrent de douleurs diverses plus intenses, entraînant plus fréquemment des gênes dans la vie quotidienne. « Par exemple, une femme excisée sur 10 est gênée au quotidien pour uriner, marcher ou porter certains vêtements », notent les chercheurs de l’INED.
La chirurgie réparatrice, remboursée depuis 2003 par l’Assurance-maladie et aujourd’hui pratiquée dans une quinzaine d’hôpitaux et de cliniques, n’apparaît pas comme un recours systématique pour celles qui ont subi une mutilation. Si plus de la moitié des femmes excisées de l’enquête connaissent son existence, seulement 5 % y ont eu recours ou sont en cours de démarche et 20 % se disent intéressées. Les femmes qui n’envisagent pas d’y recourir déclarent « accepter leur état actuel » ou « ne pas en ressentir le besoin ». L’intérêt pour l’intervention est plus important chez les plus jeunes (moins de 35 ans), ce qui, ajouté à un changement possible de perception chez les plus âgées, pousse les auteures à souligner que le caractère aujourd’hui minoritaire de la demande de prise en charge chirurgicale ne présageait pas de son évolution future. Néanmoins, la chirurgie ne saurait être, selon elles, la seule réponse possible.
Un risque dans 30 % des cas.
Enfin, l’enquête a tenté d’évaluer le risque d’excision chez les fillettes en questionnant les mères sur leurs intentions et sur celles des pères. Parmi les filles des femmes excisées, 11 % étaient excisées et seulement 3 % parmi celles qui sont nées en France. Par ailleurs, la pratique « diminue nettement dans les dernières générations, attestant de l’abandon progressif de l’excision en contexte migratoire mais aussi dans les pays d’origine ». Dans 70 % des cas, aucun des deux parents n’a l’intention de faire exciser leur fille, pas plus qu’un proche. Le risque subsiste dans 30 % des cas, soit du fait d’un retour au pays soit du fait de l’intention plus ou moins formulée des parents.
Parmi les propositions suggérées à l’issue de leur étude, les auteures souhaitent qu’une attention plus grande soit portée sur l’aspect subjectif des conséquences de l’excision. L’OMS a en effet beaucoup insisté sur les complications lors de l’accouchement, dramatiques dans les pays d’origine. « La question semble se présenter différemment dans les pays de migration, où la médicalisation de l’accouchement réduit considérablement les risques. Dans ce contexte, c’est plutôt la qualité de la vie sexuelle qui pèse le plus », concluent-elles.
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