C’est à l’unanimité, et plus rapidement que prévu, que l’Assemblée nationale a voté dans la nuit du 15 au 16 mars une proposition de loi visant « à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste ». Après cette adoption en première lecture, le texte sera soumis en seconde lecture au Sénat, d’où elle est issue, le 25 mars prochain, avant une adoption définitive au printemps, espère le gouvernement.
Les députés ont fixé à 15 ans l’âge en dessous duquel la question du consentement ne peut se poser pour un acte sexuel avec un adulte ; et à 18 ans lorsqu’il s’agit d’un inceste. Le texte initial proposé par la sénatrice centriste Annick Billon, présidente de la Délégation aux droits des femmes, prévoyait un seuil de 13 ans.
« Ainsi, aucun adulte ne pourra se prévaloir du consentement d’un mineur » en dessous de cet âge de non-consentement, a déclaré le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Le message est « clair : on ne touche pas aux enfants ». La peine prévue est de 20 ans de réclusion criminelle pour les viols, incestueux ou non, et de 10 ans pour les agressions sexuelles.
Clause « Roméo et Juliette »
Le texte prévoit néanmoins de ne pas criminaliser les relations entre deux jeunes à la frontière de ces seuils : une clause surnommée « Roméo et Juliette » prévoit ainsi que les sanctions ne s’appliquent que si « la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans ». Clause qui saute néanmoins, s’il y a rémunération de l’échange sexuel, ou s’il y a viol ou agression.
Le débat a été vif sur cette clause. « Je ne pense pas que quand on a 13 ans et qu’on se fait racoler par des plus âgés, on a tout le discernement nécessaire », a estimé Florence Provendier (LREM). « Je ne veux pas envoyer devant les Assises un gamin de 18 ans et un jour parce qu’il a une relation consentie avec une gamine de 14 ans et demi », a répondu Éric Dupond-Moretti.
Lutte contre la prostitution et le cyberharcèlement
Sans accéder à la demande de certaines associations d’assurer l’imprescribilité des viols sur mineurs, le texte propose (à la suite du rapport de la députée Alexandra Louis) que le délai de prescription de 30 ans soit prolongé, si l’auteur viole d’autres enfants.
Enfin, la proposition de loi prévoit l’alourdissement des sanctions tant pour les proxénètes que pour les personnes ayant une relation sexuelle rémunérée avec un enfant, afin de lutter contre la prostitution des mineurs. Elle sanctionne aussi à hauteur de 10 ans d’emprisonnement la « sextorsion », qui consiste à inciter des mineurs à se livrer à des pratiques sexuelles sur Internet.
Le secrétaire d’État chargé de l’Enfance Adrien Taquet a rappelé qu’en parallèle de la loi, des actions de dépistage et de prévention seront intensifiées au travers notamment de l’école, afin de « mieux repérer et accompagner » les jeunes victimes.
Nouveau départ pour la Commission sur l’inceste
Enfin, la Commission indépendante inceste et violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) vient de commencer ses travaux, mi-mars, sous la présidence du juge des enfants Édouard Durand et de la travailleuse sociale Nathalie Mathieu, directrice générale de l’association Docteurs Bru. En décembre, cette instance avait connu un faux départ, sous la présidence de l’ex-garde des sceaux Élisabeth Guigou, qui avait dû renoncer à sa mission mi-janvier après avoir été citée parmi les proches d’Olivier Duhamel, accusé de viols incestueux par sa belle-fille Camille Kouchner.
La Commission, qui compte 20 membres dont des pédiatres, psychiatres, psychologues, magistrats, sociologues ou militants associatifs, ainsi que sept membres associés qualifiés, dont d’anciennes victimes, a deux ans et un budget de 4 millions d’euros pour faire « en sorte que le couvercle du silence et du déni ne se referme jamais », selon les mots d’Adrien Taquet.
Elle a pour mission d'« écouter la parole des victimes qui se libère aujourd’hui, et, à partir de cette parole, d’élaborer une politique publique qui renforce une culture de la protection », précise Édouard Durand. Un appel à témoignage devrait être lancé avant l’été. « On n’attendra pas deux ans pour sortir un rapport qui s’empile sur un bureau. On a tous les deux envie que des choses soient visibles avant », a prévenu Nathalie Mathieu, citant la production « de statistiques et données épidémiologiques fiables et l’élaboration de partenariats avec des établissements scolaires ou fédérations de sport ». Sans oublier la famille : « Il est temps de s’attaquer à la question des rapports de domination à l’œuvre dans la famille, les institutions et la société. Sinon, on est encore là dans 20 ans », a-t-elle déclaré.
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