LES ENFANTS risquent d’être moins bien immunisés qu’on ne le pense contre le tétanos ou la diphtérie. La faute n’en reviendrait pas à la négligence des médecins ou de leurs parents, mais à l’environnement. Plus exactement aux PFC (composés perfluorés) qui composent certains emballages alimentaires ou imprègnent des tissus. La baisse du taux d’anticorps avait déjà été constatée chez l’animal, aussi une équipe de chercheurs américains, danois et des Îles Feroe (Philippe Grandjean et coll.) a-t-elle tenté d’en contrôler l’existence chez des enfants de moins de 7 ans. Grâce à une étude prospective, elle a confirmé la survenue d’un phénomène similaire chez les jeunes humains.
Le PFOA et le PFOS.
Avant d’aller plus avant dans la description de l’étude, il convient de se rappeler que les deux PFC les plus fréquemment rencontrés dans le sang sont le PFOA (acide perfluorooctanoïque) et le PFOS (acide perfluorooctane sulfonique). Leur demi-vie chez l’humain est d’au moins quatre ans.
Le travail a été mené dans les Îles Féroe, où la forte consommation de produits d’origine marine est associée à une absorption élevée de PFC. La cohorte était constituée de 587 enfants nés entre 1999 et 2001, suivis jusqu’en 2008. Il s’agissait essentiellement des mesures du taux d’anticorps antitétaniques et antidiphtériques.
Premier constat : les deux PFC le plus souvent rencontrés chez ces enfants sont bien le PFOA et le PFOS. À la suite de dosages réalisés au cours de la grossesse, le PFOS a été jugé responsable des plus fortes baisses de concentrations en Ac à l’âge de 5 ans. Un taux doublé de ce PFC entraîne une chute de 39 % des anticorps antidiphtériques.
Les mesures de PFC réalisées chez les enfants de 5 ans montrent une corrélation uniformément négative avec les taux d’anticorps deux ans plus tard, à l’âge de 7 ans. Excepté pour les Ac antitétaniques dont le niveau consécutif à l’exposition aux PFOS n’est pas statistiquement significatif.
Lors d’une modélisation mathématique, les auteurs concluent qu’une concentration double en PFC les plus fréquents conduit à une baisse de 49 % du taux global d’anticorps. Un taux double de PFOS et de PFOA à l’âge de 5 ans entraîne un risque de chute du taux d’anticorps en dessous de la barre protectrice de 0,1 UI/ml. Deux ans plus tard, à 7 ans, l’odds ratio est chiffré à 2,38 pour la baisse des Ac antitétaniques et 4,2 pour les Ac antidiphtériques. Globalement, écrit l’équipe « une exposition aux trois PFC majeurs multipliée par deux est associée à un taux d’anticorps divisé par deux. »
Les expositions mesurées à l’âge de 5 ans.
Il semble bien, poursuivent-ils, que les associations négatives entre PFC et Ac soient les plus marquées pour les expositions mesurées à l’âge de 5 ans. À l’inverse, le niveau d’exposition in utero, tel qu’indiqué par les concentrations sériques maternelles, est moins clairement associé au devenir des anticorps.
Au plan épidémiologique, des données, certes limitées, suggèrent que les enfants américains présentent des taux sériques de PFC supérieurs à ceux des enfants feroéens. D’ailleurs les dosages de PFC sériques chez ces derniers à l’âge de 5 ans (entre 2004 et 2006) se montrent inférieurs à ceux des petits Américains âgés de 3 à 5 ans (entre 2001 et 2002). Pourtant, l’exposition aux PCB apparaît supérieure dans les Îles Feroe.
« Les concentrations sériques en anticorps spécifiques constituent un indicateur clinique et utile des fonctions immunitaires de l’enfant » rappelle l’équipe. Tous les enfants de l’étude ont reçu les mêmes doses de vaccins à plusieurs valences (DTCP) et ont été examinés à trois reprises, à des périodes similaires. Mais si l’ajout de la protection contre la poliomyélite et la coqueluche peut avoir atténué la réponse par anticorps, cet effet a été pris en compte dans l’analyse.
Dans ces conditions concluent les chercheurs « si ces associations sont causales, l’importance clinique de notre découverte est que l’exposition aux PFC pourrait accroître le risque pour un enfant d’être mal protégé contre la diphtérie et le tétanos, malgré un calendrier vaccinal respecté ».
JAMA, 25 janvier 2012, vol 307, n° 4, pp.391-397.
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